Au moment où la sixième vague de COVID-19 semble s’essouffler au Québec, une autre d’influenza déferle sur la province. Si les deux phénomènes semblent distincts, ils pourraient être liés, démontre une étude menée en laboratoire.

Professeur titulaire au département de microbiologie-immunologie et infectiologie de la faculté de médecine de l’Université Laval, le DGuy Boivin a étudié la relation entre les deux virus.

Dans le cadre d’une étude à laquelle il a contribué et dont les résultats ont été publiés en février dans la revue Viruses, ses collègues et lui en sont venus à la conclusion que la COVID-19 et l’influenza, le virus à l’origine de la grippe, cohabitaient mal.

Consultez l’étude (en anglais)

Après avoir infecté des cellules nasales avec le premier, il leur était beaucoup plus difficile d’introduire le deuxième virus, et vice-versa.

PHOTO TIRÉE DU SITE DU CHU DE QUÉBEC

Le DGuy Boivin, professeur titulaire au département de microbiologie-immunologie et infectiologie de la faculté de médecine de l’Université Laval

« C’est un phénomène qu’on appelle un antagoniste, une interférence virale. Si c’est vrai, ce qu’on a trouvé en laboratoire, et que ça se confirme au niveau populationnel, ça pourrait vouloir dire qu’à mesure que l’influenza prend de l’ampleur, la COVID-19 pourrait diminuer au cours des prochaines semaines », explique-t-il en entrevue.

Une vague tardive d’influenza

En effet, le Québec est frappé en ce moment par une vague d’influenza après deux ans d’absence. « L’an passé, on a sauté une année, on n’a presque pas vu de cas d’influenza répertoriés », indique le DBoivin.

Même cette année, j’en étais venu à la conclusion qu’on sauterait une autre année, mais ce n’est pas le cas, l’influenza est revenue début avril.

Le DGuy Boivin, professeur titulaire au département de microbiologie-immunologie et infectiologie de la faculté de médecine de l’Université Laval

Selon les plus récentes données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), 218 cas d’influenza ont été confirmés dans la province pendant la semaine du 10 au 16 avril.

Si ce chiffre paraît peu élevé, il faut savoir qu’il était près de zéro l’an dernier. Actuellement, à 11 % des tests de dépistage de l’influenza positifs, le Québec est bien au-dessus du seuil épidémique établi à 5 % et plus, indique le DBoivin.

De plus, il s’agit d’une vague exceptionnellement tardive, explique le chercheur. Normalement, l’influenza connaît son pic d’activité en hiver, aux mois de janvier et février. « C’est la première fois que je vois ça en 25 ans, à l’exception de 2009 où on avait eu la pandémie de H1N1 et où on avait des cas de grippe qui survenaient en avril, en mai ou en juin. »

Les causes exactes de ce phénomène sont difficiles à établir. D’abord, le confinement du début de l’année, où les contacts ont été restreints, puis le déconfinement de la fin de l’hiver peuvent l’expliquer en partie, indique le DBoivin. « Il faut tenir compte des phénomènes climatiques aussi, des températures, de l’humidité […], et le phénomène d’interférence virale peut jouer », précise-t-il.

À ne pas prendre à la légère

Mais voir l’influenza supplanter la COVID-19 est-il une bonne nouvelle ? Certes, le coronavirus présente un taux de mortalité plus élevé, mais la grippe tue aussi, rappelle le DBoivin. Si, en 2016, la grippe a entraîné assez peu de décès au Québec, soit 213, elle en avait causé 1044 en 2018.

Ce n’est quand même pas banal, il ne faut pas prendre ça à la légère.

Le DGuy Boivin

De plus, le phénomène « d’interférence virale » entre la COVID-19 et l’influenza n’empêche pas une « co-infection », c’est-à-dire une infection simultanée aux deux virus, précise-t-il. Un cas de ce phénomène a d’ailleurs été rapporté récemment dans la région de la Capitale-Nationale, ajoute le DBoivin.

Davantage observés au début de la pandémie de COVID-19, en mars 2020, à la toute fin de la dernière vague d’influenza au Québec, les cas de « co-infection » peuvent provoquer une maladie beaucoup plus grave, selon une étude britannique.