Les villages québécois à la frontière des États-Unis s’ennuient des allées et venues aux douanes. La fin des tests de COVID-19 obligatoires pour les voyageurs redonne toutefois un brin d’espoir à des municipalités comme Stanstead, Lacolle et Hemmingford.

« Ça fait deux ans qu’on n’a pas vu d’Américains », se désole Jeannette Sisco, gérante de la boutique Les Belles Affaires, un antiquaire collé sur l’un des trois postes frontaliers de Stanstead.

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Avant la pandémie, les automobilistes faisaient la queue devant son commerce en attendant de traverser la frontière. Mais la rue Dufferin est désormais déserte, jour après jour, et la plupart des locaux commerciaux sont à vendre ou à louer.

« Les autos formaient une file jusqu’en haut de la côte pour passer la douane », montre Jeannette Sisco, entourée de téléphones à roulette, de vinyles et de tasses en porcelaine.

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Jeannette Sisco, gérante de la boutique Les Belles Affaires, à Stanstead

Les gens débarquaient de leur voiture, ils venaient voir ce qu’on avait dans la boutique. Ce n’est pas tout le monde qui achetait. Certains attendaient à leur retour. C’était fou, mais maintenant, on ne voit plus ça, des files.

Jeannette Sisco, gérante de la boutique Les Belles Affaires, à Stanstead

Marie Géralda Lafleur a acheté La Grande Maison Blanche, en 2013, afin de la louer à des voyageurs passant du Vermont au Québec, et vice versa. Mais l’année dernière, un peu plus d’un an après la fermeture des frontières, la femme s’est résignée à convertir la vingtaine de chambres en six appartements pour de la location à long terme.

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La Grande Maison Blanche, à Stanstead, accueillait des voyageurs jusqu’à l’année dernière. La résidence centenaire a été transformée en six appartements pour de la location à long terme.

« Avec la COVID, il n’y a plus personne qui ne passait, ni dans un sens ni dans l’autre. Je ne recevais plus personne. La maison est restée vide longtemps », explique la femme au sujet de la résidence centenaire.

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Marie Géralda Lafleur, propriétaire de La Grande Maison Blanche, à Stanstead

Depuis le 1er avril, le gouvernement canadien n’oblige plus les voyageurs pleinement vaccinés à présenter un test de dépistage de la COVID-19 en entrant au pays. Les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), principale agence sanitaire des États-Unis, ne recommandent également plus aux Américains d’éviter de voyager au Canada à cause du coronavirus, depuis le 4 avril.

Malgré la levée de ces restrictions, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) n’a pas été en mesure de dire à La Presse si elle a observé une hausse des passages aux douanes dans la dernière semaine.

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La rue Frontière, à Hemmingford, mène vers l’État de New York.

Les Américains, une « grosse business »

Selon Jean-François Barbeau, propriétaire de la boucherie Viau à Hemmingford, les activités transfrontalières reprennent tranquillement, très tranquillement.

Il y a deux ans, il servait entre 10 et 15 Américains par jour. La clientèle du Sud représentait jusqu’à 16 % de ses ventes au détail. « C’est une grosse business pour nous », s’exclame celui qui a repris le commerce fondé par son arrière-grand-père dans les années 1950.

« Ceux qui vivent près de la frontière, à Mooers ou à Champlain, venaient une fois par semaine avant la pandémie. On vient de recommencer à les voir, ceux-là. Mais pour le monde un peu plus loin comme Plattsburgh, il va falloir faire de la publicité pour leur rappeler qu’ils peuvent traverser les douanes », explique-t-il.

Le vide laissé par les Américains a toutefois été comblé par des résidants de la région qui ont voulu encourager l’achat local, nuance le boucher. Cela ne l’empêche pas d’avoir hâte de revoir les États-Uniens.

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Jean-François Barbeau, propriétaire de la boucherie Viau, à Hemmingford

On dit que changer les habitudes d’un client, ça prend trois mois. D’après moi, ça va prendre un temps avant que ça revienne comme avant.

Jean-François Barbeau, propriétaire de la boucherie Viau, à Hemmingford

Au cœur d’Hemmingford, la circulation automobile a manifestement diminué, constate aussi Faith Gower, propriétaire de la boutique Variétés Hemmingford, un magasin général qui tient des galons de peinture, des chocolats de Pâques, des bottes de pluie, etc.

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« Ici, en temps normal, ça traverse beaucoup les douanes. Il y a plein de monde qui vont visiter Plattsburgh, magasiner, mettre de l’essence, passer un week-end ou une journée seulement », explique Faith Gower, propriétaire de la boutique Variétés Hemmingford.

« Ici, en temps normal, ça traverse beaucoup les douanes. Il y a plein de monde qui va visiter Plattsburgh, magasiner, mettre de l’essence, passer un week-end ou une journée seulement », explique-t-elle, entre deux clients.

« Mais c’est devenu vraiment difficile depuis deux ans », souffle-t-elle.

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« Les Américains viennent beaucoup [à Lacolle] pour mettre de l’essence. Le gaz est moins cher aux États-Unis, mais le taux de change est tellement à leur avantage que c’est plus économique de venir faire le plein ici », explique le maire, Jacques Lemaistre-Caron.

Le dollar et les Américains

La pandémie n’a pas été synonyme de chute d’affluence pour tout le monde. À Lacolle, le maire Jacques Lemaistre-Caron affirme que sa ville ne compte pas tellement d’attraits touristiques. Ce sont donc les commerces essentiels qui ont vu une petite diminution de la clientèle américaine. La baisse a toutefois été comblée par les résidants qui ont fui les grands centres urbains pendant la pandémie, dit-il.

« Les Américains viennent beaucoup ici pour mettre de l’essence. Le gaz est moins cher aux États-Unis, mais le taux de change est tellement à leur avantage que c’est plus économique de venir faire le plein ici », explique M. Lemaistre-Caron.

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Le Choco Choc Café, à Lacolle

Mais peu importe ce qu’en dit le maire, beaucoup ont hâte de revoir leurs voisins du Sud. Au Choco Choc Café, Nicole Pelletier s’ennuie des clients qui, sur la route des vacances, s’arrêtent pour un café ou un sandwich. Certains fidèles de l’État de New York ont même pris l’habitude de prévenir le restaurant quand ils seront de passage, affirme la copropriétaire de l’établissement ouvert il y a 16 ans.

« Du monde de Montréal qui s’arrête ici l’été, c’est fou ! dit-elle. Les touristes, dans un sens et dans l’autre, c’est eux qui nous soutiennent l’été. »

En savoir plus
  • 32 postes frontaliers terrestres entre le Québec et les États-Unis (dont 5 désignés commerciaux)
    Agence des services frontaliers du Canada
    914 092 voyageurs sont entrés au Canada dans la semaine du 21 au 27 mars 2019, contre 265 993 pour la même semaine en 2022
    Agence des services frontaliers du Canada