Au moins 240 millions de doses de vaccin périmées ont été gaspillées dans le monde, selon l’analyse de la firme Airfinity, établie à Londres, et publiée la semaine dernière par le quotidien Le Monde.

Doses périmées

Selon les données d’Airfinity, les doses gaspillées seraient composées à 73 % de doses du vaccin de Pfizer-BioNTech et à 18 % de doses d’AstraZeneca. Il s’agirait d’un bilan « largement sous-estimé », puisque ces données proviennent des pays occidentaux et que des millions de doses ont été envoyées aux pays en développement et n’ont pas été prises en compte.

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Un homme s’occupe d’un chargement de vaccins Johnson & Johnson contre la COVID-19 envoyés grâce au programme COVAX, à l’aéroport d’Addis Abeba, en Éthiopie, en juillet 2021.

2 %

Même si les chiffres sont imposants, ils représentent environ 2 % du nombre total de doses fabriquées dans le monde. Selon la Fédération internationale des fabricants et associations pharmaceutiques (IFPMA), quelque 12 milliards de doses de vaccins contre la COVID-19 avaient été fabriquées dans le monde à la fin de 2021, un nombre qui devrait atteindre 24 milliards de doses à la mi-2022.

Difficultés d’approvisionnement

Le virologue Benoit Barbeau, professeur à l’UQAM, souligne que les pays acheteurs de vaccins ont multiplié les commandes l’an dernier, alors que l’approvisionnement difficile en vaccins faisait les manchettes et que des usines n’arrivaient pas à fournir ou avaient des retards importants. « Ensuite, quand les stocks sont arrivés, il y en a eu beaucoup. À certains endroits, la demande était peut-être moins forte que ce qu’on avait prévu et, donc, il y a eu des pertes. Ce n’est pas idéal, c’est une situation regrettable. »

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Le virologue Benoit Barbeau, professeur à l’UQAM

Moins de 1 million

C’est le nombre de doses de vaccin dans l’inventaire central canadien qui sont devenues périmées depuis janvier 2022, selon Santé Canada. Avant cela, l’administration et l’approvisionnement en vaccins se faisaient au même rythme, ce qui a réduit les pertes au maximum. « Cela ne comprend pas les doses qui auraient expiré dans les stocks provinciaux ou territoriaux », selon Santé Canada, qui note que 118 millions doses de vaccin ont été importées au Canada depuis décembre 2020.

Ratés de COVAX

Sur le plan international, l’initiative COVAX, dirigée par l’Organisation mondiale de la santé et dont l’objectif est d’assurer un accès équitable aux vaccins contre la COVID-19, a aussi connu des ratés. « Ç’a été un casse-tête assez important, dit M. Barbeau. C’est un souhait d’utiliser ce regroupement pour s’assurer que les pays en développement reçoivent des doses vaccinales, mais on sait qu’il y en a qui se perdent, qui ne sont pas utilisées. Si vous avez un surplus dans votre pays et que vous l’envoyez dans un autre pays, il faut que le pays ait assez de temps pour utiliser les doses, qu’il y ait des travailleurs pour donner les doses. Sinon, on s’expose à des pertes. C’est une question de logistique. »

Exemple du Nigeria

Le quotidien Le Monde a enquêté sur l’exemple du Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec 219 millions d’habitants, qui a reçu 2,6 millions de doses de vaccin en provenance de pays occidentaux en octobre dernier. Or, la date de péremption des vaccins n’était alors que de quatre à sept semaines, un laps de temps trop court pour réaliser des tests sur leur qualité, de même que pour régler les exigences juridiques. L’enquête montre que seules 1,5 million de doses ont pu être administrées à temps. Le reste a été enfoui sous terre dans un dépotoir près d’Abuja, la capitale. À peine 10 % des habitants du Nigeria ont reçu une dose de vaccin jusqu’ici, tandis que 5 % sont pleinement vaccinés.

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Une femme reçoit l’un des premiers vaccins administrés au pays dans un hôpital de Lagos, au Nigeria, en mars 2021.

Date de péremption prudente

Les fabricants des vaccins sont prudents lorsqu’ils indiquent une date de péremption des doses vaccinales, note Benoit Barbeau. « Ç’a été fait dans l’urgence, dans les débuts. Mais je pense que ça peut être ajusté, car on réalise que ce sont des produits qui sont très stables pour la plupart. Mais les sociétés [pharmaceutiques] ne l’ont pas fait. Pourquoi ? C’est certain que plus la date de péremption est courte, plus les gens vont en acheter. Ce serait un bon moment pour ajuster le tir. »

Avec la collaboration de Mélanie Marquis, La Presse