Le plan de déconfinement annoncé par Québec est reçu favorablement par la plupart des observateurs sondés

Suffisamment prudent, et assez complet. Si le plan de déconfinement annoncé mardi par le gouvernement Legault est bien reçu par la plupart des experts sondés par La Presse, ceux-ci rappellent toutefois l’importance d’y aller par étapes, afin de se donner la « meilleure chance » de ne pas reculer.

« C’est effectivement assez prudent, sans l’être trop non plus. À un moment, il fallait arriver à faire en sorte que les gens retrouvent une vie normale, tout en étant vigilants. Et c’est ce que je vois dans ce plan », affirme la Dre Marie-Pascale Pomey, experte en politiques publiques à l’École de santé publique de Montréal.

Avec l’allègement des mesures, qui s’étalera jusqu’au 14 mars, date à laquelle « l’essentiel » des mesures sera levé, il était important de « se garder des moyens pour intervenir rapidement, en cas de besoin », affirme l’experte. Conserver le port du masque et le passeport vaccinal semble « une bonne sécurité », à ses yeux.

Ce que je déplore, toutefois, c’est de ne pas parler autant des tests rapides. Ça devrait davantage être dans leur langage. Il faut vraiment continuer à autodiscipliner les personnes dans leur utilisation de ces tests. Ça aussi, ça fait partie du filet de sécurité.

La Dre Marie-Pascale Pomey, experte en politiques publiques à l’École de santé publique de Montréal

« Globalement, la logique est maintenue par rapport à ce qui avait été annoncé au cours des dernières semaines, affirme la Dre Pomey. On doit maintenant aller tranquillement vers cette certaine forme de normalité. »

Le printemps « à nos portes »

Pour le virologue Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM, le déconfinement complet du Québec surviendra à un moment particulièrement propice à un contrôle de la situation. « La mi-mars va vraiment être un tournant, mais ce qui est bien, c’est qu’à ce moment, le printemps sera à nos portes. Les gens vont donc profiter bien davantage de l’extérieur, ce qui va aider à réduire la transmission », raisonne-t-il.

À ses yeux aussi, le plan est « suffisamment prudent », surtout parce que le gouvernement « se donne plusieurs semaines entre une série de mesures suivie d’une autre, ce qui permettra de s’assurer que la situation ne dérape pas ».

« Ça demeure encore plus prudent, je dirais, que dans l’ensemble des autres provinces canadiennes, surtout en comparaison avec la Saskatchewan », remarque M. Barbeau.

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Benoit Barbeau, virologue

Certains auraient peut-être voulu que ça soit encore plus rapide, mais d’y aller trop vite pourrait créer des hausses trop fortes. Il faut à tout prix éviter d’encore engorger le réseau hospitalier.

Benoit Barbeau, virologue

L’épidémiologiste Hélène Carabin est du même avis. « Ce virus-là ne va pas partir, et il va falloir effectivement qu’on apprenne à vivre avec lui. Oui, les cas risquent de remonter, et oui, le problème demeure la capacité hospitalière au Québec, mais les gens sont tannés et il y a des conséquences trop importantes sur la santé mentale. On ne pouvait plus continuer comme ça à mon avis », fait-elle valoir, en ajoutant que de « maintenir le masque, déjà c’est énorme » comme mesure de protection.

Le DAndré Veillette, chercheur à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, parle aussi d’un plan assez « prudent », mais se dit « un peu mal à l’aise avec le fait qu’autant de mesures soient annoncées en même temps ». « Ça fait beaucoup, beaucoup de facteurs à considérer, surtout qu’il y a encore l’incertitude du variant BA.2 et qu’il y a encore pas mal de cas. Il va falloir surveiller ça de près », prévient-il.

Repenser le réseau

À l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le président, le DGilbert Boucher, va aussi en ce sens.

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Le DGilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec

La population a besoin de déconfiner, on le sent, donc je pense que c’est le temps de le faire. On voit que dans les urgences, il y a de moins en moins de COVID, donc il y a une marge de manœuvre. On peut se le permettre.

Le DGilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec

Dans l’intervalle, le Québec devra toutefois « repenser le système de santé » le plus rapidement possible, réitère le DBoucher. « On ne voit pas les travailleurs revenir en masse, et on sait que les ressources ne seront pas largement augmentées. Il faut repenser le système, augmenter son efficacité, augmenter le flot hospitalier. La population a besoin de services et il faut pouvoir lui en donner. Ce n’est pas juste la COVID qui empêche des soins présentement, c’est le fait qu’on manque énormément de personnel », note-t-il.

Selon le DBoucher, l’une des leçons de la pandémie aura été les unités COVID-19. « Ce sont des dispositifs extrêmement efficaces. Il n’y en a pas, de patients COVID qui restaient deux jours de trop à l’hôpital. Ce sont des modèles qu’il faut ramener et implanter, pour utiliser les lits de la bonne manière », suggère-t-il.

Enfin, dit le conseil du patronat

Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) s’est réjoui mardi de la fin annoncée du télétravail, qui ne sera plus qu’une recommandation de la Santé publique dès le 28 février. « On nous donne enfin le plan détaillé, étape par étape, qu’on réclamait. La fermeture de l’économie ne doit plus être le premier réflexe après deux ans de pandémie. Le gouvernement doit faire confiance aux citoyens et aux employeurs », a martelé sa porte-parole, Victoria Drolet, dans une courte déclaration. C’est le CPQ qui avait réclamé la levée de cette mesure en début de semaine, lundi, au côté d’autres organisations économiques.