Quel pourcentage des classes a un taux de CO2 supérieur à la limite de 2000 ppm ? Québec ne veut pas rendre publiques tout de suite les données sur la qualité de l’air dans les écoles. Il préfère attendre que les données des lecteurs de CO2 soient « significatives ». Le principal syndicat du milieu de l’éducation dénonce ce « petit jeu de cache-cache », alors que 51 758 lecteurs étaient opérationnels lundi.

« Ce petit jeu de cache-cache ne fait qu’alimenter les préoccupations et la suspicion. Ce serait pourtant tellement simple de diffuser sur une base régulière les données, comme c’est fait pour les absences. Alors la question se pose : le ministère [de l’Éducation] a-t-il quelque chose à cacher ? », a commenté par courriel Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente 125 000 enseignants et employés en éducation.

Le gouvernement Legault s’engage à rendre publiques les données plus tard, sans toutefois donner de date. Avant de publier les données, Québec veut notamment qu’elles soient « significatives » et qu’elles s’étalent sur plus d’une semaine, a indiqué le cabinet du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge. Québec s’engage à les publier ensuite de façon régulière sur son site web, comme pour le taux d’absentéisme des élèves.

« Dans un souci de transparence, le gouvernement rendra publiques prochainement les premières données des lecteurs de paramètres de confort sur une base régulière, a indiqué par courriel le cabinet de M. Roberge. Mais encore faut-il, avant cette diffusion [des données], nous assurer qu’un nombre suffisamment important de lecteurs soit fonctionnel, que les données sont significatives, qu’elles offrent un portrait suffisamment complet et que le ministère ait pris le temps nécessaire pour en faire une analyse poussée afin, notamment, de s’assurer de leur fiabilité. »

Québec s’engage-t-il à publier les premiers résultats d’ici la fin de février ? Le ministère de l’Éducation a seulement précisé que les données seraient publiées « dès que possible ».

« On fait bien de poser la question, mais ça ne me choque pas [que les données ne soient pas disponibles pour l’instant], dit le virologue Benoit Barbeau, professeur à l’UQAM. Le plus important, c’est que les locaux les plus problématiques soient identifiés rapidement et qu’on apporte les correctifs nécessaires. Le gouvernement veut peut-être aussi éviter d’alerter la population avant d’avoir analysé les données convenablement. »

51 758 lecteurs opérationnels

Le niveau de CO2 mesure la qualité de l’air dans une classe. En temps de COVID-19, cette mesure est particulièrement importante. Plus le taux de CO2 est faible (moins de 1000 ppm), mieux la classe est ventilée et moins grand est le risque que le virus infecte de façon aérienne les élèves.

En date du 31 janvier, il y avait 51 758 lecteurs opérationnels et calibrés dans les classes du Québec – presque tous installés dans les 52 000 classes sans ventilation mécanique1, celles qui sont les plus problématiques.

La Presse a demandé cette semaine à obtenir le pourcentage de ces 51 758 classes dotées de lecteurs opérationnels selon le niveau de CO2 mesuré.

Quatre seuils ont été déterminés par le ministère de l’Éducation :

  • une concentration moyenne souhaitable (moins de 1000 ppm)
  • une concentration moyenne acceptable (1000-1500 ppm)
  • une concentration moyenne limite (1500-2000 ppm)
  • une concentration moyenne au-delà du seuil à ne pas dépasser (plus de 2000 ppm)

La Presse demandait donc quatre chiffres au total. Québec a indiqué qu’il ne souhaitait pas divulguer ces résultats pour l’instant.

Si le taux moyen de CO2 dans une classe est supérieur à 1500 ppm, le centre de services scolaire ou l’école privée peut demander à Québec à obtenir un échangeur d’air pour ce local. En date du 31 janvier, 499 échangeurs d’air avaient été distribués, 72 étaient en cours de livraison, et Québec en commandait 1000 supplémentaires.

« Qu’on doive se battre pour obtenir ces données-là [les taux de CO2], ça en dit long sur la volonté du ministre de camoufler la réalité », dit Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui représente 50 000 enseignants. « J’ai une hypothèse : je pense que le gouvernement va attendre que les températures se réchauffent pour bien faire la démonstration que tout va bien », dit M. Mallette.

La CSQ se demande ce que Québec veut dire quand il précise vouloir attendre que les données des lecteurs de CO2 soient « significatives ». « Qu’est-ce que ça signifie au juste, des données significatives ? Sur quelle base le Ministère fait-il cette évaluation ? », demande le président de l’organisation syndicale, Éric Gringras.

Le ministère de l’Éducation n’a pas précisé s’il publierait l’ensemble des données (par exemple, pour chaque classe ou chaque école), ou plutôt un résumé de l’état de la situation (pourcentage des classes selon le niveau de CO2). La CSQ et la FAE demandent toutes deux la publication de l’ensemble des données.

1 : Il s’agit d’une estimation basée sur le fait que 58 % des écoles du Québec n’ont pas de système de ventilation mécanique. Québec ne connaît pas le nombre précis de classes sans ventilation mécanique.

En savoir plus
  • 7 jours
    Période de calibrage d’un lecteur de CO2 avant qu’il soit opérationnel
    MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC
    90 000
    Nombre de lecteurs de CO2 installés dans les salles de classe du primaire et du secondaire au Québec d’ici la fin de février
    MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC