Les données sur les décès survenus au Québec depuis un mois semblent confirmer que la dose de rappel permet de réduire le risque de mourir de la COVID-19. Mais elle ne réduit pas le risque à zéro, particulièrement chez les personnes immunosupprimées.

Chez les 80 ans et plus, les chiffres du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) montrent en effet que les doublement vaccinés ont quatre fois moins de risques de mourir de la COVID-19 que les non adéquatement vaccinés. Les risques diminuent par ailleurs de huit fois pour les triplement vaccinés. De manière générale, les deux tiers des décès dans le dernier mois sont survenus chez les 80 ans et plus. Une personne sur cinq avait au moins 70 ans, et le reste avait moins de 70 ans.

La Presse a obtenu le statut vaccinal des 1135 décès survenus entre les 27 décembre et 24 janvier. De ce nombre, 380 avaient reçu trois doses. Ceux-ci se concentrent parmi les personnes les plus à risque, visées en priorité par la campagne de vaccination de rappel.

Au cours de cette période de 28 jours, environ 281 personnes de 80 ans et plus ayant reçu trois doses du vaccin sont mortes de la COVID-19, ce qui représente un ratio de 106 par 100 000 habitants. Tous âges confondus, les personnes de 80 ans et plus sont encore clairement les plus touchées par le virus.

Durant cette même période, 4 % des 80 ans et plus n’étaient pas adéquatement vaccinés. Le tiers avait deux doses et près des deux tiers avaient reçu une troisième dose. À l’inverse, à peine 11 % des 30 à 59 ans avaient trois doses et 76 % avaient deux doses.

À Québec, le MSSS précise que « puisqu’environ 94 % des personnes de 60 ans et plus ont reçu au moins deux doses du vaccin contre la COVID-19, il est normal d’observer un nombre de décès plus important chez les personnes vaccinées » en nombres absolus. « Plus le nombre de gens adéquatement vaccinés augmente, plus la probabilité de voir des cas chez des vaccinés est augmentée par rapport aux non-vaccinés, comme la transmission de la maladie dans la communauté se poursuit et que les vaccins ne sont pas efficaces à 100 % contre l’infection », affirme la porte-parole du Ministère, Marie-Claude Lacasse, à ce sujet.

L’importance du « boost d’immunité »

Pour la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) Roxane Borgès Da Silva, les chiffres obtenus par La Presse « confirment ce que la littérature scientifique dit sur Omicron, c’est-à-dire qu’il faut absolument chercher cette troisième dose pour compléter sa couverture vaccinale ». « C’est la seule manière d’obtenir ce boost d’immunité qui permet de se protéger et de ne pas développer de symptômes graves », soutient-elle en entrevue.

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Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

L’experte rappelle au passage que plusieurs des décès liés à la COVID-19 chez les Québécois vaccinés à deux ou trois doses sont probablement des personnes immunosupprimées, qui peuvent notamment contracter le virus en milieu hospitalier. « C’est la grosse variable confondante dans tout ça. Mais pour le reste, c’est très cohérent avec ce qu’on voit ailleurs dans le monde. Le taux de 1171 par 100 000 habitants qu’on voit [chez les 70 à 79 ans], c’est énorme », souligne-t-elle.

Le taux de mortalité des Québécois de 30 à 59 ans ayant reçu trois doses est légèrement supérieur à celui des doubles vaccinés. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que la stratégie de vaccination de rappel ciblait d’abord les immunosupprimés, beaucoup plus à risque de complications de la COVID-19.

Données « vraiment éloquentes »

Le son de cloche est similaire pour la Dre Maryse Guay, professeure à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. « Ce sont des données vraiment éloquentes. Je me demande ce qu’on pourrait avoir de mieux comme plaidoyer pour la vaccination », souffle-t-elle.

« Ça démontre très bien qu’avec le variant Omicron, certes, la vaccination n’est pas très efficace pour empêcher la transmission, mais extrêmement efficace contre les décès. On pourrait d’ailleurs faire le même calcul avec les hospitalisations », affirme la Dre Guay, qui rappelle qu’en épidémiologie, il faut toujours « comparer des proportions » et des « poids relatifs » de populations, et non seulement des chiffres absolus.

Si le mois de janvier n’est pas encore terminé, il est déjà au cinquième rang des mois les plus meurtriers de la pandémie de COVID-19 dans la province. Pour le DQuoc Dinh Nguyen, gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, le nombre élevé de décès est dû, en partie, à la lenteur de la campagne québécoise à fournir des doses de rappel aux personnes de 70 ans et plus vivant en dehors des soins institutionnels. « J’ai l’impression qu’il y a un nombre considérable de décès et d’hospitalisations qui auraient pu être évités si nous avions administré notre troisième dose plus tôt », a-t-il expliqué.

Contrairement aux vagues précédentes, la plupart des personnes décédées vivaient à domicile plutôt que dans des foyers de soins de longue durée ou des résidences privées pour aînés. De plus, parmi les personnes de 70 ans et plus mortes au cours de la vague actuelle, 22 % n’étaient pas vaccinées et 34,7 % avaient reçu une troisième dose de vaccin plus de sept jours avant leur mort.

Avec Thomas de Lorimier, La Presse, et La Presse Canadienne