Il faut changer nos façons de gérer la pandémie et réduire l’isolement des travailleurs de la santé, sous peine d’être condamnés à voir les hôpitaux surchargés et le délestage augmenter encore plus alors qu’on est déjà « en train de couper dans le muscle », plaide le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le DVincent Oliva. Avec le variant Omicron, « plus contagieux mais moins virulent », la COVID-19 « n’est plus la même maladie » que pendant la première vague, ajoute le médecin en entrevue avec La Presse.

Le DOliva affirme que « la situation est devenue critique » dans les hôpitaux du Québec. « Vous avez vu l’engorgement des hôpitaux. Le délestage qui fait en sorte que la médecine est pas mal sur pause… », dit-il.

Pour le DOliva, avec le variant Omicron, la COVID-19 n’est plus la même maladie qu’il y a deux ans. « On a l’impression qu’on agit encore selon les mêmes habitudes que les vagues précédentes. Avec les mêmes protocoles », dit le DOliva.

Il faut que les gens soient conscients que c’est une maladie différente. C’est un virus qui a subi des mutations qui font en sorte qu’il n’a plus les mêmes caractéristiques et n’atteint plus les patients de la même façon.

Le DVincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

Ce dernier ne veut pas banaliser le virus. Il martèle qu’il est important de continuer de se faire vacciner parce que « ça change le profil de maladie des patients ». Mais il souligne que le variant Omicron est « plus contagieux, mais moins virulent ». Et il faut « le gérer différemment ». « Si on continue de le gérer comme durant les vagues précédentes, bien on voit les hospitalisations monter, les lits d’hôpitaux s’engorger… On n’a pas encore atteint le pic et on est dans plusieurs hôpitaux à un niveau 4 de délestage, et on commence à parler de niveau 5. Des niveaux 5, ça veut dire qu’on va commencer à moins traiter les patients urgents… Il y a urgence d’agir. Et pour moi, l’urgence d’agir, c’est de changer nos façons de faire. »

Alléger l’isolement des travailleurs de la santé

Le DOliva pense notamment que les travailleurs de la santé asymptomatiques doivent être retournés en plus grand nombre au travail. Certes, le gouvernement permet déjà à ces travailleurs de retourner au travail en cas de rupture de services. « Mais dans la pratique, on ne le fait pas beaucoup », relève le DOliva, qui estime que ces retours devraient être permis « de façon systématique ».

Il faut selon lui cesser d’isoler de façon préventive les travailleurs de la santé qui ont eu des contacts avec des cas positifs. Tout comme il faut arrêter de tester systématiquement des travailleurs de la santé asymptomatiques en prévention.

On a besoin de ramener des travailleurs tout de suite dans le réseau de la santé.

Le DVincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

Selon un tableau diffusé mercredi par le ministère de la Santé, 50 % des patients positifs hospitalisés actuellement au Québec ont été admis à cause de la COVID-19. Les autres sont hospitalisés pour une autre raison, mais sont positifs au virus. Pour le DOliva, il est justifié de placer les patients positifs dont la maladie principale est la COVID-19 sur des étages rouges. Mais pour les patients positifs qui sont à l’hôpital pour une autre condition et qui ont peu de symptômes de la COVID-19, « il n’y a pas lieu de les mettre sur un étage COVID ». Ces patients doivent, selon le DOliva, être traités sur leur étage habituel, mais le personnel doit simplement bien se protéger.

Le DOliva croit enfin que les patients en fin de soins actifs qui attendent une place en CHSLD ou en résidence pour aînés et qui ont peu de symptômes pourraient être retournés plus facilement vers ces milieux. On compte plus de 1700 de ces patients dans la province. Le DOliva note qu’avec la vaccination et le variant qui n’est plus aussi virulent qu’au départ, « le risque a diminué énormément ». En gardant trop de ces patients à l’hôpital, « ce qu’on fait, c’est qu’on empêche d’autres patients d’avoir des soins. Et ça, c’est un risque qu’on ne calcule pas, mais qui est plus important à mon sens et à celui de plusieurs de mes collègues », dit le DOliva.

« Le risque zéro n'existe pas »

Le DOliva ne le nie pas : les hôpitaux débordent actuellement. Mais essentiellement, selon lui, parce qu’« il y a trop de malades pour le nombre de travailleurs ». « C’est pour ça que je vous dis que si on est capables de ramener des travailleurs dans le réseau en gérant différemment […], ça va changer le rapport entre les malades et les travailleurs », dit-il, tant dans les hôpitaux que dans les milieux de vie pour aînés.

Pour la FMSQ, il faut comprendre que « le risque zéro, en ce moment, n’existe pas », et que puisqu’on est en crise, il faut « sortir de la notion de médecine parfaite ».

À vouloir être trop parfait avec la COVID et en mettant l’attention démesurée sur la façon dont on gère ces patients-là, on néglige les autres patients. Et ça, c’est un élément de risque qui est très significatif.

Le DVincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec

Le DOliva précise qu’il y a déjà des conséquences non visibles au délestage et au report de tests de dépistage, notamment. « On a déjà commencé à prendre un peu de retard sur les maladies qui progressent. Il faut en être conscient et il faut changer notre façon d’aborder cette maladie qui n’est plus la même qu’au début de la pandémie. »