Il n’y a cependant pas de signe que le variant Omicron est plus virulent chez les enfants

L’augmentation substantielle du nombre d’enfants hospitalisés positifs à la COVID-19 ne fait toujours pas redouter qu’Omicron soit plus virulent pour les enfants que les précédents variants. Selon les spécialistes interrogés, les hospitalisations pédiatriques à la hausse reflètent en grande partie la transmission communautaire fulgurante qui se traduit par de forts pourcentages de tests positifs sur des enfants venus aux urgences pour d’autres symptômes.

Au CHU Sainte-Justine et à l’Hôpital de Montréal pour enfants, les inquiétudes ne portent donc pas beaucoup sur les hospitalisations pédiatriques actuelles, qui sont sous contrôle en général. C’est plutôt le spectre du mystérieux syndrome inflammatoire multisystémique (surtout redouté chez les petits non vaccinés) qui continue de préoccuper, de même que les effets négatifs de l’école à distance sur la santé mentale.

Depuis une semaine, au Québec, 84 enfants de 0 à 9 ans et 20 jeunes de 10 à 19 ans ont été admis à l’hôpital, où ils ont reçu un résultat positif à la COVID-19, selon les données de l’Institut national de santé publique du Québec. Statistiquement, c’est nettement plus que lors des précédentes vagues.

Mais comme chez les adultes, une très grande proportion des enfants qui se retrouvent dans les statistiques ne sont pas hospitalisés en raison de la COVID-19. « Chez nous, une majorité des enfants ayant eu un test PCR positif sont hospitalisés pour une raison autre que la COVID », indique le DJesse Papenburg, infectiologue pédiatrique et microbiologiste médical à l’Hôpital de Montréal pour enfants, évoquant ces enfants asymptomatiques dépistés préventivement avant une intervention chirurgicale orthopédique, par exemple.

Lors des précédentes vagues, signale le DOlivier Drouin, chercheur, pédiatre au CHU Sainte-Justine et auteur d’une étude sur le sujet, « de 30 % à 40 % des enfants qui venaient à l’hôpital pour d’autres problèmes de santé recevaient par la bande un test positif ».

Dans son hôpital, 15 enfants qui sont présentement hospitalisés ont aussi obtenu un test de COVID-19 positif. « Pandémie ou pas, on est toujours particulièrement vite sur la gâchette dès qu’un nouveau-né présente de la fièvre. On l’hospitalise », précise le DDrouin.

Mais comment vont ceux qui sont réellement hospitalisés en raison de la COVID-19 ? Le fait que les symptômes respiratoires soient plus fréquents cette fois que les problèmes gastro-intestinaux des précédentes vagues a-t-il un impact ? La majorité reçoit son congé en 24 à 72 heures, précise le DDrouin. « Un très petit nombre a besoin de support respiratoire. »

Les rares à s’en sortir plus difficilement, relève le DJesse Papenburg, de l’Hôpital de Montréal pour enfants, sont essentiellement les bébés qui ont 1 ou 2 mois, les enfants avec un problème de santé sous-jacent (notamment neurologique) et, chez les adolescents, ceux qui souffrent d’obésité.

Ce tableau d’une hausse importante des hospitalisations sans que les enfants soient plus gravement atteints est aussi celui qui est observé en France et aux États-Unis.

Le spectre du PIMS

N’empêche, le DAntonio D’Angelo, chef des urgences au CHU Sainte-Justine, ne cache pas avoir été ébranlé par les deux cas de syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (appelé PIMS, selon l’acronyme anglais) admis coup sur coup dans son établissement ces derniers jours.

Entre mars 2020 et novembre 2021, 300 jeunes Québécois ont été soignés pour ce syndrome qui frappe les enfants de 2 à 6 semaines après qu’ils ont eu la COVID-19, souvent même quand ils ont été asymptomatiques.

« Ce sont des patients en pleine santé normalement qui arrivent très malades et en choc dans nos salles de réanimation, dont le cœur bat moins bien et qui sont en hypotension », explique le DD’Angelo.

Traités avec des immunoglobulines (des anticorps), ces enfants s’en tirent finalement, mais après plusieurs jours de soins intensifs et souvent avec quelques séquelles.

« Même si ces syndromes sont rares, ils sont inquiétants, d’autant qu’on n’a pas de recul et qu’ils frappent des enfants normalement en pleine santé. Avec l’augmentation du nombre d’enfants qui ont la COVID, je crains une montée de ces cas. »

Tout comme le DD’Angelo, le DPapenburg, infectiologue pédiatrique et microbiologiste médical à l’Hôpital de Montréal pour enfants, s’inquiète de ce tout nouveau syndrome inflammatoire multisystémique arrivé avec la pandémie, mais il n’ose aucune prédiction. « On ignore si Omicron aura tendance à créer davantage de ces syndromes ou si, au contraire, le risque sera diminué. À l’Hôpital de Montréal pour enfants, on a eu un cas pendant les Fêtes, mais l’infection était survenue six semaines plus tôt et c’était un variant Delta. »

Une étude dévoilée la semaine dernière par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), aux États-Unis, indique qu’aucun jeune ayant été pleinement vacciné et ayant été frappé par le PIMS après une infection au variant Delta n’a eu besoin d’assistance respiratoire ou cardiaque, alors que 39 % des jeunes non vaccinés en ont eu besoin. L’étude a porté sur 283 jeunes de 12 à 18 ans.

Des hôpitaux pédiatriques moins occupés qu’un hiver normal

De façon générale, les hôpitaux pédiatriques du Québec sont présentement moins occupés que pendant un hiver normal. Moins que l’automne dernier. Rien à voir avec les hôpitaux pour adultes, quoi.

C’est qu’étrangement, les hôpitaux pédiatriques du Québec ont exceptionnellement vu un pic de bronchiolites dès la fin d’août et en septembre, « alors que d’autres provinces canadiennes sont présentement aux prises aussi bien avec un pic de COVID-19 qu’avec l’habituel pic des bronchiolites hivernales », indique le DPapenburg.

Le DDrouin, du CHU Sainte-Justine, insiste donc : « On soigne tous les enfants, les urgences sont ouvertes. » Les parents qui sont inquiets pour la santé de leurs enfants, pour quelque raison que ce soit, ne doivent pas penser que c’est la folie et que les hôpitaux sont inaccessibles, dit-il.

Pour un retour en classe… avec bulles

Le DPapenburg est favorable au retour en classe. « C’est mon opinion. Il est clair que les fermetures prolongées d’écoles ont des conséquences néfastes sur les enfants. J’espère que les deux dernières semaines ont permis de rendre la rentrée la plus sécuritaire possible » avec un personnel des écoles qui a été priorisé pour la troisième dose et l’arrivée massive de tests rapides.

« Je pense qu’une utilisation intelligente des tests rapides pour les cas contacts est aussi efficace pour prévenir les cas secondaires que la fermeture des classes », et ce, précise-t-il, même si ces tests rapides apparaissent moins sensibles qu’avec les précédents variants.

Le DPapenburg plaide cependant pour un respect de la bulle-classe qui, ajouté au port du masque et à l’aération de la classe, rend selon lui le retour à l’école possible.

Le DD’Angelo souhaite aussi le retour en classe le 17 janvier. « On a vu des tonnes de jeunes avec des idées suicidaires lors des vagues précédentes. Les premières fermetures d’écoles ont été un désastre pour la socialisation des jeunes. »

La confirmation du retour en classe le 17 janvier est certes une décision difficile à prendre, dit pour sa part le pédiatre Olivier Drouin. D’un côté, il y a un réseau de la santé sous haute pression, de l’autre, la santé mentale des jeunes fortement mise à mal.

Mais il demande à être convaincu que les nombreuses éclosions associées d’emblée aux écoles en soient vraiment issues, comme on l’entend généralement. Pas impossible, soumet-il, que ce soit l’inverse et qu’une bonne partie des cas attribués aux écoles découlent plutôt de la transmission communautaire.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse