La cinquième vague de COVID-19 submerge le Québec. Les hospitalisations atteignent des sommets, les décès montent en flèche, les laboratoires de dépistage ne répondent plus à la demande, et le personnel de la santé est à bout de souffle. Le virus aurait-il eu raison de tous les efforts mis de l’avant pour le contenir depuis bientôt deux ans ? Non, répondent les experts, pour qui tout n’est pas noir. Loin de là.

Des mesures salvatrices

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le Dr François Marquis, chef du service des soins intensifs de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont

Les efforts de la population n’ont pas été vains. « En ce moment, on a encore des cas, des décès et beaucoup de stress sur nos [établissements de santé], mais c’est probablement une goutte d’eau par rapport à ce qu’on aurait eu si on s’était juste assis et qu’on avait regardé la vague passer », affirme François Marquis, chef du service des soins intensifs de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Quand les stratégies de prévention fonctionnent, il peut être difficile d’en voir l’utilité, indique le médecin.

« On continue de voir des gens mourir dans des accidents de voiture. Est-ce que ça veut dire que les coussins gonflables, les ceintures de sécurité et la prévention sur l’alcool au volant n’ont servi à rien ? Bien sûr que non », illustre-t-il.

À son avis, les progrès réalisés jusqu’à maintenant sont une grande victoire collective. « On a agi, on a travaillé et on a contrôlé [le virus], ce qu’on n’aurait pas pu faire il y a 10 ou 15 ans », dit-il.

On ne réalise pas que si la COVID-19 avait eu lieu dans les années 1980 ou 1990, ça aurait été un carnage.

Le DFrançois Marquis, chef du service des soins intensifs de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont

Bien que nous ne sachions pas ce que la pandémie nous réserve, « nous avons tout à gagner à nous dire que peu importent les circonstances, on va y arriver », estime la psychologue Tina Montreuil, chercheuse à l’Université McGill.

Un virus changeant

PHOTO FRANÇOIS GERVAIS, ARCHIVES LE NOUVELLISTE

Lionel Berthoux, professeur de virologie et maladies infectieuses au département de biologie médicale de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

« Il y a beaucoup de cas et les hôpitaux sont en train de déborder. La situation est un peu décourageante, mais il y a tout de même un bon côté à ce qui est en train de se passer », affirme Lionel Berthoux, professeur de virologie et maladies infectieuses au département de biologie médicale de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

De plus en plus d’études le démontrent : Omicron semble moins mortel que le variant Delta.

« On a une recrudescence des cas, mais beaucoup moins de mortalité. Si on avait eu la même flambée de cas Omicron à la première vague, on aurait des milliers, voire des millions de morts de plus [dans le monde] », estime le DMarquis.

Le professeur Berthoux juge qu’il est peu probable que le virus mute de telle manière qu’il en émerge un variant plus transmissible et plus virulent que le variant Omicron.

« Bien qu’on ne soit jamais à l’abri de l’apparition d’un variant effrayant, statistiquement, on devrait avoir une maladie qui est contagieuse, mais beaucoup moins sévère », abonde le DMarquis.

Environ 200 virus sont responsables du rhume au Canada. « À long terme, la COVID-19 va probablement devenir l’un de ceux-là », dit Denis Leclerc, professeur de biologie médicale à la faculté de médecine de l’Université Laval.

40 %

Les personnes infectées par le variant Omicron sont environ 40 % moins susceptibles d’être hospitalisées que celles infectées par le variant Delta.

Source : Imperial College de Londres

L’arme des vaccins

Pour le virologue Lionel Berthoux, une chose est sûre : le virus « n’a pas gagné ».

« Il a gagné certaines batailles, parce qu’il y a eu beaucoup de morts, mais la pandémie a permis de belles avancées, notamment les vaccins, qui ont permis de sauver un très grand nombre de vies », dit-il.

Tant par leur vitesse de fabrication que par leur efficacité, l’étoile de la pandémie revient aux vaccins à ARN messager, renchérit M. Leclerc. « C’est du jamais vu », dit-il.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L'UNIVERSITÉ LAVAL

Denis Leclerc, professeur de biologie médicale à la faculté de médecine de l’Université Laval

« Quand la communauté scientifique, les entreprises pharmaceutiques et les organismes d’accréditation ont les ressources et se mettent à travailler dans un but commun, on arrive à homologuer des médicaments et des stratégies de traitement à une vitesse phénoménale », soutient le DMarquis.

Même si leur grande efficacité a été mise à mal par Omicron, les vaccins fournissent toujours au Québec les outils nécessaires pour traverser cette cinquième vague et faire face aux futurs variants, estime M. Leclerc.

Mais il faut que les personnes se fassent immuniser régulièrement. Ça va être la façon de passer à travers.

Denis Leclerc, professeur de biologie médicale à la faculté de médecine de l’Université Laval

Il juge que le plus grand défi au cours des prochains mois sera de maintenir le taux de vaccination élevé dans la province.

75 %

Protection contre les infections causées par le variant Omicron avec trois doses de vaccin, selon des données préliminaires au Royaume-Uni

Source : Institut national de santé publique du Québec

Des médicaments en renfort

PHOTO FOURNIE PAR PFIZER

Des comprimés de Paxlovid, de Pfizer

Deux médicaments qui réduisent les risques d’hospitalisations dues à la COVID-19 pourraient à court terme s’ajouter à l’arsenal pour combattre le virus.

« Ces médicaments pourraient aider les personnes les plus à risque de développer des complications sérieuses », indique M. Berthoux.

L’administration du Paxlovid, de Pfizer, réduit le risque d’hospitalisation et de décès de 90 %, selon les premiers essais cliniques. Elle consiste en une combinaison de deux pilules prises deux fois par jour pendant cinq jours.

Quant au molnupiravir, molécule mise au point par le laboratoire Merck, il est destiné aux adultes à haut risque. Le médicament réduit le risque d’hospitalisation et de décès de 30 % au sein de la population fragile, selon les essais. Il s’administre avec huit doses par jour pendant cinq jours.

« Ce serait très bien si on pouvait bénéficier de ces deux médicaments rapidement. Ça permettrait de diminuer le nombre de personnes hospitalisées », dit M. Berthoux.

0,8 %

Pourcentage des participants de l’étude qui ont été hospitalisés ou qui sont morts pendant les 28 jours suivant l’administration de Paxlovid, contre 6 % des patients qui ont reçu le placebo

Source : Food and Drug Administration (FDA)

La force collective

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L'UNIVERSITÉ MCGILL

Tina Montreuil, professeure adjointe au département de psychopédagogie et de psychologie du counseling de l'Université McGill

Après 21 mois de pandémie, beaucoup ont le moral à plat. « Ça a été difficile, ce qu’on a vécu, et c’est encore difficile », dit la psychologue Tina Montreuil.

Malgré les difficultés, affirme-t-elle, de grands apprentissages ont été faits. « La pandémie va nous avoir montré la force que l’on possède, la résilience et l’endurance psychologique et émotionnelle », énumère-t-elle.

« Si on avait demandé aux gens, avant la pandémie, comment ils auraient réagi s’ils avaient été soumis à des restrictions de façon aléatoire et continue, la majorité d’entre eux auraient probablement pensé qu’ils l’auraient moins bien géré qu’ils ne l’ont fait en réalité », illustre-t-elle.

Même si la situation actuelle n’est pas facile, « on ne doit pas abandonner la bataille », dit-elle. La psychologue suggère d’essayer, vaille que vaille, de relever le positif dans notre quotidien.