Une infirmière de l’hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, déclarée positive à la COVID-19 affirme que son employeur lui a ordonné de retourner travailler avant la fin de son isolement, alors qu’elle a toujours des symptômes de la maladie.

Sur son compte TikTok, l’infirmière Sara Beaulieu, 35 ans, a partagé une vidéo samedi où elle affirme qu’on l’oblige à retourner travailler malgré le fait qu’elle a toujours des symptômes de la COVID-19.

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Sara Beaulieu est technicienne en soins infirmiers depuis quatre ans, en plus d’étudier au baccalauréat en sciences infirmières. Elle a été déclarée positive à la COVID-19 le 24 décembre. Le CISSS de Laval n’a pas pu confirmer cette date pour des raisons de confidentialité du dossier des employés. La Presse a toutefois consulté les consignes d’isolement que Mme Beaulieu avait reçues à la suite de son test de dépistage. Elles confirment que sa date de fin d’isolement est le 3 janvier, soit ce lundi.

« J’ai verbalisé le fait que j’avais des symptômes, que je ne me sentais pas apte à retourner travailler, a affirmé Mme Beaulieu en entrevue avec La Presse. On m’a dit que je n’avais pas le choix, on m’a mise au pied du mur. Et on m’a crié après et on m’a dit que je faisais de l’insubordination. »

Du côté du CISSS de Laval, on affirme que les employés présentant des symptômes de la COVID-19 n’étaient pas rappelés au travail. « Dans le cas d’absences liées à la COVID, on s’assure que les employés n’ont pas de symptômes. C’est l’aspect le plus important pour les gestionnaires. Après 10 jours, les employés qui n’ont pas de symptômes peuvent revenir au travail, a indiqué par écrit Judith Goudreau, relationniste pour le CISSS de Laval. Notre organisation ne demanderait jamais à un employé de revenir au travail avec des symptômes. »

Après s’être présentée sur place dimanche, Sara Beaulieu n’a finalement pas eu à faire son quart de travail en raison de son état de santé, affirme-t-elle.

Rappelons que, depuis le 29 décembre, le gouvernement du Québec a choisi de permettre aux travailleurs essentiels positifs à la COVID-19 – mais asymptomatiques – de retourner travailler avant la fin de la période d’isolement (et à certaines conditions) lorsqu’il y a risque de rupture de services.

Lisez « Des scénarios de retour au travail présentés par Québec »

Qui décide si les symptômes sont réels ?

Samedi, ça faisait neuf jours que Sara Beaulieu était en isolement. Selon elle, son employeur lui a demandé de retourner travailler le dimanche, après avoir fait un test de dépistage, parce qu’on ne l’a pas crue lorsqu’elle a dit avoir encore des symptômes de la COVID-19.

« J’ai de la fatigue intense, je dors tout le temps, comme 12 heures par nuit. Je fais des siestes, j’ai de la toux, j’ai mal à la tête. Je suis vraiment congestionnée et j’ai des sécrétions », a-t-elle énuméré à La Presse.

Le syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires de Laval (SIIIAL) fait présentement une enquête sur l’évènement.

​​L’employeur a une version différente que cette travailleuse. La problématique, c’est qu’au lieu d’être le Bureau de santé qui a fait l’enquête [sur l’état de santé de Sara Beaulieu], c’est sa gestionnaire elle-même.

Dereck Cyr, président par intérim du SIIIAL

Le Bureau de la santé relève des ressources humaines du CISSS de Laval. Il est chargé du volet de santé des travailleurs, notamment lorsqu’il y a des congés de maladie.

« Ils ont dit que le Bureau de santé était débordé, mais la gestionnaire de plancher ne devrait pas savoir pourquoi une employée est en arrêt de travail, donc c’est un bris de confidentialité, poursuit Dereck Cyr. Ensuite, la gestionnaire peut ne pas avoir la neutralité nécessaire par rapport à une employée en particulier. »

Un questionnaire du gouvernement permet d’évaluer si un employé du système de santé est apte à y retourner, explique M. Cyr. « Ça ne devrait pas être le gestionnaire qui fasse cette job-là. On a un malaise, nous, les syndicats à Laval. »

Un risque « acceptable », selon une experte

Selon la Dre Maryse Guay, médecin-conseil à la Direction de santé publique et à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), il peut être « acceptable » de faire entrer une infirmière qui dit avoir des symptômes avant la fin de son isolement.

« Mais ça dépend toujours de quel travail fait l’infirmière, et auprès de quelle clientèle. Si elle est aux soins intensifs avec des gens vulnérables, peut-être pas », explique-t-elle.

L’ampleur et l’intensité des symptômes ont aussi un rôle à jouer dans le choix de ramener une infirmière sur le plancher.

Je n’enverrais pas quelqu’un qui fait 39 de fièvre au travail après 5 jours. Les gens qui organisent le travail sur le terrain doivent prendre en compte ces variables.

La Dre Maryse Guay

Au moment de publier ces lignes, La Presse n’avait pas reçu de réponse du ministère de la Santé et des Services sociaux à ce sujet.

« Je me sens zéro respectée. C’est un domaine [les soins infirmiers] où il faut respecter les symptômes et la maladie des gens dans l’empathie, soutient Sara Beaulieu. Mais il n’y a aucune considération sur comment nous on peut se sentir quand nous-même on est malade. »