(Ottawa) Le Canada a rejoint les États-Unis, jeudi, pour la proportion des gens qui ont reçu leur première dose de vaccin, et il se rapprochait rapidement de la liste des 10 pays les plus vaccinés au monde.

À l’échelle mondiale, le Canada se trouve maintenant dans le top 15 pour la proportion de la population ayant au moins une dose de vaccin — un changement marqué par rapport à sa 42e place au début de mars. Mais certains professionnels de la santé rappellent que cette belle avancée s’est faite aux dépens d’une grande partie de la planète.

Jeudi matin, le Canada avait administré au moins une dose à 18,1 millions de personnes, soit environ 47,6 % de sa population, comme les États-Unis. Le Canada devait toutefois prendre les devants d’ici la fin de la journée jeudi, alors qu’il vaccine désormais les gens 1,8 fois plus vite que les États-Unis.

Le Canada est toutefois loin derrière pour ce qui a trait aux deuxièmes doses — en 64e place dans le monde, avec seulement 4 % de la population « entièrement vaccinée ». Aux États-Unis, 37,5 % de la population est entièrement vaccinée.

L’économiste Trevor Tombe, de l’Université de Calgary, constate que la popularité du vaccin au Canada continue d’être très forte, ce qui est de bon augure pour l’objectif de faire vacciner au moins 75 % de la population et atteindre une immunité collective. « Notre rythme de vaccination s’accélère, alors qu’il a commencé à décélérer brusquement aux États-Unis », a-t-il déclaré.

Selon le professeur Tombe, le rythme de vaccination au Canada est maintenant parmi les plus rapides au monde et le pays est en bonne voie pour devancer le Chili et la Hongrie la semaine prochaine, le Royaume-Uni au début de juin et Israël avant le 1er juillet.

En fin de semaine, la moitié de la population canadienne devrait avoir reçu la première dose, et le Canada pourrait atteindre le chiffre magique de 75 % des personnes de plus de 12 ans vaccinées d’ici la troisième semaine de juin. À ce stade, les responsables de la santé publique recommandent de commencer à lever progressivement les restrictions.

La ministre fédérale de l’Approvisionnement, Anita Anand, résiste à la tentation de célébrer, répétant qu’elle maintient la pression sur les fournisseurs de vaccins pour qu’ils remplissent leurs contrats, dans un monde où la demande est bien supérieure à l’offre disponible. Elle admet tout de même qu’il « semble un peu surréaliste » de voir autant de Canadiens maintenant vaccinés.

Dépendance à l’étranger

L’incapacité du Canada à produire au pays des vaccins contre la COVID-19 a été le plus grand obstacle aux efforts de vaccination du Canada au début de la vaste opération.

Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a qualifié d’« encourageants » les derniers chiffres, mais il déplore les « erreurs importantes » commises dès le début par le gouvernement libéral. « Ils n’ont pas créé la capacité de produire le vaccin ici au Canada. »

La porte-parole conservatrice en matière de santé, Michelle Rempel Garner, a été l’une des critiques les plus virulentes de l’approvisionnement fédéral en vaccins et elle estime qu’il y a encore beaucoup de problèmes à surmonter. Elle déplore notamment les communications sur le vaccin à obtenir, les problèmes de caillots sanguins liés à l’AstraZeneca, puis les messages confus sur la destination de ce vaccin.

« En dépit de toutes ces erreurs de communication, et en dépit du manque d’orientation sur ce que les personnes vaccinées peuvent faire, je suis encouragée par le fait que nous constatons une augmentation des vaccinations », a-t-elle déclaré.

Nationalisme vaccinal

Le Dr Srinivas Murthy, pédiatre spécialisé en soins intensifs à Vancouver, qui a fait des recherches sur la préparation à une pandémie, accorde une note de D-moins à l’effort de vaccination du Canada.

Mais ce n’est pas parce que les Canadiens ne se font pas vacciner assez rapidement : c’est plutôt parce que le Canada laisse une grande partie du monde attendre des mois, voire des années, avant d’obtenir le précieux vaccin. Sa note serait d’ailleurs un F si le Canada n’avait pas fait don de 220 millions pour aider l’alliance mondiale de partage de vaccins COVAX.

L’idée de COVAX était que les pays du monde mettent en commun les vaccins pour une distribution mondiale équitable, afin de vacciner tout le monde en même temps. Le Canada a fait un don à COVAX, mais il a également signé des accords privés afin d’obtenir près de 10 doses de vaccin pour chaque Canadien.

La semaine dernière, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, a exhorté les pays riches à retarder la vaccination de leurs citoyens les plus jeunes — et les moins vulnérables —, et à envoyer des doses pour vacciner les travailleurs vulnérables et à haut risque dans les pays à faible revenu. Le Canada vaccine déjà des enfants de 12 ans seulement dans de nombreuses provinces.

Selon M. Murthy, la pression politique pour suivre le rythme des États-Unis ou du Royaume-Uni a poussé le Canada à abandonner toute prétention d’être un bon citoyen du monde en matière de vaccins.

« Les politiciens ont l’impression de devoir voler toutes les doses du monde entier pour pouvoir satisfaire ces Canadiens », a-t-il déclaré. « Alors que ce qu’ils auraient dû faire, c’est faire preuve de leadership dès le début. »

M. Murthy croit qu’il n’est pas trop tard pour que le Canada intervienne et commence à donner des doses. Ottawa a déclaré qu’il ferait éventuellement un don de doses, mais n’a pas dit combien ni quand.

On estime que 723 millions de personnes ont été vaccinées à ce jour dans le monde, mais seulement 3 % d’entre elles vivent en Afrique et 9 % en Amérique du Sud, qui représentent ensemble un quart de la population mondiale.

À l’inverse, l’Europe et l’Amérique du Nord, qui représentent moins d’un cinquième de la population mondiale, comptent 56 % de personnes vaccinées à ce jour.