Avec un taux de vaccination de 38,4 %, Montréal est parmi les régions les moins vaccinées de la province. Même si ce taux augmente sans arrêt avec l’élargissement des clientèles admissibles, un véritable travail d’orfèvre se déroule jour après jour dans l’île pour rejoindre les communautés plus isolées ou vulnérables et faciliter leur vaccination.

Mardi après-midi, à la clinique de vaccination éphémère du Centre des loisirs de Saint-Laurent, une cinquantaine de personnes patientaient à l’extérieur pour se faire vacciner. Suzanne Bernard était du nombre. Caissière dans une épicerie du quartier, elle avait été informée dans les jours précédents de la venue de la clinique de vaccination. « Je n’ai pas d’ordinateur. […] Prendre rendez-vous, c’est compliqué. Venir ici était plus facile », a résumé la dame.

À l’intérieur, Adèle Cloutier, 18 ans, était sur le point de se faire administrer sa première dose du vaccin de Pfizer. Elle profitait, comme plusieurs jeunes, du fait que la clinique était ouverte aux personnes de 18 ans et plus du quartier pour devancer son injection.

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Adèle Cloutier, 18 ans

Un peu partout à Montréal, les établissements de santé adoptent différentes stratégies pour aller vacciner le plus de gens possible dans certains quartiers présentant de plus faibles taux de vaccination. Dans le quartier Norgate, à Saint-Laurent, par exemple, le taux de vaccination était de 22 % le 9 mai. Le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal y a tenu une clinique éphémère, mardi.

« Ça regarde super bien. On a beaucoup de jeunes qui se présentent », témoignait en après-midi Pier-Paul Larochelle, infirmier clinicien assistant du supérieur immédiat au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal. Ce dernier explique qu’il avait commencé la journée avec 60 doses de vaccin à administrer à la clinique éphémère. Il a dû ensuite commander 200 doses de plus au fil de la journée.

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Pier-Paul Larochelle, infirmier clinicien assistant du supérieur immédiat au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal

« On voit que la question de la proximité fait souvent toute une différence », note Mélanie Charbonneau, chef intérimaire de site à haut volume pour l’équipe mobile de vaccination du CIUSSS du Nord-de-l’Île. L’établissement précise par ailleurs que dans le quartier Norgate, le taux de vaccination atteint 80,5 % chez les 60 ans et plus et que l’ouverture de la vaccination aux jeunes cette semaine aidera à augmenter la couverture vaccinale.

Faire tomber les barrières

Organisateur communautaire dans Saint-Laurent, Ricardo Bottero explique que plusieurs barrières empêchent certains citoyens de prendre rendez-vous pour se faire vacciner. « Certains n’ont pas d’ordinateur. D’autres ne parlent pas français et prendre rendez-vous par téléphone est difficile pour eux », dit-il. M. Bottero ajoute que la méconnaissance du réseau de la santé et les contraintes liées au travail peuvent aussi jouer un rôle.

Francine Dupuis, PDG adjointe du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, estime que les gens veulent majoritairement se faire vacciner, mais qu’il existe dans certains cas des barrières à l’accès. Dans Parc-Extension, par exemple, le taux de vaccination s’élevait à 22,8 % le 9 mai.

Les organismes communautaires ont été appelés en renfort. Du porte-à-porte a été effectué. Des messages traduits en plusieurs langues ont été transmis. Une clinique de vaccination éphémère a été tenue dans une mosquée et une deuxième journée de vaccination sans rendez-vous s’y déroulera le 13 mai.

On peut faire toutes les campagnes qu’on voudra et même utiliser les camions avec des haut-parleurs : il restera toujours une certaine partie de gens plus difficiles à joindre. Pour qui aller s’inscrire pour un rendez-vous est difficile. Si on se déplace chez eux, ils vont venir.

Francine Dupuis, PDG adjointe du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal

Mme Dupuis prévoit de multiplier les initiatives. Et vacciner dans les parcs pendant l’été. « C’est des modèles mixtes. Il n’y a pas de ‟one size fits all” pour aller rejoindre ces populations. Il faut être à l’écoute », résume Mme Dupuis. Elle juge la cible de vacciner 75 % dans des quartiers comme Parc-Extension « ambitieuse ». « Mais on peut y arriver », dit-elle.

Tirer des leçons

Avec un taux de vaccination de 20,8 % le 9 mai, le quartier de LaSalle-Heights est le secteur le moins vacciné de Montréal. Coordonnatrice des activités de santé publique au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, Marie-Florente Démosthène explique que des cliniques éphémères ont lieu chaque semaine dans l’Ouest, dont au temple sikh de LaSalle. Les pharmacies sont aussi mises dans le coup.

Mme Démosthène explique que plusieurs personnes « vivent dans des contextes de vulnérabilité importants ». « C’était déjà au départ des gens qui utilisaient moins les services offerts par le réseau. Pandémie ou pas, cette hésitation est là. […] On a des questions à se poser comme réseau. Et on a des stratégies à faire », dit-elle.

Mme Démosthène voit dans ce défi une « belle opportunité de rapprochement » avec les communautés.

La pandémie nous amène comme réseau à être plus à l’écoute de ceux qui normalement n’ont pas de voix. D’être à l’écoute de ce que leur silence nous dit.

Marie-Florente Démosthène, coordonnatrice des activités de santé publique au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal

Pour Mme Démosthène, il est important de ne pas stigmatiser ces populations et ces quartiers plus à risque et de « respecter la dignité des gens ». Mme Démosthène indique par exemple que les camions crieurs peuvent être un outil pour informer certaines personnes de l’existence de cliniques éphémères. Mais ces camions doivent être utilisés « avec parcimonie » et non pas pour transmettre des informations cruciales. « L’adhésion ne passera jamais par des camions crieurs. Les gens ont besoin de pouvoir poser leurs questions. D’avoir la juste information. Et d’être en mesure d’être entendus dans leurs questionnements pour prendre des décisions éclairées. »

2 % de plus

En conférence de presse mardi, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a indiqué que plusieurs raisons pouvaient expliquer le plus faible taux de vaccination à Montréal. Notamment le fait que des citoyens de l’extérieur de l’île s’y sont fait vacciner. « Donc, je pourrais dire que Montréal s’est fait prendre les vaccins par des gens de l’extérieur, mais c’est quand même pour le bien commun, donc il n’y avait pas d’enjeu là », a dit M. Dubé. Des corrections doivent aussi être faites dans les adresses de 30 000 à 40 000 personnes, ce qui ferait augmenter le taux de vaccination d’environ 2 % dans la métropole.