(Québec) Québec jette son dévolu sur l’aéroport de Montréal pour établir son premier site de vaccination à l’auto de la province. On pourra y vacciner jusqu’à 4000 personnes par jour. Pendant ce temps, la vaccination des travailleurs de la santé progresse, mais il existe encore des défis en CHSLD dans certaines régions où les taux sont en deçà de 60 %.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, inaugurera ce mardi le site de vaccination à l’auto qui sera aménagé dans un stationnement de l’aéroport de Montréal, à Dorval. Les installations seront ouvertes progressivement à population à compter de la mi-mai. Malgré son emplacement, la clinique n’a rien à voir avec les voyageurs.

La semaine dernière, le ministre Dubé disait vouloir miser sur le service de vaccination à l’auto, comme on l’a vu aux États-Unis, pour proposer une solution de rechange aux familles qui pourront se faire vacciner par bulle familiale. On vient aussi offrir un confort certain à des personnes à mobilité réduite.

Ces opérations exigent par ailleurs moins de ressources humaines alors qu’un groupe de quatre personnes peut se faire vacciner en même temps. Le défi était de trouver un lieu où il y a suffisamment d’espaces de stationnement pour que les personnes vaccinées puissent y demeurer pendant le temps d’observation.

Alors que l’aéroport est moins achalandé en raison de la pandémie, Québec a pu y trouver son compte. Le déploiement de ce tout premier site se fait en collaboration avec le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal et Aéroports de Montréal.

La campagne de vaccination continue de s’accélérer au Québec alors que les 45 à 49 ans peuvent prendre un rendez-vous depuis lundi. Mercredi, ce sera au tour des 40 à 44 ans – le premier groupe qui n’a pu bénéficier de l’offre de l’AstraZeneca. Depuis jeudi, un demi-million de rendez-vous ont été pris au Québec. Dimanche, 38 187 doses de vaccins ont été administrées.

Encore des défis en CHSLD

Malgré l’augmentation de la cadence partout dans la province, certaines régions comme la Mauricie – Centre-du-Québec, Laval et l’Outaouais tirent de l’arrière dans la vaccination des travailleurs de la santé en CHSLD, a pu constater La Presse.

À l’échelle de la province, la couverture vaccinale des infirmières cliniciennes et praticiennes atteint 73 % en CHSLD. Ce taux descend à 67 % pour les préposés aux bénéficiaires (PAB) et à 64 % pour les infirmières auxiliaires, selon les données du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) préparées pour l’étude des crédits, jeudi dernier. Il y a eu peu de variation depuis, indique-t-on.

En Outaouais, où la troisième vague continue de faire des ravages, les taux sont parmi les plus bas au Québec. Ce ne sont que 57 % des PAB en CHSLD qui ont été vaccinés. Ce taux est le même en Mauricie–Centre-du-Québec et à Laval.

Toujours dans ces trois régions, le taux est aussi faible pour les infirmières auxiliaires. On parle de 55 % en Mauricie, de 56 % à Laval et de 60 % en Outaouais. À titre de comparaison, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, ce sont 83 % des PAB qui sont vaccinés, 79 % des infirmières auxiliaires et 86 % des infirmières cliniciennes.

Le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Jeff Begley, croit que la moins bonne performance de certaines régions à ce stade peut s’expliquer par d’importantes éclosions passées. Il cite notamment celles survenues au CHSLD Lionel-Émond, à Gatineau, ou à Sainte-Dorothée, à Laval.

« J’étais en Outaouais en décembre et il y avait une tonne d’employés absents », relate-t-il. M. Begley estime que certains travailleurs de la santé en CHSLD pouvaient être en isolement préventif ou atteints de la COVID-19 lorsque la vaccination s’est amorcée, en décembre et en janvier. Il existait aussi une certaine confusion à l’époque alors que des employés qui avaient eu la COVID-19 se pensaient immunisés. « Je vous dirais que la situation s’est vraiment améliorée depuis la fin mars », a-t-il ajouté.

Le président de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) en Outaouais, Patrick Guay, abonde dans le même sens.

Ces chiffres peuvent sembler peu, mais il faut se rappeler d’où on est partis. Le 26 mars, on parlait de 45 % des travailleurs vaccinés en CHSLD pour les infirmières et les infirmières auxiliaires.

Patrick Guay, président de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec en Outaouais

M. Guay croit qu’une partie de ce retard peut s’expliquer par le fait que la vaccination n’est pas offerte dans les milieux de travail. « En Outaouais, les infirmières sont épuisées, il y a beaucoup de temps supplémentaire obligatoire, alors c’est plus difficile pour elles de se rendre dans des sites ailleurs qu’au travail », dit-il.

En Mauricie–Centre-du-Québec, on montre aussi du doigt le fait qu’au début de la vaccination, il y avait peu de lieux de vaccination. « Des travailleurs pouvaient partir de Trois-Rivières pour aller se faire vacciner à Drummondville », illustre la présidente régionale de la FIQ, Nathalie Perron. La plateforme de prise de rendez-vous du personnel a aussi connu des ratés au départ.

Tant en Outaouais qu’en Mauricie, on estime que la situation s’est améliorée et que la vaccination des travailleurs de la santé progresse bien.

« Ça continue de progresser »

Il faut dire que Québec a récemment mis le pied sur l’accélérateur pour accroître le taux de vaccination chez les travailleurs de la santé – tous milieux de soins confondus. Depuis le 10 avril, le MSSS exécute un deuxième tour de roue parmi les employés du réseau qui n’auraient pas pu être vaccinés au début de la campagne de vaccination.

Un arrêt ministériel a aussi rendu le dépistage obligatoire – jusqu’à trois fois par semaine – pour les travailleurs de la santé non vaccinés. Depuis l’entrée en vigueur de ces mesures, le nombre d’employés du réseau inoculés a bondi de 20 % « au cours des 10 derniers jours », confirmait jeudi le ministre Dubé.

Lundi, quelque 8400 rendez-vous étaient destinés à des travailleurs de la santé. « On a une augmentation marquée et ça continue de progresser […], ces nouvelles mesures sont venues donner un nouvel élan à la campagne de vaccination du personnel », a indiqué la porte-parole du cabinet, Marjaurie Côté-Boileau.

Une opinion que partage Jeff Begley.

On remarque que le monde embarque, les conditions sont réunies pour que les travailleurs soient vaccinés.

Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux

Pour tous les milieux de soins, ce sont 71 % des travailleurs de la santé qui sont vaccinés au Québec. L’administration de la deuxième dose se poursuit, faut-il préciser.

Approche personnalisée

Des établissements ont aussi mis en place des approches personnalisées pour encourager la vaccination de leurs travailleurs. Au CISSS de Laval, où les taux sont aussi plus bas que la moyenne provinciale, on a multiplié les actions. Le Service de santé du CISSS appelle directement les employés pour discuter de la vaccination, indique-t-on.

« Des suivis sont effectués auprès de groupes ciblés d’employés, on s’assure de faciliter la prise de rendez-vous », indique la porte-parole, Judith Goudreau. Des ambassadeurs ont été nommés, des rencontres en petits groupes ont aussi été organisées pour répondre aux préoccupations des employés.

Ça fonctionne très bien quand on y va de façon plus individuelle, quand il y a une sensibilisation et des approches directement au niveau des gens.

Le DDavid Lussier, médecin à l’Institut universitaire de gériatrie

« Quand la vaccination a été faite en CHSLD en janvier, c’était au tout début, le vaccin venait tout juste d’être approuvé, on n’avait pas de recul. Ça pouvait inquiéter les gens », indique le DDavid Lussier, médecin à l’Institut universitaire de gériatrie (IUGM).

Le DQuoc Nguyen, gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal, estime que la couverture vaccinale est « globalement bonne » jusqu’à présent, mais qu’il ne faudrait pas que des taux demeurent autour de 60 % dans certaines régions. « On est capables d’aller plus haut. Il ne faut pas lâcher et continuer la sensibilisation », assure-t-il.