Leur pays natal est submergé par une nouvelle vague de COVID-19 d’une intensité sans précédent. Mais ils ne peuvent qu’assister à cette tragédie à distance. À Montréal, des résidants d’origine indienne s’inquiètent au quotidien pour leur famille et leurs amis.

« J’espère vraiment que tout va bien se passer pour eux. La situation nous inquiète beaucoup, ce n’est pas rassurant. On attend tous que ça se stabilise », lâche Gyodi Seheel, une jeune femme résidant dans le quartier Parc-Extension dont les parents composent au quotidien avec la hausse fulgurante des cas en Inde.

À ce stade-ci, dit-elle, « la seule option qu’ils ont est de rester à la maison ». « C’est ce qu’ils font, et quand ils doivent sortir, ils prennent beaucoup de précautions. Mais ça m’inquiète beaucoup », insiste Gyodi.

Vu son travail et le manque de temps, mais aussi la pandémie, elle n’est pas retournée dans son pays d’origine depuis près de trois ans maintenant. « J’irai après la pandémie, quand ça se sera stabilisé. Entre-temps, j’espère que l’aide internationale va les aider à s’en sortir », glisse-t-elle, faisant référence à la première cargaison d’aide médicale britannique, contenant notamment 100 respirateurs et 95 concentrateurs d’oxygène, qui a atterri mardi à Delhi.

Ottawa, de son côté, a annoncé qu’une aide de 10 millions de dollars serait débloquée. Les sommes seront directement versées à la Croix-Rouge indienne.

Mardi, le pays le plus peuplé de la planète après la Chine a enregistré 323 023 nouvelles contaminations et 2771 morts. Épicentre de la pandémie de coronavirus depuis plusieurs jours, l’Inde voit même des crématoriums manquer de bois tellement les morts s’accumulent, ont rapporté mardi divers médias. Par endroits, comme à New Delhi, les corps brûlent dans des stationnements.

« On n’y peut rien »

Arrivé à Montréal il y a quelques années déjà, Mohammad Fazal Karim est originaire du Bangladesh, pays voisin de l’Inde, à l’est. « Chaque jour, on voit des milliers de personnes mourir, et on n’y peut rien. Les cas continuent de monter constamment. Ça me préoccupe beaucoup. N’importe qui peut l’attraper, ce virus, à n’importe quel moment. Ce qu’on voit le démontre bien », résume-t-il.

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Mohammad Fazal Karim

Il espère lui aussi que le soutien international aidera la région à passer à travers la crise, qui déstabilise le système de santé déjà fragile de l’Inde, du Pakistan et du Bangladesh, notamment. « Le fait qu’ici, le Canada ait déjà interdit les vols venant de l’Inde et du Pakistan, c’est une très bonne chose. Il faut prévenir une autre vague dans ce pays. Le gouvernement a pris la bonne décision », ajoute Mohammad. Depuis jeudi, et pour une période de 30 jours, les vols en provenance de l’Inde et du Pakistan ont en effet été interrompus.

Mère d’un jeune garçon qui a immigré au Canada avec elle il y a quelques mois, Shira Shie est aussi préoccupée.

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Shira Shie

Mes parents, mes frères et mes sœurs : tout le monde est encore là-bas. Ça m’inquiète pour eux, mais on ne veut pas y aller, pas dans cette situation. C’est trop risqué. Si la situation s’améliore, on réévaluera, mais pour l’instant, on prend des nouvelles, on les soutient.

Shira Shie

« Le problème, en Inde, c’est que beaucoup de gens ne respectent pas les règles. Ils ne portent pas le masque, ne maintiennent pas une distance. Tout ça n’est donc pas nécessairement la faute du gouvernement, mais des habitudes de la population », poursuit la mère.

Chose certaine : la stigmatisation du peuple indien, elle, est très inquiétante, affirment à l’unisson tous les résidants de Parc-Extension rencontrés par La Presse. D’autres, qui n’ont pas souhaité se nommer, affirment que la recrudescence des crimes contre les personnes asiatiques, dans la foulée de la pandémie, doit être « combattue avec force ». « C’est une question d’humanité. Ce virus-là ne doit pas nous diviser encore davantage », illustre notamment l’un d’eux.

Encore beaucoup de questions

Partout sur le globe, le variant B.1.617, qui est apparu il y a quelques mois déjà dans l’État du Maharashtra, soulève encore beaucoup d’interrogations. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé mardi que le variant a été détecté dans « au moins 17 pays ».

Selon l’OMS, on ne sait pas encore si « les rapports faisant état d’une mortalité élevée sont dus à la gravité accrue du variant, à la mise à rude épreuve des capacités du système de santé en raison de l’augmentation rapide du nombre de cas, ou aux deux ».

Le variant, qui se retrouve désormais sur tous les continents, est qualifié de « double mutant », puisqu’il est porteur de deux mutations préoccupantes à sa surface. La première mutation, nommée E484Q, est déjà observée sur les variants sud-africain et brésilien. Cette mutation a « un impact significatif en termes d’échappement immunitaire, bien que cela ne soit pas encore formellement démontré à ce stade », a indiqué la Santé publique de France dans un rapport publié le 8 avril dernier.