Depuis le début de la pandémie, au moins 371 Québécoises enceintes et au moins 83 bébés ont contracté la COVID-19. Dilemme cornélien en vue, donc, pour toutes celles qui sont enceintes à l’heure actuelle et qui auront priorité sur les vaccins à ARN à partir de ce mercredi.

C’est à la suite d’un avis de l’Institut national de santé publique (INSPQ) reçu mardi que le gouvernement Legault a décidé de donner préséance aux femmes enceintes, en même temps qu’aux personnes handicapées et à celles aux prises avec une maladie chronique.

Dans son avis, l’INSPQ écrit que « la vaccination contre la COVID-19 devrait être offerte à une femme enceinte. Pour ces femmes, un vaccin à ARN est à privilégier étant donné la disponibilité de plus de données de sécurité avec ce type de produit ». Les vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna utilisent cette technologie.

L’INSPQ écrit aussi que « le risque de complications de la COVID-19 chez les femmes enceintes, bien que moindre que celui observé chez les personnes âgées, est plus élevé en comparaison du risque pour les femmes du même âge qui ne le sont pas ».

Ce risque est aussi plus élevé pour les femmes enceintes ayant des problèmes de santé préexistants comme le diabète ou l’obésité. À cela s’ajoute le risque d’accouchement prématuré.

Tout cela étant dit, l’INSPQ fait remarquer qu’on ne fait pas d’essais cliniques sur les femmes enceintes ou sur celles qui allaitent. Des données manquent tout autant quant à l’innocuité des vaccins à ARN en début de grossesse. « Le Comité consultatif national de l’immunisation mentionne qu’il serait prudent de retarder une grossesse au moins 28 jours » après avoir été vaccinée, indique l’INSPQ.

Des données concernant les femmes enceintes

Par ailleurs, c’est par une demande d’accès à l’information dans tous les centres de santé du Québec que La Presse a obtenu les données concernant les femmes enceintes qui ont été atteintes de la COVID-19, de même que les bébés, pour la période allant du 1er mars 2020 au 26 janvier 2021.

Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval a notamment indiqué qu’au cours de cette période, 138 femmes enceintes de son territoire ont contracté la COVID-19 et que 55 accouchements ont été faits avec des femmes qui en étaient atteintes le jour J.

En Estrie, les autorités ont indiqué avoir reçu 74 femmes enceintes atteintes de la COVID-19. Le CISSS de la Montérégie-Centre signale pour sa part avoir reçu pour sa part 64 patientes dans cette situation.

Notons que les 371 femmes et les 83 bébés recensés (pas nécessairement à la naissance) l’ont été avant le pic de la troisième vague.

En Ontario, des médecins ont indiqué que ces dernières semaines, dans certains hôpitaux de la province, les femmes enceintes représentaient près de la moitié des patients aux soins intensifs.

Cela a amené la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada à y aller d’une déclaration publique forte, la semaine dernière, demandant à chacune des provinces d’accorder une priorité à toutes les femmes enceintes désireuses de se faire vacciner. Ce regroupement de médecins canadiens recommande aussi aux femmes qui planifient une grossesse de se faire vacciner au préalable.

Le Dr Dario Garcia, président de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada et qui siège aussi au conseil de l’Association des obstétriciens gynécologues du Québec, estime que ce qu’une femme enceinte vaccinée transmettra à son bébé, ce sont des anticorps, « ce qui est bénéfique ».

Les dangers pour la femme enceinte de contracter la COVID-19 sont nettement plus élevés que les risques du vaccin.

Le Dr Dario Garcia, président de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada

Tout comme la Société des obstétriciens et gynécologues du Québec, l’Association québécoise « recommande clairement aux femmes enceintes de se faire vacciner », dit-il.

Le Dr Garcia fait le parallèle avec le vaccin contre la coqueluche, qui est aussi recommandé aux femmes enceintes parce que les bébés en sont souvent atteints à un très jeune âge.

Ailleurs dans le monde

Aux États-Unis, dans un document sur la question publié le 18 mars, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont d’abord souligné, comme l’INSPQ au Québec, que les femmes enceintes présentent un risque accru d’être touchées par des formes graves de la COVID-19.

Tout en soulignant aussi qu’il existe peu de données sur la sécurité des nouveaux vaccins, l’organisme indique « qu’étant donné la façon dont ils agissent dans le corps, les experts croient qu’ils ne devraient pas poser un risque spécifique pour la femme enceinte ».

Selon les CDC, à la mi-avril, quelque 90 000 femmes enceintes américaines auraient été vaccinées.

En France, depuis mars, les femmes enceintes sont prioritaires pour la vaccination dès leur deuxième trimestre. Là aussi, les médecins soulignent qu’ils se retrouvent avec un grand nombre de femmes enceintes frappées par des formes graves de la COVID-19.

Les Britanniques enceintes se font aussi offrir de tels vaccins.

Avec William Leclerc, La Presse