(Québec) Des syndicats représentant des travailleurs de la santé unissent leurs voix pour dénoncer l’intervention d’une centaine de médecins et experts de prévention et contrôle des infections (PCI) qui demandent à la CNESST de ne plus obliger le port du masque N95 en « zone tiède ».

La Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et la FIQP | Secteur privé ont rappelé à l’unisson lundi que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) « doit faire respecter la Loi sur la santé et la sécurité au travail ». La CNESST a ordonné en mars le port du masque de type N95 dans les « zones tièdes » pour tous les travailleurs de la santé dans tous les milieux de soins.

Cette décision a été prise dans la foulée d’un jugement du Tribunal administratif du travail (TAT), qui a tranché que les travailleurs de la santé devaient pouvoir porter des appareils de protection respiratoire, dont fait partie le N95, en tout temps lorsqu’ils sont en contact avec des cas confirmés ou suspectés de COVID-19 – et non seulement en zone chaude, à la suite des revendications des syndicats.

« Les règles de la santé et sécurité au travail (LSST) sont prépondérantes sur celles de la santé publique », font valoir les trois syndicats dans un communiqué publié lundi. « Le jugement est clair : la LSST est une loi d’ordre public et aucun employeur ne peut s’y soustraire. En présence d’un virus potentiellement mortel, ils doivent tendre vers les plus hauts standards en matière de protection des travailleuses de la santé. »

Cette sortie des syndicats est motivée par la démarche d’une centaine de microbiologistes-infectiologues et spécialistes en PCI qui affirment, dans une lettre envoyée à la haute direction de la CNESST et au ministre de la Santé, Christian Dubé, que le port du masque N95 en « zone tiède » a « créé le chaos » dans le réseau de la santé en plus de « semer la confusion et un fort sentiment d’insécurité » chez les travailleurs.

Les spécialistes réclament que la CNESST révise « de façon urgente » cette directive qui ne « repose pas sur des bases scientifiques ». Les auteurs font essentiellement valoir qu’en zone tiède, les « conditions nécessaires » à la transmission aérienne du virus ne « sont pas réunies ».

(Re)lisez La CNESST doit revoir sa décision, plaident une centaine d’experts

Les syndicats n’en démordent pas : le juge Philippe Bouvier a tranché que dans « un contexte d’incertitude scientifique », le principe de précaution s’applique. « Il n’y a aucune raison de remettre ce jugement en question, puisqu’il repose sur de solides assises scientifiques, mais aussi légales […] Nous sommes confiants que malgré la pression, la CNESST ne reviendra pas sur sa décision », affirment-ils.

Selon les médecins signataires de la missive, « le principe de précaution doit reposer sur la science et non pas l’occulter ». Les auteurs mettent en évidence le fait que, selon la nouvelle directive, un employé devrait porter un N95 « ne serait-ce que pour aller porter un cabaret [à un patient tiède] », par exemple. Une zone tiède est l’endroit où des patients avec des symptômes attendent un résultat.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a indiqué vendredi prendre « actuellement connaissance de la lettre des médecins », soulignant avoir « jusqu’au 23 avril pour porter en appel la décision du TAT ». En février, la CNESST avait dans un premier temps ordonné le port du N95 en zone chaude seulement.