L’arrivée des variants au Québec se fait surtout sentir aux soins intensifs, où l’on observe une hausse de 82 % des admissions depuis un mois, contre à peine 12 % aux soins réguliers. Un intensiviste attribue également cette pression à des hospitalisations plus longues et à l’admission de patients atteints de la COVID-19 nettement plus jeunes que durant les précédentes vagues.

Au cours des 32 derniers jours, les soins intensifs québécois sont en effet passés de 91 à 167 patients, à l’échelle du Québec, montrent des données colligées par La Presse. Pendant ce temps, les hospitalisations « régulières », elles, n’ont augmenté que d’à peine 50, passant de 442 à 497. Il s’agit d’une différence importante quand on compare le portrait actuel de la pandémie à la deuxième vague. En effet, fin décembre, alors que le Québec comptait environ le même nombre de patients aux soins intensifs, soit 165, la province recensait également plus d’un millier d’hospitalisations régulières.

Pour le DAlexis Turgeon, médecin spécialiste en soins intensifs à l’hôpital de l’Enfant-Jésus du CHU de Québec-Université Laval, plusieurs facteurs peuvent expliquer ce changement. Mais le premier, dit-il, « est qu’on a une clientèle nettement plus jeune, qui occupe un lit plus longtemps ».

D’après nos chiffres, la hausse aux soins intensifs est principalement due aux 40-59 ans, dont le nombre est même au niveau de celui de la deuxième vague dans ces unités, et aux 60-79 ans. Les 80 ans et plus, eux, sont très peu nombreux ; on en compte même moins que les 20-39 ans.

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« On voit qu’il y a moins de patients qui partent. Et comme on est en plein milieu de la troisième vague, certains sont traités pendant plusieurs semaines. Le plus inquiétant là-dedans, c’est la capacité du réseau. Notre système n’a jamais été conçu pour gérer des pandémies hors de contrôle », soutient le médecin. « Finalement, l’équilibre entre entrées et sorties se fait mieux dans le réseau en général qu’aux soins intensifs. »

Le DTurgeon rappelle que le défi est de rendre des services adéquats avec le personnel disponible. « Notre main-d’œuvre qui peut s’occuper de patients aux soins intensifs, elle n’est pas infinie. C’est pour cette raison-là qu’on fait beaucoup de réorganisation actuellement, et que ça nécessite du délestage », insiste-t-il.

« Ce qu’il faut comprendre, c’est que les patients plus jeunes ont moins souvent ce qu’on appelle des limitations d’intervention par rapport aux patients plus âgés, qui ont une qualité de vie déjà sous-optimale. Parfois, pour eux, ce n’est pas souhaitable d’avoir des soins intensifs, alors que chez les jeunes, ce sont des gens en bonne santé avec peu de comorbidités, donc les limitations sont moins grandes », ajoute l’expert.

L’état des choses

Dans le réseau de la santé, 664 patients sont hospitalisés à cause de la COVID-19 ; vendredi, on a observé une hausse de 3 en 24 heures. Aux soins intensifs, les autorités ont également recensé 8 admissions de plus, soit 167 au total à ce stade-ci de la pandémie. Les 1527 nouveaux cas rapportés vendredi portent quant à eux la moyenne quotidienne à 1570. Celle-ci est ainsi en baisse pour la deuxième journée d’affilée, rompant avec la hausse observée depuis trois semaines. Les sept décès portent quant à eux la moyenne quotidienne à huit par jour.

Des sept décès rapportés vendredi, deux sont survenus en Chaudière-Appalaches. Les régions de la Capitale-Nationale, de l’Estrie, de Montréal, de Laval et de la Montérégie ont enregistré une mort chacune. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), de son côté, a recensé 583 nouveaux cas de variants détectés par criblage, portant le total à 19 810.

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Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a annoncé vendredi que plus de 20 000 doses du vaccin d’AstraZeneca seraient offertes sans rendez-vous ce week-end à Montréal.

Du côté de la vaccination, deux sommets ont été atteints dans la journée de jeudi, s’est réjoui sur Twitter le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, vendredi. D’abord, 74 927 doses supplémentaires ont été administrées, soit un total de 2 223 775 jusqu’ici. C’est donc dire qu’un peu plus de 26 % de la population a reçu sa première dose. Plus de 15 000 doses ont aussi été données en pharmacie jeudi, alors que la campagne dans ces établissements se déploie progressivement au Québec. « [La moyenne sur sept jours] est de 66 000 doses. Bien au-delà de ce qu’on avait prévu pour le mois d’avril. Une bonne nouvelle pour notre objectif du 24 juin », a dit le ministre.

Depuis vendredi, les données sur la deuxième dose sont maintenant présentées dans le bilan quotidien du gouvernement. Ainsi, on y apprend que 2526 deuxièmes doses ont été données dans la journée de jeudi, en majorité dans la tranche d’âge des 0-49 ans.

Critiqué pour l’essoufflement de la campagne d’administration du vaccin d’AstraZeneca depuis quelques jours, le ministre Dubé a par ailleurs annoncé vendredi que plus de 20 000 doses de ce vaccin seraient offertes sans rendez-vous ce week-end à Montréal. « J’ai demandé au réseau de faire des interventions ciblées dans certains quartiers », a-t-il dit. Ainsi, dans l’Ouest-de-l’Île et dans Côte-des-Neiges, un « camion-crieur annoncera en plusieurs langues l’ouverture de cliniques mobiles ».