Les thromboses liées à l’administration des vaccins de Johnson & Johnson et d’AstraZeneca soulèvent bien des préoccupations. Afin de mieux comprendre les risques et la maladie, des experts répondent à nos questions.

Qu’est-ce qu’une thrombose ?

Normalement, la coagulation du sang se produit pour arrêter le saignement si un vaisseau sanguin est endommagé. « Toutefois, lorsque la coagulation se produit de manière inappropriée dans un vaisseau sanguin qui n’est pas endommagé, cela s’appelle une thrombose », explique le DHanny Al-Samkari, professeur de médecine à l’Université Harvard et hématologue à l’Hôpital général du Massachusetts.

Quels sont les différents types de thrombose ?

Il existe deux principales catégories de thrombose, soit la thrombose artérielle et la thrombose veineuse. « Si un caillot survient dans l’artère du cœur, il s’agit d’une crise cardiaque. Si le caillot se loge plutôt dans une artère du cerveau, il s’agit d’un accident vasculaire cérébral (AVC) », explique le DAl-Samkari.

Le caillot peut également se loger dans les veines. C’est ce qui se produit avec les vaccins d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson. Souvent, le caillot se loge dans une veine de la jambe, ce qui provoque une thrombose veineuse profonde, ou dans les poumons, ce qui engendre une embolie pulmonaire. Plus rarement, le caillot peut se loger dans une veine du cerveau, ce qui est parfois appelé thrombose du sinus veineux cérébral.

Quels sont les symptômes d’une thrombose veineuse ?

Les caillots sanguins dans une jambe provoquent une douleur et une enflure de cette jambe, indique le DMarc Carrier, chef de la division d’hématologie de l’Hôpital d’Ottawa et secrétaire de Thrombose Canada. Un caillot dans les poumons provoque plutôt une douleur thoracique et un essoufflement.

Est-ce que les thromboses veineuses sont fréquentes ?

Le risque de thrombose veineuse dans la population varie entre 0,1 et 0,2 %. Chez les personnes atteintes de la COVID-19, mais qui ne sont pas hospitalisées, le risque est plutôt entre 0,5 et 1 %. « Par contre, le risque associé chez les personnes hospitalisées et chez celles aux soins intensifs est très grand. On parle de 10 % à 40 % », indique le DCarrier.

Les thromboses veineuses observées après les vaccins d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson sont beaucoup plus rares et se produisent dans des endroits inhabituels, comme le cerveau. Cela expose les patients à un risque d’hémorragie grave ou mortelle, indique le DAl-Samkari.

« Aussi préoccupant que cela puisse paraître, il est important de reconnaître que les risques de cette complication sont assez rares, soit moins d’un cas sur un million avec le vaccin de Johnson & Johnson. Les risques de décès ou de thrombose liés à la COVID-19 sont bien plus élevés », renchérit-il.

Comment traiter la thrombose causée par le vaccin ?

La thrombose est généralement traitée avec des anticoagulants, comme l’héparine. Toutefois, dans le type de caillot sanguin observé après le vaccin, l’administration d’héparine peut être dangereuse, et des traitements alternatifs doivent être donnés, explique le DCarrier.

« Dans le cas de cette thrombose, il y a une réaction du système immunitaire contre les plaquettes sanguines. On sait que l’héparine peut également entraîner cet effet secondaire rare, donc l’héparine pourrait aggraver la situation », explique Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Pour les thromboses causées par le vaccin, on doit utiliser un traitement appelé immunoglobuline intraveineuse, un traitement différent de celui des caillots sanguins typiques, indique le DAl-Samkari. Dans les dernières semaines, tous les médecins du Québec ont été informés du traitement à donner à un patient atteint d’un cas rare et sont prêts à intervenir.

Quels sont les facteurs de risque d’une thrombose veineuse ?

Les facteurs de risque les plus courants sont l’obésité, la prise de pilules contraceptives, le cancer, la maladie, une intervention chirurgicale et certaines maladies auto-immunes, énumère le DAl-Samkari.

Toutefois, ces facteurs ne semblent pas liés aux rares cas de thrombose veineuse causés par le vaccin, indique le DJeffrey Weitz, hématologue et président de la Société internationale de la thrombose et de l’hémostase. « Si une personne a déjà eu une thrombose, on ne peut pas dire qu’elle est plus à risque d’avoir un caillot sanguin causé par le vaccin », indique-t-il.

Jusqu’à présent, les cas de thrombose à la suite du vaccin ont été observés en grande majorité chez des femmes. Est-ce que les femmes sont plus à risque ?

« C’est possible, mais on ne le sait pas encore », indique le DCarrier. Les personnes plus jeunes qui ont été vaccinées sont principalement des travailleurs de première ligne et il y a beaucoup de femmes dans le domaine de la santé, ajoute-t-il. « C’est possible que ce soit relié au sexe, mais c’est possible aussi que ce soit parce qu’on a vacciné davantage de femmes », dit-il.