Québec suspend l’administration du vaccin d’AstraZeneca chez les moins de 55 ans. Il y a deux semaines, Québec et Ottawa affirmaient que le vaccin d’AstraZeneca était « sécuritaire et efficace ». Pourquoi ce changement de cap ? Afin d’y voir plus clair, les spécialistes répondent à nos questions.

Pourquoi le Québec a-t-il suspendu le vaccin d’AstraZeneca ?

Des chercheurs allemands ont proposé lundi un mécanisme qui pourrait expliquer les maladies sanguines causées par le vaccin d’AstraZeneca. Leur étude a convaincu le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) et le Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ) de suspendre la vaccination chez les moins de 55 ans. « C’est un mécanisme auto-immunitaire qui semble survenir chez 1 cas par 100 000 doses administrées. Ces personnes vont produire des anticorps qui viennent attaquer leurs propres plaquettes sanguines à la suite du vaccin », explique Nicholas Brousseau, président du Comité sur l’immunisation du Québec et médecin-conseil à l’Institut national de santé publique. Il précise que c’est un mécanisme plausible, mais qu’il n’a pas été confirmé. « C’est sous investigation, mais par mesure de prudence, il paraissait préférable de suspendre le vaccin pour les moins de 55 ans, parce que c’est dans ces groupes d’âge que les cas rares ont été rapportés », dit-il.

Pourquoi le vaccin n’est-il pas suspendu pour tous les groupes d’âge ?

Les décisions sont basées sur une analyse du risque et des bénéfices. Pour les gens de moins de 55 ans, le risque de souffrir de complications liées à la COVID-19 est assez faible. Les autorités de santé sont donc moins tolérantes par rapport aux effets secondaires graves du vaccin. « Ce groupe est moins à risque que les personnes âgées et ils peuvent attendre encore un peu [avant d’être vaccinés], le temps qu’une décision soit prise », explique Denis Leclerc, professeur de biologie médicale à la faculté de médecine de l’Université Laval. Comme le risque de complications liées au virus est plus élevé chez les personnes âgées, il est préférable de les vacciner immédiatement, renchérit-il.

Pourquoi les femmes sont-elles plus touchées ?

Pour le moment, il est difficile d’expliquer pourquoi les femmes sont plus touchées par ces cas graves. Par contre, Santé Canada a présenté une hypothèse, lundi : « Le fait qu’il y a plus de femmes [touchées] pourrait s’expliquer par le fait que plus de femmes de ce groupe d’âge plus jeune ont été exposées au vaccin. Les campagnes de vaccination ont été principalement axées sur les personnes âgées et sur le personnel de la santé, et il y a une plus grande représentation des femmes dans le personnel de la santé », a indiqué le DMarc Berthiaume, directeur du Bureau des sciences médicales de Santé Canada, en séance d’information technique. « Des études additionnelles sont nécessaires pour mieux établir si certaines prédispositions ou conditions sont associées à l’apparition de ces effets secondaires sévères chez les individus vaccinés », renchérit Benoit Barbeau, virologue et professeur à l’Université du Québec à Montréal.

Les personnes de moins de 55 ans qui ont reçu le vaccin d’AstraZeneca devraient-elles s’inquiéter ?

Non, répondent unanimement les spécialistes consultés. Jusqu’à présent, 111 000 Québécois et près de 500 000 Canadiens ont reçu le vaccin d’AstraZeneca. Aucun d’entre eux n’a développé d’effets indésirables, soutient la Dre Maryse Guay, médecin-conseil à la Direction de santé publique et à l’Institut national de santé publique du Québec. « Pour être sincère, je suis dans cette tranche d’âge et je n’hésiterai pas une seconde à me faire vacciner avec ce vaccin », affirme M. Leclerc. La Dre Guay indique que les personnes ayant été vaccinées avec le vaccin d’AstraZeneca doivent tout de même surveiller l’apparition de symptômes et consulter un médecin si elles ont des effets indésirables tels que des maux de tête graves. Les symptômes sont principalement apparents durant les deux premières semaines.

Doit-on craindre le vaccin d’AstraZeneca ?

Initialement, le vaccin d’AstraZeneca n’était pas suggéré pour les personnes âgées de 65 ans et plus, faute de données probantes sur ce groupe d’âge. Deux semaines plus tard, le vaccin est conseillé chez les 65 ans et plus, mais voilà qu’il n’est plus recommandé pour les moins de 55 ans. « Je comprends que c’est mélangeant et que c’est un 180 degrés », affirme Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique. Benoit Barbeau soutient quant à lui que les directives continueront d’évoluer très rapidement au cours des prochains jours et semaines. Il indique que jusqu’à présent, le vaccin s’est montré sécuritaire en général et très efficace. « Il a plusieurs avantages et doit demeurer une option valide pour les femmes âgées de 55 ans et plus ainsi que les hommes », conclut-il.

Avec Mélanie Marquis, La Presse