La montée des cas observée jeudi au Québec laisse présager qu’une troisième vague, alimentée par la propagation des variants, est inévitable dans la province, selon l’avis d’experts. Plusieurs estiment que le gouvernement Legault n’aura bientôt d’autre choix que d’anticiper de nouvelles restrictions sanitaires.

« Ce qui arrive en ce moment, c’est exactement ce que l’Ontario vit. On était jusqu’ici au creux de la vague, et donc en retrait par rapport à l’impact des variants. Maintenant que les variants commencent à être prédominants, on peut s’attendre à ce qu’ils causent une augmentation du nombre d’infections, et donc des hospitalisations, voire des décès », résume Benoit Barbeau, virologue et professeur à l’UQAM.

À ses yeux, il faut demeurer réaliste. « Le Québec n’échappera pas à la troisième vague. C’était écrit dans le ciel depuis le début janvier. On avait juste un certain décalage. Maintenant, le gouvernement devra probablement réagir, et faire reculer des zones orange au palier rouge », croit le spécialiste.

Le DAlex Carignan, microbiologiste et infectiologue au CIUSSS de l’Estrie–CHUS, abonde dans le même sens. « Si on regarde l’Ontario ou l’Europe, c’est difficile de penser qu’on peut passer à côté de cette troisième vague. »

Les gens pensent souvent qu’on essaie de leur faire peur avec les variants, mais la science est claire sur le fait qu’ils sont plus transmissibles. Ça a un impact majeur.

Le DAlex Carignan, microbiologiste et infectiologue au CIUSSS de l’Estrie–CHUS

« Quand on regarde l’accélération au Bas-Saint-Laurent, on constate qu’on s’en va vers une augmentation des cas, ajoute le DCarignan. La bonne nouvelle, c’est qu’avec l’accélération de la vaccination, on risque d’être capable de limiter les dégâts chez les plus âgés, surtout dans les CHSLD et les RPA. »

Anticipée, mais changeante

Jusqu’ici, les autorités anticipaient une troisième vague, mais les modélisations ne prévoyaient pas forcément une hausse des hospitalisations et des décès, si les mesures sanitaires étaient bien respectées. L’Institut national de santé publique (INSPQ) doit toutefois présenter de nouvelles projections, vendredi, pour « prévoir la propagation des variants sous surveillance rehaussée ».

Professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), Roxane Borgès Da Silva se dit « très préoccupée » par le relâchement des mesures. La hausse survient en effet au moment où plusieurs assouplissements entrent en vigueur, dont l’ouverture des gyms en zone rouge.

« En voyant le gouvernement qui rouvre un peu, je me dis qu’on facilite la vie du virus. L’ouverture des écoles à temps plein au secondaire, en zone rouge, ça risque aussi fortement de doubler nos contacts et, donc, de laisser plus de chances à la transmission », s’inquiète Mme Da Silva. « Bien au-delà de l’Ontario, où ça va très mal en ce moment, la Belgique, la France, l’Allemagne ou encore l’Italie sont pas mal toutes en train de reconfiner. Et ces pays nous précèdent », rappelle-t-elle.

« J’ai peur qu’on l’échappe »

Le Québec a enregistré jeudi 945 nouvelles infections, ainsi que quatre décès supplémentaires. La moyenne mobile des nouveaux cas, calculée sur une semaine, est maintenant de 755, en hausse par rapport au plateau de 700 cas que le Québec traversait depuis trois semaines. La moyenne des décès sur sept jours se maintient à huit. Sur quatre décès rapportés, trois sont survenus à Montréal, l’autre en Montérégie.

Cette hausse de cas se fait sentir dans plusieurs régions. Avec 98 nouveaux cas, Laval poursuit sa tendance à la hausse, pendant qu’à Montréal, on recense 351 cas supplémentaires, un bilan plus élevé que celui des derniers jours. Le Bas-Saint-Laurent connaît aussi une augmentation, avec 46 infections de plus, tout comme la Capitale-Nationale (+ 80), pendant que la Montérégie ajoute 115 cas.

« On voit une augmentation des cas. Ce qu’on surveille de près, c’est aussi l’impact que ça aura sur nos hospitalisations dans quelques jours », a avoué le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, sur Twitter. Plus tôt, le maire de Québec, Régis Labeaume, avait appelé ses concitoyens à la vigilance. « Souvenez-vous qu’il ne faut pas lâcher prise. […] Quand je vois les chiffres augmenter, j’ai peur qu’on l’échappe », a-t-il martelé.

Le nombre des hospitalisations a chuté de 12. On compte 496 patients hospitalisés au Québec, dont 117 aux soins intensifs, un de moins que la veille. Côté vaccination, 39 814 doses ont été administrées jeudi, soit au total 1 065 823. Environ 12,5 % de la population a reçu une première dose. Mardi, 36 197 tests de dépistage ont été réalisés. De son côté, l’INSPQ n’a recensé jeudi aucun nouveau cas de variants, mais jusqu’ici, 3978 cas probables ont été identifiés.

En Ontario, les autorités ont signalé jeudi 17 décès supplémentaires et 2380 nouveaux cas. Cette hausse semble liée à la progression des variants, dont la proportion a dépassé jeudi le seuil de 50 % des nouveaux cas. Le Québec, lui, se trouve sous la moyenne canadienne depuis environ deux semaines, affichant un taux de 85 cas par million d’habitants.

Quatre variants sous surveillance

Variant B117 (britannique)

Cette souche se répand en ce moment partout dans le monde, y compris au Québec. Elle serait de 40 % à 80 % plus transmissible et de 10 % à 70 % plus virulente, au chapitre des hospitalisations et des décès. « Par contre, les vaccins et les traitements par anticorps seraient tout aussi efficaces contre ce variant », note l’INSPQ.

Variant B1351 (sud-africain)

Si les connaissances sont plus « limitées » sur ce variant, ce dernier est tout de même considéré comme 50 % plus transmissible et aurait entraîné une « augmentation des décès » en Afrique du Sud. Les vaccins offerts, dont celui d’AstraZeneca, seraient aussi moins efficaces contre cette souche qui, selon les études, serait aussi « moins sensible » aux anticorps, augmentant les risques de réinfection.

Variant P1 (brésilien)

C’est dans un aéroport de Tokyo, début janvier, que ce variant a été identifié chez des voyageurs qui arrivaient du Brésil. Cette souche serait « de 80 % à 150 % plus transmissible et de 10 % à 80 % plus virulente » en termes de risque de décès. L’effet des vaccins serait diminué, puisqu’elle présente la même type de mutation que le variant sud-africain, mais le risque de réinfection reste faible (6,4 %).

Variant B1525 (nigérian)

Surveillé depuis peu au Québec, il a été enregistré pour la première fois au Nigeria et au Royaume-Uni en décembre 2020, mais est aujourd’hui présent dans au moins 28 pays, dont le Canada. Deux cas ont déjà été recensés à Montréal. Il est surtout surveillé « en raison des conséquences fonctionnelles connues de deux mutations dans la protéine de spicule qui sont également retrouvées dans les variants B117 et B1351 ».

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