L’éclosion de COVID-19 prend de l’ampleur au CHSLD Lionel-Émond, en Outaouais, où à peine 40 % des travailleurs sont vaccinés. Après 48 infections et 7 décès, des familles déplorent la réponse « insuffisante » des autorités à un taux de vaccination du personnel largement en deçà de la moyenne québécoise.

« Quand j’ai appris que l’éclosion venait de travailleurs infectés et que si peu d’entre eux étaient vaccinés, ça m’a hérissé le poil des bras », raconte Suzanne Alary à La Presse. Le 21 février, on lui apprend que sa mère, résidante au CHSLD Lionel-Émond, a contracté la COVID-19, tout juste deux mois après avoir reçu sa première dose du vaccin de Pfizer.

« Quelques jours avant, je parlais à la préposée de ma mère, qui m’a dit qu’elle n’était pas vaccinée. J’ai fait le saut ! Je trouve ça aberrant, témoigne Mme Alary. Quand tu choisis d’être préposée, tu as l’obligation de protéger ton patient. Qu’est-ce que le CISSS attend pour réagir ? » 

Selon l’Institut national de santé publique du Québec, des travailleurs auraient introduit le virus dans le centre d’hébergement. Vendredi, l’éclosion s’est propagée dans une autre unité de soins. Depuis le 20 février, 48 résidants du CHSLD Lionel-Émond ont contracté le virus ; 7 personnes y ont succombé, et 20 autres sont rétablies, dont la mère de Suzanne Alary.

Pourquoi ne pas se faire vacciner ?

Le taux de vaccination des travailleurs en CHSLD au Québec est de 76 %, a affirmé le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, mardi dernier, lors d’un point de presse. À la résidence Lionel-Émond, il est de 40 %.

Peur, désinformation, valeurs personnelles : les raisons qui poussent certains membres du personnel à refuser le vaccin sont nombreuses, remarque Jacques Corbeil, spécialiste en maladies infectieuses et immunitaires et professeur titulaire de l’Université Laval. Selon lui, un facteur sous-évalué est l’indifférence. « Beaucoup de personnes ne se sentent pas concernées par le vaccin, parce qu’elles n’ont pas peur d’attraper la COVID-19. L’idée, c’est de comprendre que ce n’est pas juste pour vous protéger, le vaccin, c’est pour tout le monde. Peut-être que ce concept n’est pas assez bien véhiculé », avance M. Corbeil.

Malgré les appels répétés de la ministre des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, pour que le personnel aille se faire vacciner, le taux de vaccination n’a pas bougé entre février et aujourd’hui au CHSLD Lionel-Émond, a appris La Presse.

« Par contre, plusieurs employés encore non vaccinés ont [manifesté] de l’intérêt à recevoir le vaccin, ce qui pourrait augmenter notre couverture vaccinale », a indiqué par courriel la relationniste du CISSS de l’Outaouais Marie-Pier Després.

Des morts, malgré la vaccination

Cette éclosion dans une résidence vaccinée remet-elle en question l’efficacité du vaccin ? La réponse courte est non.

Rappelez-vous avant l’arrivée des vaccins. Le taux de mortalité était beaucoup plus élevé que celui-ci. Le vaccin a fait tout changé, il a sauvé des vies. J’en suis convaincu.

Denis Leclerc, professeur de biologie médicale de l’Université Laval

Denis Leclerc, professeur de biologie médicale à la faculté de médecine de l’Université Laval, rappelle que la réponse immunitaire déclenchée par une première dose du vaccin de Pfizer met au moins trois semaines à se manifester, et encore, elle n’atteint 95 % d’efficacité que trois semaines après la seconde dose.

« Il restera donc toujours un 5 %. L’évènement au CHLSD Lionel-Émond est malheureux, mais ce peut être de la malchance. Il ne remet aucunement en doute l’efficacité du vaccin », renchérit son collègue Jacques Corbeil.

Des renforts appelés sur place

Une équipe SWAT composée d’experts en prévention et en contrôle des infections du CHU Sainte-Justine est actuellement sur les lieux afin d’évaluer la situation de l’éclosion et d’énoncer des recommandations.

En attente du rapport, le CISSS de l’Outaouais souligne que « jusqu’à présent, aucune inquiétude majeure n’a été soulevée par les équipes ». Dans un souci de transparence, les documents seront rendus publics vers la fin de la semaine prochaine.