Après des mois d’avis divergents, le gouvernement de Doug Ford fait de l’Ontario la première province à donner la priorité aux femmes enceintes dans un plan de déploiement de vaccins, sans conditions particulières.

Les travailleuses de la santé et les médecins spécialistes estiment que cette décision représente une victoire pour les femmes enceintes et pour la santé publique en général.

La ministre de la Santé de l’Ontario, Christine Elliott, déclarait lundi que son équipe avait appris beaucoup de choses sur les vaccins en très peu de temps. « Bien que ce ne soit pas aussi strict que ça l’était, ils recommandent toujours aux femmes enceintes […] de parler à leur médecin ou à leur infirmière praticienne avant de recevoir le vaccin », a-t-elle déclaré aux journalistes.

En détaillant vendredi la suite du plan de vaccination de l’Ontario, les autorités sanitaires ont répertorié la grossesse comme un facteur mettant une personne à risque d’être hospitalisée ou de mourir de la COVID-19. Cela signifie que les femmes enceintes pourront être vaccinées lors de la deuxième phase du plan provincial.

La Saskatchewan a inclus les femmes enceintes atteintes de maladies cardiaques importantes dans la deuxième phase de son plan de vaccination. Le 26 février dernier, l’Institut national de santé publique du Québec indiquait dans un avis intérimaire que la vaccination pouvait être offerte à une femme enceinte « surtout dans l’éventualité où elle est à risque de développer des complications graves si elle était atteinte de la COVID-19 ou si elle est à grand risque d’exposition au SRAS-CoV-2 (par exemple une travailleuse de la santé) ».

D’autres provinces excluent la grossesse de leur plan de vaccination, émettant des conseils distincts selon lesquels les femmes enceintes devraient consulter leur médecin.

La docteure Heather Watson, professeure en obstétrique et gynécologie à l’Université du Manitoba, estime que l’Ontario a pris la bonne décision. « Nos recherches montrent que la COVID-19, lorsqu’elle est grave pendant la grossesse, augmente du triple le risque d’admission aux soins intensifs », expliquait-elle en entrevue dimanche. « Nous savons que les vaccins, historiquement, fonctionnent aussi efficacement pendant la grossesse qu’en dehors de la grossesse. »

Selon elle, d’autres provinces imiteront l’Ontario éventuellement. La professeure Watson a collaboré aux recommandations de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada sur la vaccination des femmes enceintes, qui avaient été publiées le 18 décembre puis réaffirmées le 5 mars. La Société soutenait que les femmes ne devraient pas être exclues de la vaccination sur la base d’une grossesse ou de l’allaitement.

La docteure Constance Nasello, présidente de la Société ontarienne des obstétriciens et gynécologues, explique que les directives ont changé pour les femmes enceintes parce que les données probantes ont changé. Les femmes enceintes avaient été exclues des premiers essais cliniques des vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna, comme c’est la pratique courante, a-t-elle expliqué. Or, 36 femmes se sont avérées enceintes pendant les essais cliniques et elles ont été suivies depuis, selon un rapport de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.

Pendant un certain temps, ces 36 femmes ont été la seule source de données sur la façon dont ces vaccins pourraient affecter la grossesse, a déclaré la docteure Nasello. En conséquence, les femmes enceintes ont été informées qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour leur donner accès à la vaccination.

Mais des études ont montré depuis que la vaccination est sans danger pendant la grossesse, a déclaré la docteure Nasello. « Au départ, le risque était inconnu, mais semblait faible ; aujourd’hui, il serait en fait très, très faible. »

Par ailleurs, de plus en plus de preuves montrent que la grossesse est un facteur de risque de symptômes plus graves de la COVID-19, a-t-elle souligné. « La femme enceinte est immunodéprimée, alors elle a entre 10 et 14 % de risques d’être hospitalisée pour une maladie grave, et de 2 à 4 % de risques d’être admise aux soins intensifs », a-t-elle déclaré.

La docteure Courtney Westerlaken, omnipraticienne à Ottawa — et enceinte —, salue elle aussi la décision du gouvernement de l’Ontario. Elle soutient que comme bien d’autres travailleuses de la santé, elle avait au départ été prévenue que sa grossesse la rendait inadmissible à la vaccination.

La docteure Westerlaken travaille dans un centre d’évaluation de la COVID-19 depuis le début de la pandémie, en mars dernier : elle faisait donc partie d’un groupe prioritaire pour le vaccin. Mais en janvier, lorsqu’elle a indiqué sur un formulaire qu’elle était enceinte, on l’a informée qu’elle était exclue, « ce dont je n’étais pas très contente », a-t-elle dit en entrevue lundi.

D’autres travailleuses de la santé de première ligne ont même menti sur le formulaire, si leur grossesse n’était pas encore trop visible, a soutenu Mme Westerlaken. Mais au moment où son tour est venu, les autorités avaient changé d’avis et elle a reçu sa première dose il y a environ trois semaines.