Relire certaines informations diffusées au début de la crise sanitaire de la COVID-19 donne l’impression d’entrer dans un monde parallèle où le plancher se retrouve au plafond, et vice-versa. Du DHoracio Arruda à l’OMS, de nombreux experts et organisations ont donné des directives qui ont par la suite été infirmées. Voici une compilation des croyances qui ont mal vieilli.

Ne mettez pas de masque !

Si porter un couvre-visage est devenu une seconde nature pour des milliards de personnes dans le monde, il en était tout autrement au début de la pandémie, quand les autorités sanitaires, dont celles du Québec, recommandaient de ne pas en porter. Le 18 mars 2020, La Presse Canadienne titrait : « Le DArruda demande de ne pas utiliser de masques à des fins préventives ».

Le DArruda notait que porter un masque, c’est « mettre sa main souvent [au visage] pour ajuster le masque et on se contamine. Le masque, c’est pour le système de santé où il y a des protocoles pour le mettre et pour l’enlever ».

Pour Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), il aurait fallu bousculer davantage les habitudes de la population, et imposer le port du masque beaucoup plus tôt l’an dernier. « Dans une crise, il faut imposer des mesures strictes, car des vies sont en jeu », dit-elle.

Benoit Barbeau, virologue à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), note quant à lui que les données disponibles à cette époque n’étaient pas claires. « Moi, j’étais hésitant [à recommander le port du masque]. Je l’avoue, on n’avait pas les données. Aujourd’hui, on s’aperçoit que c’était quand même un peu ridicule, l’évidence même était là. Au cours de l’été, j’étais convaincu. Maintenant, on sait que ça fonctionne, on n’hésiterait aucunement. »

Le Québec était loin d’être le seul endroit à décourager le port du masque. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé le port du masque en public le 5 juin 2020.

Quand le monde avait peur des surfaces contaminées

Le printemps 2020 a peut-être été le seul moment de l’histoire où des millions de gens lavaient au désinfectant les articles qu’ils venaient d’acheter à l’épicerie. Inquiétés par des études qui montraient que le nouveau coronavirus pouvait survivre sur des surfaces, nous jouions de prudence, avec une pincée de paranoïa post-apocalyptique. Puis, il est peu à peu devenu clair que la principale voie de transmission des infections à la COVID-19 n’était pas par une surface contaminée, mais bien par le système respiratoire. « Aucune étude n’a pu faire de lien entre la présence d’un virus sur une surface contaminée et une infection, et il n’a jamais été établi que les virus présents sur une surface avaient le potentiel de contaminer quelqu’un, entre autres parce que la recherche s’est depuis penchée sur d’autres enjeux », note l’Université de la Californie à Davis.

La ruée vers les gants

Le port de gants de chirurgien était vu comme une façon de se protéger de la COVID-19 dans les premiers mois de la pandémie. « Or, aucune étude ne montre que porter de tels gants réduit les risques d’infection », note l’Université de la Californie à Davis.

Benoit Barbeau, virologue à l’UQAM, souligne que l’utilisation des gants coïncidait avec le moment où l’on croyait que les surfaces contaminées jouaient un rôle dans la pandémie. « Les gens ne réalisaient pas qu’entre laver ses mains ou porter des gants, ça revient un peu au même. Lorsqu’on porte des gants, on se pense un peu mieux protégé, comme si le virus pouvait entrer par notre peau. Si on porte des gants longtemps, il faut les laver, comme on laverait nos mains, et donc il n’y a pas d’avantages. »

OMS : continuez à voyager !

Beaucoup l’ont sans doute oublié, mais au début de la crise sanitaire de la COVID-19, l’OMS déconseillait l’application de restrictions aux déplacements des personnes et du commerce aux pays touchés par la maladie.

« Les mesures de voyage qui interfèrent de manière significative avec le trafic international ne peuvent être justifiées qu’au début d’une épidémie, car elles peuvent permettre aux pays de gagner du temps, ne serait-ce que quelques jours, pour mettre en œuvre rapidement des mesures de préparation efficaces, écrivait l’OMS le 29 février 2020. Ces restrictions doivent être fondées sur une évaluation minutieuse des risques, être proportionnées au risque pour la santé publique, être de courte durée et être réexaminées régulièrement à mesure que la situation évolue. »

À ce moment, on recensait déjà plus de 80 000 cas d’infection et quelque 2700 morts dans plus de deux douzaines de pays. La Commission européenne ne souhaitait pas fermer ses frontières intérieures. « À l’heure actuelle, notre recommandation aux États membres n’inclut pas la réintroduction de contrôles aux frontières internes », a déclaré Adalbert Jahnz, porte-parole.

À la mi-mars, ces règles ne tenaient plus, et les pays européens ont vite fermé leurs frontières. Le Canada a recommandé d’éviter tout voyage non essentiel le 13 mars 2020.

Les pays démocratiques sont mieux préparés

L’utilisation de quarantaines sévères imposées par le gouvernement chinois en début d’épidémie, de même que la fermeture des commerces, des écoles, ainsi que l’interdiction des déplacements en Chine ont fait sourciller des chercheurs occidentaux. Ils y voyaient une réaction autoritaire au problème de la COVID-19.

Dans un article intitulé « Pourquoi les démocraties sont meilleures pour combattre les épidémies », Ariana Berengaut, directrice des programmes, des partenariats et de la planification stratégique au Penn Biden Center for Diplomacy écrivait dans la revue The Atlantic en février 2020 avoir bon espoir de voir les pays occidentaux faire mieux que la Chine à ce chapitre.

« Après une prolifération de cas en Corée du Sud, au Japon et en Italie ces derniers jours, les responsables réfléchissent à la manière de réagir, et la capacité des démocraties à faire face à la COVID-19 sera bientôt mise à l’épreuve, écrivait-elle. Mais les citoyens des nations démocratiques peuvent raisonnablement s’attendre à un niveau plus élevé de franchise et de responsabilité de la part de leurs gouvernements. »

Un an plus tard, on constate que les démocraties n’avaient pas un avantage spécial dans cette pandémie. En fait, les pays qui ont fait les gestes les plus draconiens le plus rapidement au début de 2020, comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, s’en tirent beaucoup mieux, pour ce qui est de la contagion, des morts et des impacts économiques négatifs, que ceux qui ont tardé à agir dans le but de ménager les effets sur leur économie.

L’immunité collective est une avenue souhaitable

L’immunité collective – la résistance au virus après qu’il a été libre de circuler dans la population, tout en essayant de protéger les personnes les plus vulnérables – a été vue comme une avenue souhaitable par certains chercheurs, notamment au Royaume-Uni et en Suède.

Un des problèmes avec cette approche est qu’elle implique d’inonder le système de santé avec des patients malades, en plus d’entraîner un nombre de morts extrêmement élevé. En avril 2020, l’épidémiologiste Gideon Meyerowitz-Katz écrivait qu’appliqué à l’Australie, le modèle de l’immunité collective « entraînerait la mort de 43 000 à 100 000 personnes ». Jusqu’ici, la pandémie a fait 909 morts en Australie.

« Pour certains, l’immunité collective peut encore sembler idyllique, mais elle nous oblige à sacrifier en très grand nombre les plus vulnérables sur l’autel de l’économie, a écrit M. Meyerowitz-Katz. Je ne peux pas parler au nom de tout le monde, mais personnellement, je préfère rester à la maison encore quelques mois, et encore pouvoir voir mes parents l’année prochaine. »

Quand on avait peur pour l’Afrique

Au début de la crise sanitaire, les regards se tournaient vers l’Afrique. Avec des villes surpeuplées et des réseaux de santé sous-financés, cela ne semblait être qu’une question de temps avant que la maladie n’y fasse des ravages. En avril 2020, le Collège impérial de Londres estimait à 300 000 le nombre de morts que la COVID-19 ferait sur le continent africain.

Près d’un an plus tard, on constate que l’Afrique dans son ensemble n’a pas vécu la crise qui était anticipée. Le pays le plus touché est l’Afrique du Sud, avec près de 1,5 million d’infections recensées et plus de 48 000 morts.

Félix-Antoine Véronneau, coordonnateur COVID-19 à Fondations philanthropiques Canada et ancien délégué régional en Afrique de l’Ouest pour la réponse à l’épidémie d’Ebola de la Tony Blair Africa Governance Initiative, constate que « les taux de mortalité sont restés relativement bas » en Afrique par rapport aux autres régions du monde.

« Ce qui fait consensus, c’est que le facteur démographique a pu compter pour beaucoup, dit-il. Les âges médians des pays africains sont de près de 20 ans, soit environ la moitié de l’âge médian au Québec. »

Plusieurs recherches sont en train d’être menées pour déterminer d’autres facteurs, dit M. Véronneau. « La décision de rapidement restreindre l’accès au territoire via les vols internationaux a pu aider, de même que les systèmes de santé communautaires, qui ont une longue expérience en prévention des maladies infectieuses. »