Une exigence imposée à la dernière minute par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) empêche une firme de Laval d’aller de l’avant avec des tests automatisés hypersensibles qui promettent de quadrupler le nombre de tests de COVID-19 réalisés au Québec et de lancer l’ère du dépistage de masse dans la province.

En processus depuis cinq mois pour faire approuver une plateforme qui a déjà reçu l’aval du gouvernement fédéral et des instances internationales, Jan-Eric Ahlfors, PDG et chef scientifique de Diagnostiques Lilium, établie dans la Cité de la Biotech de Laval, indique qu’il ne sent « aucune urgence » dans ses interactions avec le LSPQ.

« Tester massivement la population permettrait d’éliminer la COVID-19 au Québec et de retrouver nos vies normales, mais tester massivement ne semble pas faire partie des préoccupations du LSPQ », dit-il.

La sensibilité des tests de Diagnostiques Lilium, 100 fois plus élevée que celle des machines Cobas 8800 récemment acquises par le gouvernement, est aussi la clé pour venir à bout de la pandémie, dit M. Ahlfors, ajoutant que sa plateforme de tests RT-PCR peut simultanément détecter les variants spécifiques du Royaume-Uni, d’Afrique du Sud et du Brésil, ce qu’aucune autre plateforme de PCR au Canada ne peut faire pour le moment.

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Jan-Eric Ahlfors, PDG et chef scientifique de Diagnostiques Lilium

« Si vous pouvez détecter le virus avant même que la personne ne soit vraiment contagieuse, vous attrapez le problème avant qu’il ne se répande. Ne pas le faire, c’est faire durer la pandémie inutilement. »

La plateforme mise au point par Lilium permet aux gens de faire eux-mêmes un prélèvement à la maison, à l’école ou sur leur lieu de travail.

La Presse révélait le 16 février que le gouvernement provincial tardait à remettre son permis d’exploitation à Diagnostiques Lilium, alors que les autorités fédérales l’ont fait l’an dernier.

Six jours plus tard, le 22 février, l’entreprise a finalement reçu son rapport d’inspection de la part du LSPQ, un document daté du 1er février. « C’est donc dire qu’ils sont restés assis sur le rapport pendant trois semaines », déplore M. Ahlfors.

Le rapport fait état de recommandations, mais aucune lacune n’a été identifiée, et aucune mesure corrective n’a été exigée.

Néanmoins, dans un courriel, le LSPQ a décidé d’établir de nouvelles exigences qui rendent Diagnostiques Lilium dépendant de la réception d’échantillons cliniques des hôpitaux pour tester et montrer l’équivalence de ses machines avec les machines de RT-PCR des hôpitaux.

Le LSPQ, qui contrôle la majorité des centres de tests de la province, n’a offert aucune collaboration à la firme pour accomplir cette étape, qui devient complexe alors que les employés du réseau de la santé sont débordés. « On dirait qu’ils ont trouvé une manière élégante de nous bloquer », dit M. Ahlfors.

Il note aussi que sa plateforme est plus sensible que celle du gouvernement, ce qui pourrait fausser les comparaisons. « Un échantillon considéré comme négatif par les plateformes de test du gouvernement pourrait en fait contenir une petite quantité de virus que notre plateforme de test pourrait détecter. Cela nous ferait alors échouer à leur test, car nos résultats ne seraient pas les mêmes que les leurs. »

Sybille Jussome, conseillère en communication à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), signale qu’elle ne peut donner de renseignements sur la situation.

« Malheureusement, l’INSPQ ne divulgue pas publiquement les informations spécifiques au dossier des entreprises et organisations du réseau. Les discussions entre le LSPQ et Diagnostiques Lilium de Laval se poursuivent », dit-elle.

Un million par jour

Diagnostiques Lilium a conçu un système automatisé pour tester plus de 100 000 échantillons par jour de manière plus rapide, plus précise et moins coûteuse que les tests sur lesquels s’appuie le gouvernement du Québec. La plateforme peut être modifiée pour permettre de réaliser 1 million de tests par jour.

Des entreprises et des chercheurs universitaires attendent que Diagnostiques Lilium ait son permis d’exploitation pour conclure des ententes de tests de masse avec la firme.

Il est étrange que nous ayons reçu le 5 novembre un contrat gouvernemental signé et approuvé pour effectuer les tests pour les hôpitaux et les centres de test du Québec, mais [que] le LSPQ a pu nous empêcher de fonctionner en ne nous délivrant pas notre permis.

Jan-Eric Ahlfors, PDG et chef scientifique de Diagnostiques Lilium

Il est également « immoral » que le LSPQ empêche l’entreprise d’aider d’autres provinces et le reste du monde avec cette plateforme, puisqu’elle ne peut pas être mise en fonction sans permis provincial, allègue-t-il.

« Si le LSPQ ne veut pas que nous aidions ou que nous soyons compétitifs sur leur territoire, alors nous devrions être autorisés à aider d’autres provinces et pays qui nous approuvent et ont besoin de notre aide pour sauver des vies et leur économie. »