Le centre d’hébergement Lionel-Émond, en Outaouais, où la quasi-totalité des résidants a été vaccinée, est aux prises avec une nouvelle éclosion de COVID-19. L’efficacité de la vaccination pourrait-elle être remise en question ?

Au contraire, la situation semble plutôt démontrer un certain effet de la vaccination, puisque tous les résidants infectés ont peu ou pas de symptômes, soutient le DNicholas Brousseau, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Il indique que, normalement, une grande majorité des personnes âgées ayant contracté la maladie présentent des symptômes importants et qu’une proportion élevée d’entre elles doit être hospitalisée, ou en meurt. « C’est vraiment exceptionnel de voir des gens qui ont si peu de symptômes. »

L’éclosion, touchant 23 résidants d’un même secteur, a été découverte par hasard au cours de la fin de semaine, a expliqué lundi le CISSS de l’Outaouais en point de presse. Un signalement a permis de déclencher une enquête et de faire un dépistage systématique. « Probablement que si on n’avait pas fait ce dépistage systématique, on n’aurait jamais trouvé ces cas-là, parce que ce sont des gens qui n’ont pas de symptôme », indique la Dre Carol McConnery, médecin-conseil à la Direction de santé publique au CISSS de l’Outaouais.

Depuis le début de la pandémie, il y a un an, 64 cas et 17 morts ont été recensés dans cet établissement. À l’heure actuelle, 96 % des résidants du centre ont reçu leur première dose de vaccin contre le virus.

PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, LE DROIT

Si 96 % des résidants ont été vaccinés, à peine 41 % des travailleurs de l’établissement ont accepté de l’être.

Cependant, à peine 41 % des travailleurs de l’établissement ont accepté d’être vaccinés. Le DBrousseau juge que le taux de vaccination des travailleurs au Québec est encore trop bas.

C’est important d’encourager les travailleurs de la santé à se faire vacciner.

Le DNicholas Brousseau, médecin-conseil à l’INSPQ

Il rappelle que la vaccination des travailleurs de la santé va aider à contribuer à réduire le risque de propagation du virus dans les milieux vulnérables.

Peut-on transmettre le virus même si on est vacciné ?

« La réponse courte, c’est oui », affirme d’emblée Alain Lamarre, expert en immunologie et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Cela dit, si le vaccin rend une personne asymptomatique, sa charge virale risque d’être moins grande, donc son risque de transmission pourrait être diminué, explique la Dre Maryse Guay, professeure à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Il est toutefois tout à fait possible qu’une proportion des gens vaccinés, qui sont exposés au virus, puissent quand même présenter une infection légère et le transmettre à d’autres personnes, explique le DBrousseau.

Chez les personnes jeunes et en santé, l’efficacité maximale du vaccin est atteinte environ deux ou trois semaines après l’administration. Toutefois, le délai peut atteindre 28 jours chez les personnes âgées, indique la Dre Guay. Bien que la durée de protection du vaccin ne soit pas encore connue, les données québécoises indiquent que la protection ne semble pas diminuer avec le temps, soutient le DBrousseau.

Une dose seulement, est-ce efficace ?

Une nouvelle étude écossaise prépubliée lundi dans le British Medical Journal a montré que quatre semaines après l’administration des premières doses, le risque d’hospitalisation lié à la COVID-19 a chuté de 85 % pour le vaccin de Pfizer-BioNTech et de 94 % pour celui d’Oxford-AstraZeneca. « C’est très encourageant. C’est rassurant de voir qu’on obtient ces résultats dans une étude de vie réelle, plutôt que dans une étude clinique, qui est vraiment plus surveillée et contrôlée », indique Alain Lamarre.

« Ça concorde avec l’efficacité d’environ 80 % qu’on a observée au Québec et avec ce qu’on voit en Israël », renchérit le DBrousseau. En effet, les dernières données disponibles au Québec montrent une efficacité de 80 % après une première dose, selon les résultats préliminaires de l’INSPQ dévoilés jeudi dernier. « On semble réduire de cinq fois le risque de maladie sévère, ce n’est pas rien », se réjouit-il.

Alain Lamarre ajoute qu’à l’échelle provinciale, il y a de plus en plus de signes qu’il y a une diminution des infections symptomatiques dans les CHSLD. « Ça indique qu’il y a un effet réel de la vaccination », affirme-t-il.

AstraZeneca : un verdict « dans les prochains jours »

Plus de trois semaines après avoir évoqué une décision à venir « au cours des prochains jours » en ce qui a trait au vaccin d’AstraZeneca, le gouvernement fédéral continue à parler d’un verdict à venir… dans les prochains jours. Les autorités canadiennes refusent de préciser ce qui achoppe. « Santé Canada continue de travailler avec AstraZeneca afin de recevoir les informations nécessaires pour terminer l’examen de la soumission. Pour le moment, nous ne pouvons fournir aucun détail sur ce qui reste en discussion », a dit Éric Morrissette, porte-parole de Santé Canada. Du côté de la société pharmaceutique, le directeur des communications, Carlo Mastrangelo, souligne que le vaccin a reçu le feu vert « dans environ 50 pays, sur cinq continents », et note que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a jugé le vaccin efficace pour les personnes de plus de 65 ans – en France, on a toutefois déconseillé son administration aux personnes de ce groupe d’âge. Le Canada a une entente lui permettant d’avoir accès à 20 millions de doses de ce vaccin mis au point avec l’Université d’Oxford ; il pourrait aussi mettre la main sur 1,9 million de doses par l’entremise de l’initiative COVAX, et d’autres encore en provenance du Serum Institute of India.

Mélanie Marquis, La Presse