Il faut qu’on parle de Terre-Neuve.

Ce qui se passe là-bas devrait servir de signal d’alarme. Une menace point à l’horizon.

Une menace en forme de troisième vague.

Tout allait bien à Terre-Neuve, côté COVID-19. La province avait été largement épargnée par la pandémie – l’un des avantages d’être une île, sans doute. Pendant plusieurs semaines, l’automne dernier, on n’y avait pas détecté le moindre cas.

PHOTO ERICK LABBÉ, LE SOLEIL

Avec 116 cas de COVID-19, l’école primaire de la Grande-Vallée, à Saint-Raymond, a affronté une des plus importantes éclosions en milieu scolaire au Québec.

Et puis, paf ! La flambée.

Terre-Neuve comptait mardi 297 contaminations au virus B.1.1.7, le fameux variant britannique, plus contagieux et peut-être même plus mortel que le SARS-CoV-2. Les cas se propagent ces jours-ci comme un feu de paille.

« Le variant change complètement la donne, a dit la directrice de santé publique de Terre-Neuve-et-Labrador, Janice Fitzgerald, au Globe and Mail. Vous ne pouvez jamais baisser la garde. »

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Pendant que le reste du pays se déconfine le bout du nez, Terre-Neuve se referme donc comme une huître. Les écoles et les entreprises ont fermé leurs portes. Même les élections provinciales ont été reportées.

Et un peu comme les émissions de télé qui arrivent plus tard dans les provinces de l’Atlantique, ce n’est que maintenant que la popularité de la directrice de santé publique explose.

Une page Facebook vient d’être créée en son honneur. Une pétition a été lancée pour renommer un pavillon universitaire à son nom. Des poupées sont fabriquées à son image. Des trônes de neige lui sont dédiés dans les rues de St. John’s.

On lui souhaite que ça dure…

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Au Québec, le gouvernement Legault a annoncé mardi soir de légers assouplissements au confinement. À compter du 26 février, donc, on rouvrira avec mille précautions les piscines, les arénas et les salles de cinéma en zone rouge.

On permettra la location de chalets – à condition de s’en tenir aux bulles familiales. Le gouvernement a écarté l’idée d’établir des barrages routiers entre les régions.

Cette bouffée d’air sera bien accueillie par les jeunes familles, désespérées à l’idée de se trouver devant une sorte de trou noir pendant la semaine de relâche.

Toute une semaine à la maison avec des enfants qui s’ennuient à mort, ça risquait d’être long, longtemps.

Mais ces assouplissements soulèvent une question : le gouvernement est-il en train de nous magasiner une troisième vague… pour éviter aux familles de s’emmerder pendant le congé scolaire ?

Horacio Arruda a reconnu que la bouffée d’air risquait de donner de l’oxygène au virus. Mais « le variant ne sautera pas sur les gens », a-t-il rappelé. Si les Québécois respectent les consignes, le virus ne se propagera pas.

Le calcul de la Santé publique, comme toujours, en est un de réduction des méfaits : mieux vaut permettre des activités dans un environnement contrôlé – une salle de cinéma sans popcorn, un aréna à moitié plein – que de tout interdire, avec le risque d’en pousser beaucoup à se réunir en privé.

C’est ce qui s’est produit pendant le temps des Fêtes. Avec les conséquences tragiques que l’on sait : des dizaines de morts par jour, des hôpitaux à la limite du point de rupture, des opérations reportées, du personnel soignant à bout de souffle.

C’est ce qui risque de se produire encore, pendant la relâche scolaire. La différence, cette fois, c’est la présence de variants autrement plus contagieux. Le gouvernement a découvert 86 cas probables seulement dans les cinq derniers jours.

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Peut-on encore parler du bout du tunnel ?

Il y a la promesse des vaccins, bien sûr. Et puis, il n’y a eu « que » 17 morts rapportées, mardi, au Québec. Le couvre-feu fonctionne. La tendance est à la baisse. La deuxième vague est en train de mourir.

Cela dit… le vaccin arrive au compte-gouttes. Trop lentement pour stopper les variants. « Si on ne fait pas attention, les cas pourraient exploser en quelques semaines », a reconnu François Legault.

Si on ne fait pas attention, on sera frappés par une troisième vague à la fin de mars, prédisent des épidémiologistes.

On doit s’y résigner ; le tunnel est plus long qu’on aurait pu le croire en décembre. De quoi sombrer dans la déprime, au creux de l’hiver, en voyant nos enfants rivés à de maudits écrans, en ne voyant nos amis qu’à travers ces mêmes maudits écrans…

Il ne faut pas lâcher. Même pendant la relâche.