(Toronto) L’idée de recruter des personnes âgées pour les essais cliniques des vaccins contre la COVID-19 pose des questions éthiques épineuses puisqu’il existe déjà des vaccins efficaces en circulation, signalent des experts.

Les personnes âgées ont été les plus durement touchées par la COVID-19. Au Canada, les gens âgés d’au moins 80 ans représentent 70 % des décès. Près de 20 % sont des septuagénaires.

L’émergence de variants plus infectieux vient de s’ajouter à la longue liste des incertitudes provoquées par la pandémie.

Selon un bioéthicien de l’Université de Toronto, Kerry Bowman, il n’est pas actuellement justifié de recruter des personnes âgées dans des essais complètement en aveugle. « Nous ne pouvons pas quantifier complètement les risques, ce qui, à mon avis, est important, souligne-t-il. Les variants représentent désormais la carte imprévisible. Nous ne savons même pas dans quelle direction cela se dirige. La situation dans son ensemble pourrait empirer très rapidement. »

Il reconnaît des exceptions pour les volontaires dont la santé est bonne, surtout sur les essais sont conçus pour minimiser les risques.

Hé oui, il y a malgré tout des volontaires qui ont passé l’âge de la retraite. Par exemple : Donna Lessard, une ancienne infirmière âgée de 70 ans. Elle aurait pu atteindre, bien pénarde, de recevoir le vaccin.

Au lieu de cela, elle a accepté d’être testée pour un vaccin qui n’a pas encore été approuvé par les autorités : un produit à deux doses de la société québécoise Medicago qui mène actuellement des essais cliniques de phase 2.

Les essais étant réalisés en aveugle, la Montréalaise ignore si elle a reçu une deuxième dose du vaccin potentiel ou d’un placebo. Elle ne le saura pas avant un an, bien après que la plupart des Canadiens auront reçu l’un des vaccins homologués.

Lessard comprend que sa décision pourrait la placer dans une position de vulnérabilité pendant une plus longue période que les autres personnes âgées, mais dit que bien des gens ont plus besoin d’un vaccin approuvé qu’elle.

« Je ne suis pas dans un établissement de soins et je suis en excellente santé, raconte-t-elle. Il y a beaucoup d’autres personnes, à juste titre, qui doivent passer avant moi. »

Les personnes âgées ou provenant d’autres groupes vulnérables ne figurent pas parmi les « cobayes » du stade 1 des essais de Medicago. Ce n’est que lorsque celui-ci a pu établir la sûreté du vaccin pour des adultes en bonne santé que des volontaires plus âgés seront recrutés. Les étapes ultérieures comprendront des adolescents, des enfants et des femmes enceintes.

La société limite son utilisation des placebos dans ses essais. Chaque volontaire reçoit une injection de solution saline et cinq participants reçoivent le vaccin proposé.

Habituellement, les groupes sont répartis de façon équitable dans les essais à double insu afin d’évaluer l’efficacité réelle d’un produit.

Comparer les vaccins

Étant donné les risques posés par la pandémie, Zain Chagla, un médecin spécialiste des maladies infectieuses, juge qu’il serait plus approprié de comparer les vaccins au stade des essais à ceux qui ont déjà été approuvés au Canada, comme Pfizer-BioNTech et Moderna.

Il est difficile pour un chercheur de dire qu’il ne cause pas un préjudice s’il refuse à un patient un médicament déjà éprouvé, mentionne celui qui est également professeur agrégé de médecine à l’Université McMaster à Hamilton.

« Beaucoup de ces essais devront éventuellement comprendre l’utilisation d’un médicament ou d’un vaccin reconnu, comme celui de Pzifer », ajoute-t-il au sujet des candidats qui reçoivent le placebo.

Tous les essais cliniques font l’objet de multiples examens éthiques et de protocole par l’entreprise qui a conçu le vaccin et Santé Canada peut garantir que la sécurité des patients reste primordiale, déclare Karri Venn, présidente de la recherche chez LMC Manna Research, qui mène plusieurs essais pour diverses biotechnologies, dont le vaccin de Medicago.

Selon Mme Venn, la COVID-19 a ajouté de nouvelles complications à la recherche scientifique. Elle craint qu’il puisse bientôt devenir difficile de recruter et de maintenir les personnes âgées dans des essais cliniques s’ils savent qu’un vaccin approuvé est imminent.

« C’est la première fois que cela pose de nombreux défis pour la manière traditionnelle de faire des recherches, pour être honnête avec vous », convient Mme Venn.

Il est très rare d’annuler la partie en aveugle d’un participant au cours d’un essai, ajoute-t-elle. Quand cela se produit, c’est presque toujours pour des raisons médicales ou de sécurité.

Donner un placebo aux personnes âgées est hors de question pour le PDG de Providence Therapeutics, Brad Sorenson, qui prévoit des essais de phase 2 pour son produit.

« Nous ne voulons pas inclure un groupe placebo pour les personnes plus âgées et à risque plus élevé. Pas quand il y a un vaccin qui sera à leur disposition, dit Sorenson. Nous pouvons faire une étude comparative où ils reçoivent soit notre vaccin, soit un vaccin Moderna. »

Le Pr Bowman sympathise avec les volontaires qui considèrent que la protection inconnue d’un vaccin en essai vaut mieux que pas de vaccin du tout

« Avant Noël, on nous avait dit que nous allions nager dans les vaccins. Ce n’est pas vraiment le cas. Les gens doivent protéger leur propre vie et leur bien-être. »