Le mot d’ordre était d’aider les « quartiers chauds » de Montréal à être rayés de la liste rouge COVID-19 de la Santé publique. Au niveau local, les CIUSSS et leurs alliés se sont alors démenés pour adapter les consignes sanitaires générales aux réalités de leurs populations multiethniques. Dans ces quartiers-là, les langues et les lieux de culte ont été rapidement mis à contribution.

Celui de Côte-des-Neiges, en plein cœur de la métropole, est un quartier densément peuplé, dont plus de 50 % de ses habitants sont issus de l’immigration récente. Lors de la première et seconde vague de la COVID-19, il a fait partie des endroits de la province les plus touchés par la maladie.

Il y plus de 40 cultures dans le secteur, dit Valérie Lahaie, coordonnatrice Santé publique et partenariat au CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal. « C’est énorme. » On y trouve beaucoup de nouveaux arrivants et de réfugiés, précise-t-elle.

Puisque les résidants parlent un grand nombre de langues et de dialectes – plus de 100 – cette façon de faire a tout de suite été ciblée : il fallait traduire les consignes sanitaires et l’information sur le confinement, puis sur le couvre-feu, dans plusieurs langues.

Ainsi, un feuillet d’information est maintenant distribué à la population en 18 langues. Un autre sur les consignes d’isolement les explique à l’aide de pictogrammes.

Sans oublier le « camion-crieur », comme l’appellent les travailleurs du quartier. Équipé d’un haut-parleur, il sillonne les rues de Côte-des-Neiges et diffuse les consignes en 12 langues distinctes.

Le côté multiethnique de Côte-des-Neiges n’est pas unique à Montréal, rappelle en entrevue Dr David Kaiser, chef médical à la Direction de la Santé publique de Montréal. Il y en a bien sûr d’autres, comme Montréal-Nord et Parc-Extension.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

L’agent de sensibilisation Antonin Benoît fait du porte-à-porte pour sensibiliser la population de Côte-des-Neiges.

Pour ces secteurs, d’avoir ciblé toute la question de la langue est crucial, selon lui.

« On doit adapter nos communications », afin de s’assurer d’être bien compris. « C’est un défi continuel de pouvoir rejoindre la multitude de communautés à Montréal. »

Les lieux de culte

En plus de ses spécificités linguistiques, ce quartier compte plus de 200 lieux de culte, qui sont des lieux de grands rassemblements. Les règles sanitaires ont fluctué au cours de la pandémie, restreignant par moment le nombre de personnes qui pouvaient être admises en même temps dans les mosquées, églises, temples et autres lieux de culte.

Pour tenir compte de cette réalité, l’expertise d’Alexis Jobin-Théberge a été sollicitée. L’homme est un conseiller-cadre au partenariat PRAIDA (Programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile) et maintenant aussi membre de la « brigade COVID » du CIUSSS.

On a créé un calendrier des fêtes religieuses, a-t-il expliqué. Histoire de contacter les lieux de culte avant le début des célébrations pour leur offrir soutien et conseils.

Par exemple, avant le ramadan, respecté par les croyants de la religion musulmane, les travailleurs du CIUSSS ont fait des appels téléphoniques aux mosquées. La même démarche fut faite pour les fêtes des populations originaires d’Asie du Sud-Est.

« On les sensibilise aussi aux activités à haut risque, associées à certaines pratiques religieuses », a dit le conseiller, donnant en exemple les chants religieux, qui peuvent projeter beaucoup de particules contaminées dans l’air. On leur suggère, par exemple, de faire ces chants à l’extérieur, dit-il.

Et puis, les responsables des lieux de culte nous aident à relayer l’information aux résidants, dit-il. « On a créé des liens avec eux. » Ils nous tiennent aussi au courant des besoins de la population, ce qui aide à ajuster le message, ajoute-t-il. Dont des informations adaptées : celles remises aux temples ont notamment été traduites en ourdou et en punjabi.

Sur le terrain

Sur le terrain, les agents de sensibilisation du Plan local COVID-19 du quartier Côte-des-Neiges voient bien l’importance de ces initiatives.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Les agents du Plan local COVID-19 ne sont évidemment pas tous polyglottes, mais certains maîtrisent l’espagnol, l’arabe et le créole.

Les gens comprennent les raisons d’être des consignes sanitaires, mais parfois, « il y a une barrière de la langue », a expliqué Antonin Benoît, alors qu’il était en train de distribuer des trousses contenant un masque, des gants et des feuillets d’information. Il se trouvait alors devant le MultiCaf, où des gens faisaient la file pour aller à la petite épicerie qui s’y trouve pour les gens en difficulté.

Ces agents du Plan local COVID-19 ne sont évidemment pas tous polyglottes, mais certains maîtrisent l’espagnol, l’arabe et le créole.

« Ce n’est pas que les gens ne parlent pas le français ni l’anglais », explique Jean-Sébastien Patrice, le directeur général de l’organisme communautaire MultiCaf, et qui est aussi coordonnateur du Plan local COVID-19. « Mais les gens se sentent respectés. »

« Ça a été une solution miraculeuse pour l’adhésion de la population aux mesures barrière », dit-il.