(Montréal) Alors qu’ils se font refuser à répétition la permission d’entrer dans des établissements de soins pour des reportages, des médias québécois demandent au gouvernement de François Legault d’ouvrir les portes des hôpitaux et des CHSLD aux journalistes. Une « véritable guerre » contre la COVID-19 y est menée et tous les citoyens ont le droit d’être dûment informés de ce qui s’y passe, ont-ils plaidé dans une lettre ouverte publiée mardi.

Ces médias invoquent le droit du public à l’information.

Ils sont 19 à avoir signé cette lettre dont Radio-Canada, CBC, La Presse, Cogeco Nouvelles, Le Devoir, CJAD 800, Montreal Gazette, QUB radio, Les coops de l’information (Le Droit, Le Nouvelliste, Le Quotidien, Le Soleil, La Tribune, La Voix de l’Est), TVA, les journaux du Groupe Québecor comme le Journal de Montréal, ainsi que La Presse Canadienne, qui a également rédigé cet article.

Ils déplorent que depuis le début de la pandémie, les journalistes n’aient pu entrer dans les hôpitaux et les CHSLD qu’au compte-gouttes, lors de rares exceptions. Les autres se butent à des portes closes, sur ordre des autorités, soit la Santé publique et le ministère de la Santé, est-il écrit. Un refus d’autant plus étonnant que généralement, les directions des hôpitaux et le personnel soignant sont d’accord pour accueillir journalistes, photographes et caméramans, font-ils remarquer.

En résumé, le problème est le suivant : « On ne peut pas témoigner de la réalité », a martelé en entrevue François Cardinal, éditeur adjoint de La Presse.

Pour les médias d’information signataires, il est clair que ces images et ces témoignages sont essentiels.

« Au mois de mars 2020, la planète entière a compris l’ampleur de la crise sanitaire en développement en voyant les images dramatiques qui nous provenaient d’Italie », rappellent-ils dans leur lettre.

On peut penser à ces patients entassés dans des corridors, dont certains entubés sur de lourdes machines, capturés en photo ou en vidéo, et ces médecins et infirmières épuisés, certains en larmes, leurs visages arborant les plaies de leurs masques portés trop longtemps. Leurs témoignages ont fait comprendre leur détresse et les terribles conséquences de cette maladie.

« Ces images ont davantage sensibilisé les citoyens à la gravité de la situation que tous les communiqués de presse de l’OMS sur la COVID-19. »

Des entrevues d’experts par Skype ne sont pas suffisantes, a donné en exemple Luce Julien, la directrice générale de l’information de Radio-Canada, lors d’une entrevue.

Les médias ne demandent pas un passe-droit, explique-t-elle. Ils souhaitent simplement montrer la situation à l’intérieur des murs des établissements de soins, pour que les Québécois comprennent ce qui s’y passe réellement.

On dit aux gens que les unités de soins intensifs débordent, « mais on ne voit rien », tranche Mme Julien. La situation demeure ainsi un peu « surréelle » et plus difficile à saisir.

Mais les textes et les images du terrain, eux, frappent l’imaginaire, renchérit M. Cardinal. Et peuvent aider à comprendre.

Selon lui, il est difficile de comprendre que le gouvernement refuse l’accès aux hôpitaux alors qu’il essaie de convaincre les sceptiques des graves conséquences de la COVID-19, et cherche l’adhésion de la population aux interdictions imposées, comme le récent couvre-feu.

Le gouvernement aussi « aurait à gagner que les images du front circulent davantage », dit-il. « Ça peut servir à sensibiliser ceux qui seraient tentés de minimiser les risques de la COVID. »

Et puis, ce serait aussi un moyen de rendre hommage, d’une certaine façon, au personnel de la santé qui se dévoue depuis près d’un an, ajoute Mme Julien.

Si le gouvernement et la Santé publique invoquent le risque de contamination pour garder les portes closes, M. Cardinal signale que cette situation est la même partout dans le monde, mais que d’autres pays donnent un accès beaucoup plus libre aux médias. Mme Julien souligne même que des correspondants de Radio-Canada ont pu réaliser de tels reportages à l’étranger, alors qu’ici l’accès a souvent été refusé.

D’ailleurs, les deux chefs de médias ont été formels : les journalistes vont, comme ils le font depuis le début, respecter les consignes sanitaires, et montrer au personnel soignant comme aux patients le respect qui leur est dû.

Pourquoi cette lettre maintenant ? Parce que de plus en plus de gens demandent aux médias pourquoi ils ne montrent pas davantage les ravages de la COVID-19 sur le terrain, répond M. Cardinal. Et aussi, parce qu’il y a « de moins en moins d’accès », ajoute Mme Julien.

Ce n’est pas une attaque contre le gouvernement, précise-t-elle. « C’est un plaidoyer pour mieux informer le public. »