Comme au printemps, des quartiers du nord et de l’est de Montréal affichent de nouveau les pires taux d’infection au coronavirus de la province. En a-t-on fait assez pour protéger ces secteurs ? Sur le terrain, les autorités de santé disent avoir affûté leurs méthodes. Mais les citoyens hésitent de plus en plus à aller se faire tester.

« Si on avait un message à faire passer, ce serait : au moindre symptôme, venez vous faire tester », implore Cathy Dresdell, coordonnatrice des services de proximité au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal.

Mais pour la députée de Montréal-Nord, Paule Robitaille, « on n’a pas fait attention à ces quartiers » à risque. Mardi, François Legault a révélé que les quartiers de Saint-Léonard–Saint-Michel, d’Ahuntsic–Montréal-Nord, du Nord-de-l’Île–Saint-Laurent et de Rivière-des-Prairies–Anjou–Montréal-Est comptent plus de 450 cas actifs pour 100 000 habitants. C’est le plus fort ratio de la province.

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Shanna Alexis

« Il y a beaucoup d’employés du réseau de la santé qui habitent ici. Ça explique probablement en partie cette montée des cas », dit Shanna Alexis, qui travaille dans un CLSC de Rivière-des-Prairies. Elle souhaite toutefois que les mesures changent la donne. « J’espère que le couvre-feu va fonctionner et va faire redescendre ces infections. Ce n’est pas une façon de vivre », soupire la travailleuse.

Habitant Montréal-Nord depuis plusieurs années, Robert Regimbald n’est pas étonné de la situation. « On a beaucoup de centres pour personnes âgées. Je pense que le virus circule beaucoup de là, jusque dans les familles. Encore trop de gens se rassemblent en groupes aussi », déplore-t-il.

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Robert Regimbald

Beaucoup de gens ne comprennent pas vraiment l’ampleur de la situation. Ça se répand très rapidement, surtout qu’il y a maintenant d’autres variants plus contagieux. Il faut tester toujours plus.

Robert Regimbald, résidant de Montréal-Nord

Rencontrée devant un arrêt de bus, Wendy Akinladi abonde dans le même sens. « Ce qui se passe est inquiétant. Ça monte encore, comme au printemps. Il faut faire plus de sensibilisation », lâche la mère de famille, dont les enfants fréquentent l’école Calixa-Lavallée, où des tests rapides seront offerts aux élèves à partir du 25 janvier prochain. Dans certaines écoles de l’est de la métropole, les cas de COVID-19 ont « fait des ravages », dit un autre résidant, Bill Zahid. « Certaines ont beaucoup de cas. Moi, j’ai passé un test à trois reprises avec toute ma famille », ajoute-t-il, en invitant ses concitoyens à faire de même.

Des leçons à tirer ?

Cathy Dresdell le reconnaît : plusieurs de ces quartiers présentaient des taux élevés de contamination le printemps dernier. Depuis le début de l’automne, son CIUSSS a établi de « grandes structures fixes » pour procéder à du « dépistage massif ». Des centres de dépistage mis sur pied à la Galerie Normandie et à la Place Bourassa sont ouverts sept jours sur sept, de 8 h à 20 h. « Ces centres sont utilisés actuellement à 50 %. On n’a pas d’enjeu d’accès ou de volumes », assure Mme Dresdell.

Paule Robitaille, elle, se questionne : alors qu’à l’été, des cliniques mobiles de dépistage et un centre de dépistage sans rendez-vous avaient été déployés, ce n’est plus le cas actuellement. « Il y a juste un centre de dépistage à Montréal-Nord. […] C’est moins facile de se faire tester qu’au mois d’août. Il ne faut pas baisser la garde », souligne-t-elle.

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Paule Robitaille, députée de Bourassa-Sauvé

Je me suis battue toute la première vague pour le dépistage. Il faut vraiment qu’on prenne soin de ces milieux.

Paule Robitaille, députée de Bourassa-Sauvé

De son côté, Mme Dresdell affirme que les cliniques mobiles de dépistage étaient utiles lors de la première vague, alors qu’« il y avait des coins précis qui étaient plus chauds ». Mais actuellement, les cas se trouvent presque « partout ». « C’est pour ça qu’on ne fait pas de dépistage mobile », dit-elle.

Pendant la première vague, dans les quartiers plus chauds, des familles nombreuses s’entassaient parfois dans des logements exigus. Quand un membre de la famille contractait la COVID-19, il était alors difficile de l’isoler. Au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, un partenariat a été conclu avant Noël avec la Croix-Rouge. Pour ces familles, des chambres d’hôtel sont maintenant accessibles et de l’aide alimentaire est offerte.

Les campagnes de sensibilisation et d’appel au dépistage se sont aussi multipliées dans les radios de différentes communautés culturelles, ainsi que dans les transports en commun. Avec les cas qui se multiplient, Mme Dresdell veut accentuer ces campagnes. Les brigades mobiles qui se rendent dans les tours résidentielles pour parler à la population intensifieront d’ailleurs leur travail.

Un bilan en demi-teinte

Si le Québec continue à observer une baisse du nombre de nouveaux cas de COVID-19, le bilan humain continue à s’alourdir. La province a rapporté mercredi 1502 nouveaux cas de COVID-19. La moyenne quotidienne calculée sur une semaine vient ainsi de passer sous la barre des 1800.

Le nombre d’hospitalisations a diminué de 33 pour s’établir à 1467. Les 66 décès rapportés mercredi poussent toutefois à la hausse la moyenne des décès sur sept jours. Calculée sur une semaine, celle-ci s’établit désormais à 56 par jour. Jusqu’ici, 174 260 Québécois ont reçu une première dose du vaccin, soit près de 2 % de la population.

Pendant ce temps, le nombre de constats d’infraction remis lors de rassemblements illégaux dans des résidences privées a connu une forte augmentation au Québec, principalement à Montréal, pendant la première semaine du couvre-feu.

Du 11 au 17 janvier, 321 rapports ou constats d’infraction ont été remis par les autorités policières lors de rassemblements privés. Ce nombre atteignait 172 pour la semaine du 4 au 10 janvier. À Montréal, 123 constats ont été donnés pour des rassemblements illégaux dans des résidences du 11 au 17 janvier. Pour la semaine du 4 au 10 janvier, on en compilait 33.

— Avec Pierre-André Normandin et Fanny Lévesque, La Presse

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