(Montréal) Lorsque le gouvernement du Québec a annoncé qu’il imposait un couvre-feu de 20 heures à 5 heures, Ita Skoblinski a publié un message ironique sur le groupe Facebook de sa communauté locale, proposant de permettre aux gens d’emprunter son chien pour des promenades nocturnes.

La Montréalaise voyait son message comme une excuse pour publier une belle photo de son husky, Waylon, et une occasion de rire un peu du couvre-feu, qui inclut une exception pour les propriétaires de chiens, qui peuvent se rendre dans un rayon d’un kilomètre de leur maison. Mais à sa grande surprise, elle a reçu des réponses sérieuses.

« Les gens m’ont envoyé de longs messages sur eux-mêmes, disant qu’ils aimeraient sortir le chien », a-t-elle relaté lors d’un entretien téléphonique.

Bien qu’elle ait trouvé les messages « très gentils », Mme Skoblinski a rapidement précisé qu’elle plaisantait.

« Même si on voulait, ça n’aurait aucun sens. […] Comment iraient-ils à la maison après l’avoir déposé ? », a-t-elle souligné.

Certaines organisations de sauvetage d’animaux indiquent que la COVID-19 a entraîné une augmentation de la demande d’animaux de compagnie, car les gens travaillent de la maison et ont découvert qu’ils avaient plus de temps et d’énergie pour un nouveau compagnon.

Animatch, un service d’adoption de chiens de Montréal, a écrit sur son site web qu’il a reçu 7500 demandes l’an dernier contre 3500 en 2019, ce qui a mené à sa toute première pénurie de chiens.

Une nouvelle convoitise

Mais le couvre-feu qui est entré en vigueur samedi soir et son exception pour les promeneurs de chiens a ajouté un nouveau rebondissement. Plusieurs publicités pour la location de chiens — vraisemblablement des blagues ou des canulars — ont vu le jour sur des sites tels que Kijiji et ont été largement partagées sur les réseaux sociaux, tout comme des publications comme celles de Mme Skoblinski.

Et à Sherbrooke, une femme qui promenait son mari en laisse a reçu une amende pour avoir enfreint les règles du couvre-feu — même si le couple a plaidé qu’il avait le droit en vertu de l’exemption pour les chiens, selon le quotidien La Tribune.

Élise Desaulniers, directrice générale de la SPCA, dit que l’idée selon laquelle des personnes adopteraient des chiens juste pour aller marcher a donné lieu à « beaucoup de mèmes amusants sur le web », mais elle n’en a pas entendu parler dans la vraie vie.

Mais s’il est difficile de mesurer s’il y a une augmentation de la demande d’animaux de compagnie l’année dernière en raison de changements dans la façon dont le processus se déroule, Mme Desaulniers avance que « beaucoup de gens » semblent avoir cherché à adopter en raison de la diminution des voyages et du temps passé à la maison.

Un réel « privilège » ?

Mme Skoblinski comprend parfaitement pourquoi les gens voudraient passer du temps avec des animaux pendant la pandémie. Elle dit que Waylon, qui a son propre compte TikTok et qui a été présenté sur l’Instagram du chanteur Waylon Jennings, a été un excellent ajout à la famille.

Cependant, elle ne croit pas que de le promener après 20 h est un si grand privilège. Elle trouve « sinistre » de se balader dans les rues désertes, alors elle choisit de sortir son chien plus tôt.

Mardi après-midi, dans un parc à chiens du quartier Pointe-Saint-Charles à Montréal, plusieurs propriétaires de chiens étaient soulagés de l’exception accordée par le gouvernement.

Marcher avec son chien, le soir, avec personne autour, est « spécial », a témoigné Simon Vadeboncœur, qui regardait son chien Norton se battre avec un autre chien dans la neige.

Mais il a ajouté qu’il ne sortait pas plus souvent juste pour profiter de l’exemption.

Pavlina Aubin, qui était avec son chien Blaki, a confié qu’elle ne se sentait pas en sécurité avec personne autour.

« C’est un peu stressant, a-t-elle raconté. Il n’y a pas beaucoup de gens dehors et même si j’aime mon quartier, il y a des coins moins rassurants. »

Un engagement à long terme

Mme Aubin dit qu’elle n’a pas adopté son chien juste en raison de la COVID-19, mais elle reconnaît qu’il lui a amené beaucoup de bonheur dans une année difficile — un sentiment que ressentent plusieurs propriétaires.

Mais elle s’inquiète que les gens qui voudraient adopter un chien pendant la pandémie ne mesurent pas l’ampleur de la tâche qui les attend.

Mme Desaulniers, la directrice de la SPCA, affirme que certaines personnes qui ont acheté des chiots en ligne n’ont peut-être pas fait des recherches complètes et elle craint que les animaux ne se retrouvent plus tard dans des refuges.

Elle suggère aux personnes à la recherche d’un nouvel animal de demeurer patientes, de passer par des organisations de sauvetage réputées et d’être ouvertes à l’adoption d’animaux plus âgés.

« Adopter pendant la COVID n’est pas une mauvaise chose, mais vous devez réaliser que l’animal sera avec vous pendant longtemps », a-t-elle prévenu.