Plusieurs corps de police, dont le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et la Sûreté du Québec, auront à partir de samedi soir des effectifs supplémentaires consacrés principalement à faire respecter le couvre-feu annoncé par le gouvernement.

La Presse a également appris que Québec enverra vers 18 h samedi soir, sur les téléphones cellulaires de tous les Québécois, une alerte annonçant l’entrée en vigueur imminente du couvre-feu. La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a confirmé l’information en fin d’après-midi vendredi sur son fil Twitter. Les corps de police seraient également invités samedi soir à faire circuler leurs voitures de patrouille, gyrophares allumés, dans les rues des villes pour marquer le début de cette mesure exceptionnelle.

Rappelons que le gouvernement a annoncé l’entrée en vigueur, à compter de samedi soir, d’un couvre-feu, de 20 h à 5 h, pour tenter d’endiguer la propagation de la COVID-19 et de limiter les rassemblements illégaux. Selon nos informations, le gouvernement serait insatisfait du nombre de rassemblements illégaux qui se sont tenus au Québec durant les Fêtes, et du faible nombre de contraventions distribuées par les corps de police durant cette période pour dissuader les contrevenants.

Une rencontre virtuelle a eu lieu vendredi matin entre des représentants du ministère de la Sécurité publique, de corps de police du Québec, du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et d’autres organisations pour préparer l’entrée en vigueur du couvre-feu.

Les corps de police attendent toujours le texte du nouveau décret et les clarifications qui doivent être faites par le DPCP, mais ils ont déjà adopté certaines mesures.

Ainsi, selon nos informations, le SPVM ajoutera, à compter de samedi soir, plus de 100 policiers qui veilleront uniquement au respect du couvre-feu à Montréal.

À la Sûreté du Québec également, des effectifs seront ajoutés, a confirmé à La Presse le lieutenant Hugo Fournier.

« Nous allons continuer dans la même lignée que depuis mars dernier. C’est une nouvelle mesure, nous voulons que les gens respectent le couvre-feu, et c’est notre mandat de le faire respecter », affirme le lieutenant Fournier.

« Nous avons mis en place un plan d’action. Nous prévoyons un plus grand nombre d’effectifs pour samedi soir et pour au moins la durée de la première phase du couvre-feu. C’est une première au Québec en 50 ans. Nous n’aurons pas de barrage ni de point de contrôle, mais nous aurons des effectifs en patrouille affectés uniquement au respect du nouveau décret », a renchéri de son côté l’inspecteur Martin Charron, de la Régie de police Thérèse-De Blainville, qui dessert 78 000 résidants de municipalités de la couronne nord de Montréal.

Un décret simple

Le porte-parole de l’Association des directeurs de police du Québec, André Durocher, a participé à la rencontre virtuelle de vendredi matin à laquelle ont pris part une centaine de personnes, selon lui.

Les discussions ont notamment porté sur les grandes lignes du nouveau décret, qui facilitera le travail des policiers, croit-il.

« C’est assez simple. De facto, si tu n’es pas chez vous, tu es en infraction et le fardeau est renversé. C’est à toi de justifier pourquoi tu n’es pas à la maison. Même pour quatre personnes qui se trouveraient dans une même voiture, si tu es dans une voiture, tu n’es pas chez vous et tu es en infraction », explique-t-il.

« Le but, c’est que personne ne sorte de chez soi pour se rendre dans un party. On ne peut pas tout prévoir, mais la loi donne une marge de manœuvre : les policiers feront preuve de jugement et auront la latitude nécessaire pour l’exercer si des situations n’ayant pas été prévues devaient se présenter », croit le porte-parole de l’ADPQ.

Le gouvernement a annoncé que les amendes reliées au décret s’établiraient entre 1000 $ et 6000 $. Les amendes de 1000 $ (plus 546 $ de frais) seront celles des constats d’infraction remis sur le champ — avec l’aide d’appareils portatifs — par les policiers qui n’auront alors pas de discrétion sur le montant.

Les amendes de plus de 1000 $ ne pourront être imposées qu’à la suite de la rédaction, par un policier, d’un rapport d’infraction général (RIG), pour un cas de récidive, par exemple. Dans le cas d’un RIG, c’est un procureur qui autorise la plainte et un juge qui confirme l’infraction et décide du montant de l’amende dont le maximum a été fixé à 6000 $.

Le cas Montréal

Jeudi, par voie de communiqué, le Service de police de la Ville de Montréal a précisé « qu’une approche préventive et adaptée sera privilégiée pour les personnes en situation de vulnérabilité, au regard des limites associées à la judiciarisation dans certaines circonstances ».

Il reste que l’application du décret soulève beaucoup de questions chez les patrouilleurs montréalais, dont la réalité est bien différente de celle des villes et municipalités du reste du Québec.

« La ministre Geneviève Guilbault dit qu’elle fait confiance au jugement et au discernement des policiers, mais c’est leur laisser beaucoup de discrétion et ce n’est pas évident », a confié à La Presse un policier montréalais qui a requis l’anonymat, car il n’est pas autorisé à parler aux médias.

« Il y a un monde entre ce que le gouvernement veut que l’on fasse et comment ça se passe sur le terrain. Si, après 20 h, nous avons affaire à un travailleur des services essentiels, ce sera facile, mais un travailleur qui nous présente une lettre de son employeur, qui nous dira qu’elle n’a pas été fabriquée ? Et l’itinérant qui a un demi-appartement, mais dont la vie est à l’extérieur ? », se demande-t-il.

« Le décret n’est pas encore finalisé. Notre contentieux ne l’a pas encore lu et n’a pas encore émis ses recommandations. On risque de partir samedi soir sans trop savoir comment agir. Mais en revanche, cela fait presque un an qu’on est là-dedans. Il y a une certaine fatigue, les policiers ne veulent pas donner de contraventions à tout prix. On sait en même temps qu’il n’y a rien de parfait et on ne jette pas la pierre au gouvernement », a conclu ce policier.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.