Les couvre-feux sont efficaces contre les citoyens qui ne respectent pas les consignes sanitaires non obligatoires, selon une étude française publiée en novembre. Ses auteurs avancent qu’un couvre-feu peut dans certaines circonstances permettre la réouverture des commerces, pour limiter les dommages sociaux et économiques.

Voir ses enfants

En octobre, un couvre-feu a été imposé dans certaines régions de France, deux semaines avant le second confinement décidé juste avant la fin octobre. Le couvre-feu a protégé les personnes âgées, conclut l’étude publiée à la mi-novembre sur le site de prépublication scientifique medRxiv.

« Par rapport au confinement, le couvre-feu a eu beaucoup plus d’impact sur les plus de 60 ans, et a eu aussi un impact plus important pour les 20-60 ans », explique Patrick Pintus, économiste du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui est l’auteur principal de l’étude comparant différentes régions françaises.

« Il n’y a pas eu d’impact sur les moins de 20 ans, ce qui est normal parce que l’école se fait de jour et qu’ils ne sortent pas le soir. Pendant les Fêtes, il y a eu une recrudescence des cas chez les plus de 60 ans. Cela est compatible avec l’idée qu’en France, les personnes âgées ne s’auto-isolent pas et qu’un couvre-feu les protège en les empêchant de voir leurs enfants ou d’autres personnes. Durant les Fêtes, comme les gens étaient en congé, l’effet protecteur du couvre-feu était moins grand. » Le couvre-feu a été suspendu une seule journée, le 25 décembre.

Réouverture des commerces

Le maintien du couvre-feu pourrait même permettre de rouvrir les commerces, voire les restaurants et les bars. « Il faudra voir comment la situation évolue, mais si l’hypothèse du non-respect de l’auto-isolement des personnes âgées se maintient, il pourrait y avoir une amélioration de la situation en janvier, dit M. Pintus. Alors on peut envisager le maintien des activités permises depuis la mi-décembre, et même une réouverture des restaurants. »

Le vaccin ne va-t-il pas tout régler ? « Comme il n’est pas encore clair dans quelle mesure il empêche la transmission du virus, il vaut mieux s’en tenir aux approches de distanciation comme le couvre-feu et le confinement pour le moment. »

Cohue avant la fermeture

Certains chercheurs québécois ont critiqué le couvre-feu. C’est le cas de Karl Weiss, chef du service des maladies infectieuses de l’Hôpital général juif de Montréal, qui a avancé dans des entrevues qu’il pourrait provoquer des cohues propices à la transmission du virus juste avant la fermeture des supermarchés. La Presse a demandé son avis au DWeiss sur l’étude française. « Cette étude ne démontre pas grand-chose », a déclaré le DWeiss par courriel.

De son côté, M. Pintus pense que le couvre-feu n’a donné lieu à des cohues juste avant la fermeture des magasins qu’en mars et avril. « Après, les gens se sont habitués. »

Couvre-feu de trois jours

La seule autre étude sur l’efficacité des couvre-feux contre la COVID-19 a été publiée en août dans la revue Frontiers of Public Health par un épidémiologiste de l’Université Yarmouk en Jordanie, Moawiah Khatatbeh.

« Avant même d’atteindre 100 cas de COVID-19, notre pays a imposé un couvre-feu national permanent, 24 heures sur 24, pendant trois jours, dit le DKhatatbeh. L’armée distribuait le pain et les médicaments. Résultat, la Jordanie a eu 1008 cas durant la première vague, contre 28 500 pour Oman, le seul autre pays à avoir imposé un couvre-feu, moins sévère. » La Jordanie a été 50 fois moins touchée que les autres pays de la région, en proportion de sa population.

Que se passe-t-il durant la deuxième vague ? « Je pense que tout était maîtrisé jusqu’à ce que la Jordanie ouvre ses frontières, en septembre. Nous avons 300 000 cas actuellement. Je continue à penser qu’un couvre-feu total court et la fermeture des frontières sont la recette idéale. »

Discrimination

Jusqu’à maintenant, les seules études de santé publique sur les couvre-feux portaient sur ceux qui sont imposés aux adolescents dans certaines villes américaines. Le but dans ce cas était de limiter la délinquance et les accidents de voiture.

Une sous-catégorie de ce genre d’études portait sur l’aspect discriminatoire de certains de ces couvre-feux, imposés plus souvent, selon certains auteurs, dans des quartiers ou villes ayant beaucoup de minorités ethniques, notamment afro-américaines. Au printemps, des articles de médias avaient rapporté que dans la région de Montréal, certains policiers avaient davantage tendance à remettre des constats d’infraction pour attroupement illégal à des jeunes de minorités ethniques qu’à des Canadiens français.