Reconnaissant que la question suscite « beaucoup de débats chez les experts », Québec persiste et signe : les tests rapides devront être utilisés en priorité par des personnes présentant des symptômes de la COVID-19. Des « exceptions » sont toutefois acceptables, par exemple si l’on rend visite à une personne extrêmement malade.

« C’est premièrement une question de performance des tests rapides. Ils sont beaucoup plus performants chez les symptomatiques que chez les asymptomatiques. On a pu le tester dans plusieurs circonstances, notamment dans les entreprises où il y avait la consigne de tester les asymptomatiques. On a alors vu plusieurs faux négatifs ou positifs », a expliqué la Dre Marie-France Raynault, conseillère médicale stratégique au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), lors d’un breffage technique jeudi.

Elle reconnaît toutefois que cette « opinion » suscite « beaucoup de débats chez les experts ». « Les tests rapides fonctionnent quand on est contagieux. La contagiosité n’a rien à voir avec les symptômes. La rareté des ressources ne doit pas encourager un argumentaire erroné », avait écrit cette semaine la professeure à l’École de santé publique de Montréal (ESPUM), Roxane Borgès Da Silva, sur Twitter.

Depuis, plusieurs autres spécialistes, dont l’ex-présidente du Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI), la Dre Caroline Quach, et le directeur du département de génie médical de McGill, David Juncker, ont soutenu que les tests rapides fonctionnaient chez les personnes asymptomatiques, pourvu que la charge virale soit importante.

Plusieurs ont appelé Québec à faire preuve de transparence en disant clairement que ce qui motive cette consigne, c’est la pénurie de tests rapides.

Ne pas prendre de « risques inutiles »

La Dre Marie-France Raynault, elle, fait valoir que plusieurs sources d’expertise, dont le réseau mondial et indépendant de chercheurs Cochrane, « continuent de dire que la sensibilité des tests rapides chez les asymptomatiques est très faible ».

Selon une étude du groupe Cochrane, les tests rapides ont correctement identifié l’infection à la COVID-19 chez en moyenne 72 % des personnes présentant des symptômes, contre 58 % des personnes asymptomatiques.

« Il y a aussi une fausse assurance avec un test rapide, qui n’est pas aussi sensible qu’un test PCR. Les gens peuvent penser qu’ils ne sont pas à risque de transmettre et prendre des risques inutiles », dit la cadre gouvernementale.

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La Dre Marie-France Raynault, conseillère médicale stratégique au ministère de la Santé et des Services sociaux

Celle-ci avoue qu’elle « ferait quand même une exception » pour une personne sans symptômes qui devrait par exemple rendre visite à son père « qui est très malade ». « Peut-être alors que pour rencontrer quelqu’un de très vulnérable, on pourrait faire une exception. Ça serait une précaution supplémentaire, mais ça ne vous dispenserait pas de porter un masque et de rester à deux mètres », ajoute Mme Raynault.

Des divergences entre les consignes des différentes autorités semblent par ailleurs émerger. Plus tôt, jeudi, la directrice régionale de santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, affirmait que « si un test rapide est positif, vous n’avez pas besoin d’aller dans un centre de dépistage ».

La conseillère du MSSS, elle, suggère plutôt de « passer un de test de dépistage » dans une clinique dédiée « si possible ». « Si vous faites un test rapide et que vous êtes positif, l’urgence n’est pas d’aller confirmer votre test, c’est de vous isoler. Cela dit, ensuite, ça serait souhaitable que vous alliez le confirmer, mais il n’y a pas d’urgence à le faire. Prenez un rendez-vous. Il n’y a pas lieu de faire la queue dans un centre de dépistage », soutient-elle.

La Dre Raynault précise qu’il est souhaitable de se faire dépister dans une clinique « pour des questions de vigie », les tests rapides ne pouvant être criblés ou séquencés, contrairement aux tests PCR.

Quant aux différences dans les consignes, la Dre Raynault les attribue au contexte de transmission communautaire, qui diffère d’une région à l’autre. « Dans un contexte de haute transmission communautaire comme à Montréal, la probabilité qu’un test rapide positif soit vraiment positif est très élevée. La probabilité d’avoir un faux positif est donc plus faible », a conclu la Dre Raynault, ajoutant toutefois que cette possibilité « n’est pas nulle ».

Vers une plateforme d’« autodéclaration » ?

Le gouvernement provincial envisage par ailleurs la création d’une plateforme numérique qui permettrait aux Québécois d’« autodéclarer » leur statut de la COVID-19, après avoir passé un test rapide à la maison. Rien ne serait toutefois encore confirmé, les autorités évaluant notamment « les biais de déclaration » que pourrait entraîner un tel exercice. Comme le précisait mercredi le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, Québec envisage aussi d’acheter ses propres tests rapides, si les arrivages du fédéral ne sont pas suffisants. « Il y a probablement des achats qui ont déjà été faits », a avancé la Dre Raynault.