Des médecins au front rencontrés par La Presse rappellent que la situation pourrait changer

Des symptômes moins forts que lors des précédentes vagues et des patients vaccinés et qui ont à la base une bonne santé. Tel est le portrait que font des médecins au front qui travaillent à l’hôpital du Sacré-Cœur et à l’Hôpital général juif, des établissements aux premières loges de la pandémie depuis le tout début.

Comparativement aux variants précédents, raconte le DMichel de Marchie, les patients qui arrivent à l’Hôpital général juif ces temps-ci « semblent en moins mauvais état », bien qu’avec des symptômes semblables à ceux des précédentes vagues. La fièvre, les courbatures et la perte de goût et d’odorat continuent d’être répandues.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le DMichel de Marchie, de l’Hôpital général juif de Montréal

Depuis lundi, le Dr de Marchie évalue les patients pour voir ceux qui ont besoin d’être transférés aux soins intensifs. Pour l’instant, c’est tranquille en ce qui concerne la COVID-19 à l’Hôpital général juif : trois ou quatre patients aux soins intensifs, neuf cas aux étages.

La COVID-19 atteint ces temps-ci des gens « qui ont moins de comorbidités [le diabète, par exemple] », qui ont eu deux doses et pour qui la vaccination a eu « un effet protecteur ».

Mais « si ça frappe une population plus âgée, on aura le même résultat » que lors des précédentes vagues, craint-il, se désolant qu’un faible pourcentage de la population ait reçu sa troisième dose.

Il trouve par ailleurs « désolants » les commentaires de politiciens atteints qui se targuent de n’avoir que des symptômes légers sitôt un résultat positif obtenu. « La population entend cela et risque de se dire : “Ce n’est pas si pire” », fait-il remarquer, ajoutant que les symptômes n’arrivent pas sitôt le résultat reçu.

Le calme avant la tempête ?

Le DMartin Albert, intensiviste à l’hôpital du Sacré-Cœur, est aussi sur le qui-vive, redoutant une déferlante malgré un tableau assez tranquille pour l’instant sur le terrain. Il craint que ce soit le calme avant la tempête. « Ça monte tranquillement. Depuis lundi, on admet deux ou trois patients aux étages par jour, et aux soins intensifs, on en a présentement six ou sept. »

PHOTO FOURNIE PAR MARTIN ALBERT

Le DMartin Albert, intensiviste à l’hôpital du Sacré-Cœur

Ce qui me fait peur, c’est le décalage [entre les bilans et les hospitalisations]. On ne saura que dans deux semaines ce qu’il en sera réellement.

Le DMartin Albert, intensiviste à l’hôpital du Sacré-Cœur

Pour l’instant, c’est l’inconnu. Et non, il ne va pas frénétiquement voir comment ça se passe en Afrique du Sud, où l’on dit que les hospitalisations n’ont pas explosé autant que les cas. Nos populations sont trop différentes pour en juger, estime-t-il. De fait, les Sud-Africains, bien que nettement moins vaccinés (un tiers d’entre eux seulement le sont), sont beaucoup plus jeunes. L’âge médian y est de 27,6 ans, comparativement à 42,7 ans pour le Québec. On peut avoir une petite idée de ce qui nous attend en regardant du côté de l’Europe, où les comparaisons sont peut-être plus réalistes, mais « il reste que c’est dur d’extrapoler sur ce qui nous attend. Il faut être très prudents avec les prédictions », note le DAlbert.

Et peu importe les messages gouvernementaux sur les lits réservés à la COVID-19, le DAlbert rappelle que « ce sont des vases communicants ». Tout patient hospitalisé en raison de la COVID-19 « occupe le lit de quelqu’un d’autre ».

Heureusement, cette fois, on ne manque pas de masques ni de visières. Le personnel soignant a ce qu’il faut, observe le DAlbert. « Ce qui manquera, pour cette vague comme pour la précédente, ce n’est pas le matériel, c’est le personnel. »

Pour évoquer la chose, il relève qu’au pire de la pandémie, Sacré-Cœur avait 54 lits aux soins intensifs. « Là, on a de la misère à en garder 30 ouverts. »

Après les CHSLD qui l’ont fait la semaine dernière, des hôpitaux commencent à restreindre les visites.