Les plus récentes projections de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) prévoient une « augmentation marquée » des hospitalisations au cours des prochaines semaines. Si bien que la capacité hospitalière prévue pour les patients atteints de la COVID-19 pourrait être atteinte dès le 8 janvier.

Ces projections ne sont « pas joyeuses », selon le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le DGilbert Boucher. « Ça traduit ce qu’on voit sur le terrain. Depuis quelques semaines, on voit beaucoup de gens infectés, qui ne viennent pas trop aux urgences. Mais si les cas explosent, ça va finir par se rendre aux gens vulnérables et à avoir un impact sur les hôpitaux », dit-il.

Dans ses projections hebdomadaires présentées jeudi après-midi, l’INESSS a tenu compte de la « présence croissante du variant Omicron » au Québec et des données « issues d’une publication scientifique intégrant des données de vie réelle d’Afrique du Sud ».

« Selon ce scénario appliqué à notre contexte, la forte croissance du nombre de cas devrait se traduire par une augmentation marquée du nombre d’hospitalisations quotidiennes au cours des prochaines semaines et, conséquemment, du taux d’occupation des lits réguliers et de soins intensifs », indique l’INESSS.

Sur Twitter, le ministre de la Santé Christian Dubé, a indiqué jeudi que selon le scénario de l’INESSS, « la capacité hospitalière pourrait être atteinte à compter du 8 janvier ». C’est donc dire que les 700 lits d’hôpital disponibles pour les patients atteints de la COVID-19 pourraient être entièrement occupés. Pour la semaine du 4 au 10 décembre, l’INESSS note une hausse de 42 % des nouveaux cas de COVID-19 au Québec. Jeudi, 3700 nouveaux cas de COVID-19 ont été enregistrés au Québec.

GRAPHIQUE FOURNI PAR L’INESSS

Dans son analyse, l’INESSS souligne que les projections sont basées essentiellement sur une seule étude sur le variant Omicron. « Cette étude a été menée en Afrique du Sud sur une population avec un taux de vaccination ainsi que des caractéristiques différentes », indique l’INESSS, qui appelle à la prudence dans l’interprétation des résultats.

En soirée jeudi, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a à son tour publié ses projections pour le variant Omicron. Différents scénarios ont été analysés en fonction d’un variant plus ou moins transmissible et échappant à différents degrés à la vaccination.

Mais essentiellement, les projections de l’INSPQ rejoignent celles de l’INESSS et prévoient une « hausse exponentielle de la transmission communautaire ». « La propagation d’Omicron au Québec, comme dans plusieurs autres pays et provinces, pourrait causer une pression importante sur le système de santé », indique l’INSPQ, qui précise que « la combinaison d’une réduction des contacts sociaux, de la vaccination (incluant une dose de rappel) et du dépistage (incluant l’autodépistage et l’isolement) pourrait atténuer l’impact d’Omicron au Québec ».

Comme l’INESSS, l’INSPQ signale que « les données concernant le variant Omicron sont très incertaines et limitées pour le moment ». Si la sévérité d’Omicron, peu documentée à ce jour, « pourrait grandement influencer les projections des hospitalisations », l’INSPQ reconnaît que « même en présumant une sévérité d’Omicron trois fois moindre que celle de Delta, les hospitalisations pourraient atteindre ou dépasser les pics d’hospitalisations de janvier 2021 (sans mesures de santé publique additionnelles). »

Impact sur les travailleurs de la santé

Présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec, la Dre Judy Morris souligne que les projections sur Omicron sont « peu réjouissantes », notamment parce que « le réseau de la santé est déjà saturé ». Selon elle, alors que de nombreux travailleurs de la santé seront contaminés avec les cas qui exploseront, il serait plausible que la capacité des hôpitaux soit dépassée « même avant le 8 janvier ».

Sur le terrain, on est déjà plein… On a déjà des urgences qui débordent. Des chirurgies annulées…

La Dre Judy Morris, présidente de l’Association des médecins d’urgence du Québec

Le DBoucher tente d’être optimiste : contrairement à l’an passé, la population est « mieux protégée » grâce à la vaccination. « Et peut-être qu’avec les mesures annoncées, moins de gens s’infecteront […] C’est l’augmentation des cas à un très haut nombre qui fait que la loi de la moyenne va nous rattraper », dit-il.

Le DBoucher constate lui aussi que déjà, « les hôpitaux ne fonctionnent pas à 100 % » par manque de personnel. Le danger, si les cas augmentent trop, sera de devoir procéder à du délestage d’activités, explique-t-il.

Coprésidente de la Communauté de pratique des médecins en CHSLD, la Dre Sophie Zhang précise pour sa part que quand les cas de COVID-19 augmentent en communauté, une hausse de cas en CHSLD s’ensuit « une ou deux semaines plus tard ». Mais l’inquiétude reste moins grande que dans les premières vagues en CHSLD. Notamment « parce que presque tout le monde y a reçu trois doses », explique-t-elle.

Malgré tout, des mesures sont implantées actuellement pour limiter les cas en CHSLD dans le CIUSSS où travaille la Dre Zhang. On ira notamment vacciner les travailleurs de CHSLD sur place pour accélérer la distribution des troisièmes doses. Tous les nouveaux résidants qui seront admis devront aussi subir un test de dépistage, notamment. La Dre Zhang craint plutôt l’impact d’une explosion de cas en communauté sur les travailleurs de la santé. « Vraiment ce que l’on craint le plus, c’est l’absentéisme du personnel », dit-elle.

 Ce qu’on sait du variant Omicron

Dans une analyse publiée jeudi soir, l’INSPQ signale que « les données concernant le variant Omicron sont très incertaines et limitées pour le moment ».

Ce qu’on sait actuellement : le variant Omicron est beaucoup plus transmissible que le variant Delta. En Ontario, Omicron se transmet 4,5 fois plus vite que Delta (une personne infecte 4,55 personnes avec Omicron, comparativement à 1,0 personne pour Delta). Omicron double en importance en Ontario tous les trois jours.

L’efficacité vaccinale avec deux doses semble moindre contre Omicron en comparaison avec les variants précédents. Avec deux doses de vaccin Pfizer, la protection contre les hospitalisations passerait d’environ 95 % à 70 %, selon des données préliminaires du plus important assureur privé en Afrique du Sud. La protection contre l’infection passerait d’environ 80 % contre Delta à 35 % contre Omicron. Une troisième dose ramènerait la protection contre l’infection à environ 75 %, selon une étude de la Santé publique britannique.

« Omicron pourrait toutefois être moins sévère que Delta, en termes de risque d’hospitalisation et de décès par cas », indique l’INSPQ.

Des données très préliminaires au Danemark montrent toutefois qu’Omicron entraîne autant d’hospitalisations en pourcentage des cas (0,81 % des cas) que les autres souches de la COVID-19 (0,75 %). Il faudra probablement de deux à trois semaines à la communauté scientifique pour déterminer le niveau de virulence d’Omicron par rapport au variant Delta. On s’attend à ce que les premières études plus complètes proviennent du Royaume-Uni ou de l’Afrique du Sud.

Avec la collaboration de Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse