(Ottawa et Montréal) Les Canadiens qui voudraient passer les vacances de Noël à l’étranger sont priés de rester au pays. « Je sais que c’est nul », a convenu Justin Trudeau. Il considère que le message est assez fort, et que par ailleurs, une fermeture de la frontière aux étrangers s’avère « extrêmement difficile » à contrôler.

L’avis à ceux qui rêvent de soleil, de plage ou de retrouvailles familiales à l’étranger est tombé mercredi en après-midi. « Aux gens qui planifient voyager, je dis très clairement : ce n’est pas le moment de voyager », a déclaré le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, en conférence de presse.

La « propagation fulgurante » du variant Omicron fait craindre le pire au gouvernement. C’est pourquoi il recommande aux Canadiens d’éviter tout voyage non essentiel à l’extérieur du pays. L’avis demeurera en vigueur durant quatre semaines, après quoi la situation sera réévaluée.

Je sais que ces mesures peuvent paraître draconiennes pour plusieurs qui nous écoutent, mais nous devons à tout prix éviter de surcharger davantage notre système hospitalier et nos travailleurs de la santé.

Jean-Yves Duclos, ministre fédéral de la Santé

En fin de journée, Justin Trudeau a eu ces mots pour les Canadiens : « Je comprends que c’est nul. »

Mais même si « personne ne souhaitait cela pour les vacances des Fêtes », la réalité, c’est « que le variant est ici au Canada, et qu’il faut ralentir la transmission communautaire », a insisté le premier ministre en marge d’une annonce.

Une grande incertitude entoure ce nouveau variant qui se transmet beaucoup plus rapidement que son prédécesseur, le Delta. Une résurgence des cas de COVID-19 risquerait de faire augmenter le nombre d’hospitalisations et ainsi d’accabler un système de santé déjà à bout de ressources.

À vos risques et périls

Les personnes qui choisiront de traverser les frontières quand même le feront à leurs risques et périls.

« Les Canadiens qui voyagent pourraient contracter le virus ou se retrouver coincés à l’étranger dans des conditions difficiles », a mis en garde M. Duclos. Et cette fois, le gouvernement n’a pas l’intention de noliser des avions pour les rapatrier.

L’imposition d’une quarantaine à leur retour n’est pas exclue. D’autres mesures pourraient s’ajouter selon l’évolution de la situation. Entre-temps, Ottawa prévoit augmenter la capacité de dépistage à la frontière canado-américaine.

Invité à expliquer pourquoi le gouvernement canadien ne verrouille pas la frontière aux voyageurs étrangers, comme il l’a fait en mars 2020, Justin Trudeau a fait valoir qu’« amener des interdictions de voyage […] est extrêmement difficile », car « il y a toujours des cas exceptionnels ».

PHOTO BLAIR GABLE, REUTERS

Le premier ministre Justin Trudeau, mercredi

Et puisque le nerf de la guerre contre le variant Omicron est de freiner la transmission communautaire, on a jugé qu’il valait mieux « laisser des ressources pour appuyer les provinces [dans cette lutte], surtout quand les gens ont certainement l’intention de se rassembler pendant le temps des Fêtes », a-t-il argué.

Quoi qu’il en soit, la nouvelle du jour à Ottawa a été bien accueillie à Québec. « Toute façon de faire en sorte qu’on diminue au maximum la transmission communautaire est une bonne chose », a réagi la vice-première ministre, Geneviève Guilbault.

La variant Omicron a été détecté dans au moins 77 pays, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais en réalité, il s’est probablement propagé « dans la plupart des pays », et « se propage à un taux jamais vu », a affirmé mardi le directeur général de l’agence, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Partir ou ne pas partir ?

L’avis d’Ottawa fait revoir les plans des voyageurs, qui redoutent des restrictions plus strictes à leur retour. De nombreux Québécois songent à annuler leurs vacances sous le soleil ou leurs retrouvailles familiales à l’étranger.

« Le variant, oui, nous fait peur, mais on est vaccinés avec trois doses et on respecte bien les règles. Ce que l’on craint le plus, ce sont les restrictions au retour », confie Juliane Daoust.

L’étudiante en soins infirmiers, qui prête main-forte dans les hôpitaux montréalais depuis le début de la crise sanitaire, et une amie devaient s’envoler pour la Floride le 28 décembre, pour une petite semaine. L’annonce d’Ottawa a fait tomber leur plan à l’eau.

C’est vraiment plus une déception personnelle. On croit que c’est nécessaire pour la santé publique, toutefois, on vit beaucoup cette pandémie, c’est au cœur de notre travail, et on était vraiment heureuses d’avoir notre petit moment de repos.

Juliane Daoust, étudiante en soins infirmiers

La flambée des cas et l’avis d’Ottawa freinent également Dominique Ceelen et sa famille, qui avaient planifié des vacances dans un tout-inclus au Mexique, en janvier.

« On n'est vraiment plus [certains] de quitter par respect et pour bien faire les choses, mais aussi parce qu’on ne veut pas contracter la COVID-19 et devoir rester là-bas. On a un peu peur des mesures que le gouvernement pourrait mettre en place [d’ici là] », craint Dominique Ceelen.

Selon André Veillette, professeur de médecine et directeur de l’Unité de recherche en oncologie moléculaire à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, la recommandation du gouvernement fédéral était « quasiment inévitable ».

« Avec l’augmentation des cas un peu partout dans le monde, incluant ici, les [voyages à l’étranger] entraînent toutes sortes de complications et de risques », comme le rapatriement de Canadiens coincés à l’extérieur, argue le DVeillette.

Il n’écarte pas non plus la possibilité que les mesures frontalières se resserrent dans les prochains jours, par exemple avec l’obligation d’une troisième dose de vaccin pour activer son passeport vaccinal, qui permet présentement d’échapper à une quarantaine obligatoire de huit jours.

« Est-ce que ça va arriver dans le temps des Fêtes ? Ce n’est pas impossible. Le gouvernement met en garde les gens. On sait qu’avec Omicron, deux doses, ce n’est pas assez », précise-t-il.

Quelques heures avant l’annonce d’Ottawa, l’aéroport de Dorval était toujours animé. Au passage de La Presse, des Québécois s’enregistraient pour un vol en direction de Cayo Coco, à Cuba.

Cynthia Martin et sa petite famille avaient déjà prévu le coup. « On utilisera les deux semaines de vacances scolaires pour faire la quarantaine pour [mon garçon] qui n’est pas encore vacciné », explique-t-elle.

Avec Fanny Lévesque, La Presse, à Québec

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