(Québec) Les Québécois vaccinés pourront se réunir jusqu’à 20 autour de la dinde de Noël. Québec jette du lest pour les Fêtes et augmente la limite permise pour les rassemblements intérieurs à compter du 23 décembre. Un choix « raisonnable » aux yeux des experts, qui invitent malgré tout la population à la prudence.

Jusqu’à 20 invités vaccinés autour de la table

« On vous a assez fait languir », a lancé mardi le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, sachant que le scénario des Fêtes approuvé par la Santé publique était attendu. Le gouvernement Legault a précisé le détail de cet allègement – le seul prévu pour Noël – à la toute fin de son annonce sur la troisième dose.

Selon les informations qui circulaient encore lundi soir, il n’était pas question de présenter le plan pour Noël mardi. Or, le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, a transmis en fin de matinée ses recommandations au gouvernement, qui a choisi de les présenter sans délai.

« Il y a deux semaines, je n’aurais peut-être pas fait la même chose, mais aujourd’hui, je me sens rassuré », a fait valoir le DArruda. L’arrivée du variant Omicron et la tendance à la hausse du nombre de cas quotidiens ont ajouté au cours des derniers jours une couche d’incertitude sur la décision des autorités concernant les Fêtes.

La faible présence du variant Omicron pour l’instant et les projections encourageantes de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) sur les hospitalisations ont conforté le DArruda dans sa décision, a-t-il expliqué.

Avec la situation qu’on vit en ce moment, malgré les incertitudes, je pense qu’il est important de récompenser les Québécois pour l’excellent travail au niveau de la vaccination et le respect des règles.

 Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

Il faut souligner que ce scénario tranche avec celui de l’an passé, quand Québec avait dû reculer et annuler tout rassemblement pour les Fêtes. La province s’était mise sur pause pendant 17 jours ; les vacances scolaires avaient été prolongées et les commerces fermés dans l’espoir de freiner la deuxième vague de la pandémie.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

François Legault, premier ministre du Québec, 
au Salon bleu, mardi

« Je suis très content qu’enfin les familles vont pouvoir se rassembler à 20. C’est important pour la santé mentale des Québécois », s’est réjoui le premier ministre François Legault à son arrivée au Salon bleu, mardi. Il avait d’ailleurs évoqué le souhait la semaine dernière de permettre des rassemblements de 20 à 25 personnes.

Des rassemblements « pour vaccinés »

Québec permet donc à 20 personnes (ce qui inclut les enfants) de se rassembler à l’intérieur d’une résidence à compter du 23 décembre. La mesure ne comporte pas d’échéance parce que les autorités souhaitent la laisser en place après les Fêtes. Pour l’heure, la limite est fixée à 10 personnes (ou aux occupants de trois résidences).

« Il est très fortement recommandé que les personnes soient adéquatement vaccinées pour prendre part à ces rassemblements », écrit le ministère de la Santé et des Services sociaux dans un communiqué. Le DArruda a, pour sa part, indiqué qu’il ne recommandait pas aux non-vaccinés de participer à ces rassemblements.

« C’est mieux de ne pas faire de party de vaccinés avec des non-vaccinés », a-t-il affirmé. « Je vais être très franc et honnête. C’est pour protéger la personne non vaccinée et non pas l’exclure », a ajouté le DArruda.

Le ministre Dubé a affirmé « se fier » aux Québécois pour respecter la consigne, mais admet que certaines familles « auront à faire un arbitrage ». Il n’est pas question cependant de commencer à faire des vérifications policières dans les maisons pour vérifier si tous les invités sont vaccinés.

Québec rappelle qu’il demeure « nécessaire de protéger les personnes les plus à risque » comme les personnes âgées lors des rassemblements. La distanciation physique et le port du masque lors de contacts étroits sont toujours recommandés, comme de s’abstenir de participer à des réunions familiales si l’on présente des symptômes de la COVID-19.

Entre compréhension et inquiétudes

Pour la plupart des experts sondés par La Presse, le choix du gouvernement est « raisonnable », mais il implique un risque important : celui de relancer encore davantage la transmission, comme l’an dernier.

« C’est raisonnable, surtout parce que notre taux de vaccination est élevé et que ça va bien chez les 5-11 ans », estime l’épidémiologiste Nimâ Machouf.

Or, ça reste important que les gens raisonnent en fonction de la COVID-19. Il faut utiliser tout l’arsenal de moyens qu’on a : se faire vacciner, ventiler les pièces une fois par heure, pas de bisous !

Nimâ Machouf, épidémiologiste

« Je comprends la décision, d’autant plus qu’on a eu un Noël vraiment pas agréable l’année dernière et qu’on doit considérer la santé mentale. Mais je reste inquiète par rapport à l’impact que ça pourrait avoir après les Fêtes, avec la venue d’Omicron. On ne voudrait pas se faire recoller un couvre-feu », souffle de son côté la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) Roxane Borgès Da Silva.

Cette dernière s’inquiète toutefois que la division entre vaccinés et non-vaccinés « crée des tensions familiales ». « Je n’aurais pas osé personnellement, même si le gouvernement a raison du point de vue de la transmission », confie-t-elle.

À l’Hôpital général juif, le spécialiste des maladies infectieuses Matthew Oughton aurait été quant à lui « plus prudent ». « Ce n’est pas facile politiquement de l’être alors que les gens veulent relaxer, voir leur famille, leurs amis, mais en même temps, ça ne veut pas dire qu’on doit ignorer la réalité. On a encore un nombre croissant de cas, et on n’a même pas touché à ce que pourrait être Omicron. J’aurais préféré qu’on maintienne les niveaux actuels, à 10 personnes », dit le DOughton.

Avec Tommy Chouinard, La Presse

« Il fallait que les choses changent »

Des citoyens rencontrés par La Presse se réjouissent des consignes en vue des rassemblements des Fêtes.

Plus de liberté. Plus pratique. Plus agréable. Les Montréalais rencontrés par La Presse mardi soir ont accueilli favorablement les assouplissements du temps des Fêtes, qui permettront les rassemblements privés de 20 personnes à compter du 23 décembre. Ils sont toutefois mitigés à propos de la mise en garde de Québec, qui recommande « très fortement » que seules les personnes adéquatement vaccinées puissent se rassembler.

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Hilda Mahama et Souhir Saber, rencontrées mardi au Complexe Desjardins, à Montréal

« Je suis vraiment, vraiment contente. On a un peu plus de liberté », se réjouit Souhir Saber. « On pense accueillir plus de personnes pour célébrer », renchérit son amie Hilda Mahama, rencontrée mardi soir au Complexe Desjardins, à Montréal. La limite à l’intérieur est actuellement fixée à 10 personnes, mais elle passera à 20 personnes à compter du 23 décembre.

La jeune femme ne voulait pas revivre le même scénario qu’en 2020. « L’année dernière, c’était triste. Cette année, on ne veut pas vivre des choses comme ça. Il fallait que les choses changent », s’exclame-t-elle.

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Carmen Monico et sa fille Abigaelle

Carmen Monico est du même avis. « C’est beaucoup plus agréable pour les grandes familles, puisque c’est plus pratique pour se rassembler. Je pense que c’est une bonne façon de nous motiver, vu qu’on ne sait pas ce qui nous attend en 2022 », affirme la femme, qui s’attend à recevoir plusieurs invitations de souper de Noël avec l’assouplissement des mesures.

« On va voir toute la famille : les cousins, les cousines, les amis », s’exclame sa fille Abigaelle, 8 ans.

« On ne pourrait pas être plus heureux »

Gilberto Lucero et ses deux enfants, Luna et Leo, âgés de 9 ans, sont aussi très satisfaits des nouvelles mesures. « On est arrivés à Montréal il y a quelques mois. C’est une des villes les plus excitantes où nous avons habité. On a été se faire vacciner samedi et on ne pourrait pas être plus heureux », s’est exclamé le père. Ses parents, qui résident aux États-Unis, viendront leur rendre visite à Noël.

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Gilberto Lucero et ses deux enfants, Leo et Luna

Ritchy Morose est également satisfait des assouplissements. « À 20 personnes, c’est beaucoup plus facile pour se voir. Je n’ai pas une grosse famille. Ma famille, ce sont mes amis, alors c’est plus facile pour moi quand on peut être plus nombreux. »

Pour son ami Florent Deschênes, cette nouvelle mesure ne changera pas ses plans. « J’avais déjà prévu être seulement avec ma petite famille de quatre. Mais c’est bien pour les autres », dit-il.

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Michelle Lemyre et son conjoint, Jean-François Thibault

Michelle Lemyre et son conjoint, Jean-François Thibault, préféraient toutefois la limite de 10 personnes. « Plus petit, c’est mieux. Quand on est trop, on ne peut pas tout contrôler », soutient la femme, qui passera Noël en compagnie de ses deux enfants et de son petit-enfant.

La vaccination divise

Les rassemblements de 20 personnes ne sont pas recommandés aux non-vaccinés, a précisé le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda. Pour Serge Benayoun, qui se baladait mardi soir avec sa fille Constance, cette nouvelle règle ne pose aucun problème. « C’est ça qu’il faut, il n’y a aucune hésitation là-dessus. On ne fréquente pas les personnes qui ne sont pas vaccinées », dit-il en riant.

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Serge Benayoun et sa fille Constance

Florent Deschênes se questionne toutefois sur la mise en application de cette mesure. « En théorie, c’est correct, mais en pratique, je ne sais pas comment les personnes vont vérifier. Est-ce que la personne qui reçoit va vraiment regarder les passeports vaccinaux de ses invités ? Ça risque d’être plus difficile », soutient-il.

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Florent Deschênes et Ritchy Morose

De son côté, Mme Mahama déplore que les personnes non vaccinées soient fortement incitées à ne pas se joindre aux festivités. « La vaccination, c’est un choix personnel. Les personnes qui ne sont pas vaccinées auraient pu mettre un masque, par exemple, mais on ne peut pas les empêcher de vivre un beau Noël », indique-t-elle.

L’accès à la troisième dose élargi

Administration de la troisième dose, bilan à la hausse et tests rapides sous le sapin : la pandémie s’est une fois de plus invitée à Québec. Les partis de l’opposition ont aussi accentué la pression sur le gouvernement Legault en faisant front commun pour qu’il déclenche une enquête publique sur la gestion de la crise sanitaire.

Dose de rappel

Québec a annoncé mardi qu’il élargissait l’administration d’une dose de rappel de vaccin contre la COVID-19 aux travailleurs de la santé, aux personnes souffrant de maladie chronique, aux femmes enceintes et aux habitants de secteurs isolés, comme les communautés autochtones et le Nunavik. Ces groupes peuvent dès maintenant prendre rendez-vous sur la plateforme Clic Santé si un délai de six mois depuis l’administration de la deuxième dose est respecté.

Le gouvernement recommande aussi au groupe des 60 à 69 ans de se prémunir d’une dose de rappel. Ceux-ci pourront prendre rendez-vous en janvier (à compter du 4 janvier pour les 65 à 69 ans et à compter du 6 janvier pour les 60 à 64 ans). Les personnes souffrant de maladie chronique et le personnel du réseau de la santé et des services sociaux forment un groupe d’environ 1 million de personnes à vacciner.

« On a un équilibre » à maintenir dans les cliniques, a précisé le ministre Dubé, rappelant que la vaccination dans les ressources d’hébergement pour aînés, des 70 ans et plus et des enfants se poursuit.

La semaine dernière, le Comité consultatif national de l’immunisation a donné le feu vert à l’administration d’une troisième dose des vaccins de Pfizer et de Moderna à tous les adultes canadiens, et particulièrement aux 50 ans et plus. Pour l’heure, le Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ) ne recommande pas de troisième dose à d’autres groupes que les 60 ans et plus. « La dose de rappel pourrait être offerte aux autres adultes par la suite, selon l’évaluation de la situation par les autorités gouvernementales », écrit le CIQ.

Des tests rapides pour Noël

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Daniel Paré, directeur général de la gestion exécutive et opérationnelle de la pandémie

Québec a toujours dans sa ligne de mire la distribution de tests rapides de dépistage à la population pour les Fêtes. Le gouvernement Legault a demandé à Ottawa 10 millions d’autotests qu’on espère livrés d’ici Noël. « Dans notre vision, c’est des autotests pour tout le monde, c’est là qu’on veut aller. Si on reçoit 10 millions de tests en décembre, puis janvier, on est capables de les distribuer », a fait valoir le ministre Dubé.

Ces autotests seraient distribués gratuitement, s’est avancé le directeur général de la gestion exécutive et opérationnelle de la pandémie, Daniel Paré. Il a indiqué plancher également sur un plan de distribution. Ces tests seraient en priorité distribués aux enfants du primaire, puisqu’ils ne peuvent être adéquatement vaccinés pour les Fêtes.

La semaine dernière, le ministre Dubé évoquait également que ces tests pourraient être également en pharmacie. Québec a déjà confirmé le déploiement de tests rapides dans le réseau des services de garde.

Front commun des oppositions

L’opposition a fait front commun mardi pour augmenter la pression sur le gouvernement Legault. Les partis réclament le déclenchement d’une enquête publique sur la gestion de la pandémie – une demande qu’ils martèlent depuis plusieurs mois. Mais ce sont les dernières révélations de Radio-Canada au sujet de courriels transmis par des gestionnaires de CHSLD à de hauts fonctionnaires et qui sonnaient l’alarme dès la mi-mars qui ont ravivé leur demande.

La cheffe libérale, Dominique Anglade, reproche au gouvernement de faire de « l’aveuglement volontaire » et d’avoir « une relation trouble avec les faits et la vérité ».

Ces nouvelles révélations prouvent « que c’est l’ensemble de l’œuvre qu’il faut analyser », a affirmé pour sa part le chef parlementaire du Parti québécois, Joël Arseneau.

« Une tragédie comme celle qui s’est produite au printemps 2020, ça justifie qu’on aille au fond des choses, puis ça justifie qu’on ait toute la vérité. Si François Legault n’est pas capable de le comprendre, il y a un problème », a fait valoir Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire.

Au Salon bleu, le premier ministre a martelé que « malheureusement, avant le mois de mars, personne n’a soupçonné l’étendue de ce qui s’en venait dans les CHSLD ». La protectrice du citoyen a démontré dans son rapport déposé en novembre que des « actions ont été prises » dans les CHSLD à la mi-avril seulement.

Appel à tous

À quoi ressemblera votre réveillon ?

Dès le 23 décembre, les rassemblements de 20 personnes vaccinées seront autorisés pour les Fêtes. Après une année sans réveillon en 2020, nous aimerions connaître vos plans pour celui de cette année.

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