Depuis l’arrivée du Delta, aucune nouvelle forme du virus n’avait suscité autant d’inquiétude sur la planète. Que savons-nous de ce nouveau variant « préoccupant » baptisé Omicron ? La Presse a posé la question à des experts.

Pourquoi est-il « préoccupant » ?

Parce qu’il présente un plus grand nombre de mutations que le variant Delta, dont certaines sont jugées « préoccupantes » par l’Organisation mondiale de la santé. « Il pourrait permettre une transmission accrue ou échapper à la vaccination, mais il n’y a rien de prouvé encore », souligne Caroline Quach, spécialiste des maladies infectieuses pédiatriques et microbiologiste médicale au CHU Sainte-Justine, à Montréal. Autre source d’inquiétude : le nombre de cas et la part attribuée à ce nouveau variant augmentent très rapidement en Afrique australe, où il a d’abord été détecté le 24 novembre. « En deux semaines, dans certaines régions d’Afrique du Sud, il est rendu à 75 % de toutes les souches séquencées. La progression semble très rapide », explique Alain Lamarre, professeur et chercheur en immunologie et en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique.

Quel est son effet sur les vaccins ?

Pour l’instant, l’efficacité des vaccins contre cette nouvelle forme du coronavirus est à l’étude. Pfizer et Moderna ont commencé à faire des tests pour analyser sa résistance aux vaccins, mais il va falloir attendre quelques semaines avant d’avoir des résultats. Moderna a tout de même déjà annoncé son intention de développer une dose de rappel spécifique pour le nouveau variant Omicron.

Pourrait-il supplanter le Delta ?

« Ça risque d’arriver s’il est plus contagieux, parce qu’il va circuler plus rapidement et toucher plus de monde », indique Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. « Ce n’est pas impossible », ajoute Alain Lamarre, compte tenu de ce qu’on observe dans la région d’Afrique du Sud où des cas sont apparus. La plupart des experts s’attendaient à ce que le prochain variant préoccupant soit le fruit d’une évolution du Delta, mais l’Omicron appartient à une souche complètement distincte.

Risque-t-il d’arriver au Québec ?

« Absolument ! Pas de doute qu’il va arriver au Québec avec les déplacements internationaux, assure Mme Borgès Da Silva. Il faudrait vivre en autarcie, comme l’ont fait la Nouvelle-Zélande et l’Australie au début de la crise, pour avoir une chance de ne pas l’avoir sur le territoire. Mais ça me paraît impossible. Il vaut mieux mettre en place des filets de sécurité et des outils de dépistage, pour que tout le monde s’implique dans sa gestion des risques. » Alain Lamarre croit quant à lui que ce nouveau variant est peut-être même déjà ici. « Ça fait probablement plus de trois semaines qu’il circule en Afrique du Sud. Il a eu le temps de se propager à d’autres endroits sur la planète et c’est possible qu’il soit déjà au Canada », dit-il. Un cas a été signalé à Hong Kong, un en Israël sur une personne revenue du Malawi et un autre en Belgique.

Peut-on se mettre à l’abri ?

On peut ralentir son apparition et sa propagation au Canada. « Mais s’il devient prédominant, on ne sera pas capables de l’empêcher de venir ici », dit Alain Lamarre, qui conseille de réactiver nos mécanismes de surveillance, dont les tests PCR de criblage, même si on n’a pas encore de cas connus du variant Omicron. « Peut-être qu’il y a aussi moyen d’augmenter un peu plus la couverture de séquençage pour être sûrs qu’on n’en laisse pas passer, ajoute-t-il. Et puis, une fois qu’on en détecte, si on en détecte, il faut être très rapides pour isoler les gens et les mettre en quarantaine, et faire des tests PCR pour confirmer les cas potentiels de l’entourage de ces cas dépistés. »

Faut-il adopter des mesures en prévision des Fêtes ?

De l’avis des experts, il faut rester prudent et continuer à respecter les consignes sanitaires. « Il y a une montée qui est nette, en ce moment, du nombre de cas, rappelle M. Lamarre. Ça ne se traduit pas encore par une augmentation de patients dans les hôpitaux et une augmentation des décès, mais ce n’est pas le moment de baisser la garde. » À ceux qui comptent se réunir pendant les Fêtes, Mme Da Silva conseille d’ouvrir les fenêtres 10 minutes, toutes les heures, pour changer l’air, et d’essayer, dans la mesure du possible, de garder ses distances. « Ce qui est important de rappeler, c’est de rester vigilant, mais de ne pas provoquer de panique, résume-t-elle. Il faut aussi être préventif, par exemple en déployant les tests rapides le plus vite possible pour prévenir des contagions. »