(Ottawa) Le gouvernement canadien fait face à une pression croissante pour renoncer au brevet sur le vaccin contre la COVID-19 de Johnson & Johnson afin de permettre à un fabricant canadien d’exporter une version à bas prix en Bolivie.

Le gouvernement bolivien a conclu un accord avec l’entreprise ontarienne Biolyse Pharma afin d’obtenir une licence obligatoire pour produire et exporter les vaccins contre la COVID-19 sans l’autorisation du titulaire du brevet.

Le processus, peu utilisé, est légal en vertu du Régime canadien d’accès aux médicaments qui a été conçu pour permettre l’exportation de médicaments brevetés vers des pays en développement confrontés à des crises de santé publique telles que le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose.

Le ministre bolivien du Commerce extérieur et de l’Intégration, Benjamin Blanco, s’est associé au NPD fédéral lors d’une conférence de presse pour annoncer que la demande du pays est ignorée depuis des mois.

« Plus le temps passe, plus il y a de vies perdues, et il y a une quatrième vague où tous les pays du monde sont durement touchés, surtout les pays en développement », a-t-il plaidé mardi par l’intermédiaire d’un traducteur.

La députée néo-démocrate Niki Ashton affirme que ces vaccins sauveraient des vies en Bolivie, et que le Canada doit accorder la licence obligatoire qui permettrait sa production.

« L’essentiel ici est de sauver des vies. Ce que nous devons faire, c’est permettre au Canada de faire partie de la solution », a souligné Mme Ashton.

Jusqu’à présent, les représentants du gouvernement canadien n’ont pas répondu à la demande de la Bolivie.

Des représentants de Santé Canada et d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada ont rencontré l’entreprise pharmaceutique Biolyse avec l’objectif de discuter du processus de licence obligatoire et des exigences de Santé Canada, selon une déclaration transmise mardi par un porte-parole du ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne.

« Notre gouvernement a été un ardent défenseur de l’accès équitable aux vaccins contre la COVID-19 abordables, sûrs et vitaux dans le monde entier. Notre approche a été guidée par la compréhension que cette pandémie ne sera terminée nulle part tant qu’elle ne sera pas terminée partout », a écrit John Powers.

Il n’a toutefois pas précisé si le Canada envisageait d’aller de l’avant avec la demande de la Bolivie.

Il est possible que si le Canada devait prendre des risques et renoncer aux brevets pour les vaccins et les traitements contre la COVID-19, le pays se mette à dos les sociétés pharmaceutiques sur lesquelles il compte pour son propre approvisionnement en vaccins.

Mais le porte-parole du NPD en matière de santé, Don Davies, a mentionné que cela fait partie d’être un leader.

« Nous parlons d’un assouplissement responsable, judicieux, raisonnable et ciblé des règles relatives aux brevets dans le but de faciliter la production de vaccins qui sauvent des vies, a déclaré M. Davies. Je pense que ce n’est pas seulement une position responsable, je pense que c’est la seule décision éthique et, franchement, c’est la seule décision pragmatique ».

Le Régime canadien d’accès aux médicaments a été critiqué pour sa lourdeur et sa lenteur, ce qui rend difficile l’acheminement rapide de l’aide nécessaire vers les pays en développement.

Les critiques ont ajouté que le numéro de téléphone associé au programme est hors service et que le site internet répertoriant les médicaments applicables au programme était devenu inactif.

« Je trouve cela odieux, a mentionné John Fulton, porte-parole de Biolyse. Si nous ne pouvons pas utiliser (le Régime canadien d’accès aux médicaments) pour une pandémie mondiale qui tue des millions de millions de personnes, alors à quoi cela sert-il vraiment ? »

Plusieurs autres groupes ont demandé au Canada d’ajouter les vaccins contre la COVID-19 à la liste des médicaments du Régime canadien d’accès aux médicaments.

« Dans les pays à faible revenu du monde entier, nous constatons un taux d’environ 4 % (de vaccination) », a souligné Adam Houston, responsable de la politique médicale et de la défense des droits pour Médecins sans frontières Canada.

« Il y a certainement un besoin de vaccins, en particulier dans les pays à faible revenu ».

L’été dernier, Médecins sans frontières a envoyé une lettre aux ministres fédéraux pour leur faire part de ses préoccupations concernant les obstacles à l’accord entre la Bolivie et l’entreprise Biolyse.

Bien que le groupe cite plusieurs problèmes liés au programme, il mentionne que le Canada devrait au moins suivre son propre processus pour faire parvenir les vaccins à ceux qui en ont besoin.

Même si la Bolivie et Biolyse Pharma obtiennent le feu vert, il faudra des mois pour mettre en place et préparer la production. Biolyse aurait également besoin de l’aide de Johnson & Johnson, ou sera contrainte de soumettre de nouveaux essais cliniques pour approbation avant de pouvoir commencer la production et l’exportation du produit à grande échelle.

Pendant ce temps, l’idée d’une dérogation internationale à l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ou ADPIC, a fait son chemin, mais le Canada a été réticent à prendre position.

Une telle dérogation permettrait aux pays en développement d’importer plus facilement l’expertise, l’équipement et les ingrédients nécessaires à la fabrication de leurs propres vaccins.