(Washington) Un vaccin, mais pas d’aiguille. Depuis le début de la pandémie, les projets de vaccination contre la COVID-19 grâce à des timbres transdermiques se multiplient, témoignant d’un mouvement qui pourrait bien révolutionner la façon dont seront administrés les vaccins à l’avenir.

La technique pourra éviter quelques crises de larmes à certains enfants, peu adeptes des seringues. Mais elle présente surtout de nombreux autres avantages, notamment en matière de distribution, ou d’efficacité accrue.

Une étude sur des souris, publiée vendredi dans la revue Science Advances, a révélé des résultats prometteurs.

Le timbre utilisé : un carré de 1 cm sur 1 cm, en plastique, avec à sa surface plus de 5000 minuscules pics, « si petits que vous ne pouvez même pas les voir », a décrit à l’AFP le Dr David Muller, co-auteur de l’étude et virologue à l’université du Queensland, en Australie.

PHOTO UNIVERSITÉ DU QUEENSLAND, VIA AGENCE FRANCE-PRESSE

Le timbre transdermique est un carré de 1 cm sur 1 cm, en plastique, avec à sa surface des milliers de minuscules pics minuscules, invisibles à l’œil nu. On le voit dans son applicateur, qui a la forme d'une rondelle de hockey.

Ces pointes ont été recouvertes du vaccin, qui se dépose dans la peau lorsque celles-ci la pénètrent.

Le timbre est mis à l’aide d’un applicateur (qui a la forme d'une petite rondelle de hockey). La sensation est seulement celle d’une pichenette, ou d’un morceau de scratch pressé contre la peau.

Les chercheurs ont utilisé ici un vaccin dit sous-unitaire, reproduisant une protéine propre au virus SARS-Cov-2 : la protéine spike.  

Des souris ont été vaccinées avec le timbre transdermique (appliqué pendant deux minutes), et d’autres à l’aide d’aiguilles.  

Pour les premières, « nous avons obtenu une réponse d’anticorps très forte, y compris dans les poumons, ce qui est important pour la COVID-19 » a détaillé le chercheur. Les résultats obtenus ont largement « surpassé » la vaccination par aiguille, assure-t-il.

Dans un deuxième temps, l’efficacité d’une seule dose a été évaluée. En utilisant un adjuvant, qui sert à stimuler la réponse immunitaire, les souris ne sont alors « pas du tout tombées malades ».

Facile à administrer, pas besoin d'infirmières

Pourquoi une telle efficacité ?

Les vaccins sont généralement administrés par injections intramusculaires. Or le muscle ne présente « pas beaucoup de cellules immunitaires, requises pour prendre en charge le vaccin », comparé à la peau, explique le Dr Muller.

De plus, l’insertion des pointes du timbre provoque d’infimes blessures, qui alertent le corps d’un problème et stimulent ainsi la réaction immunitaire.  

Pour le scientifique, les avantages de la technique sont clairs : d’abord, le vaccin peut rester stable durant un mois à 25 °C, et une semaine à 40 °C (contre quelques heures à température ambiante pour les vaccins de Pfizer ou Moderna). Cela permet une moindre dépendance à la chaîne du froid, qui constitue « un défi pour les pays en développement ».

De plus, « c’est incroyablement facile à administrer » : plus besoin de personnel soignant entraîné.

Burak Ozdoganlar, professeur d’ingénierie à l’université Carnegie Mellon de Pittsburgh aux États-Unis, travaille lui aussi, depuis 2007, sur ces timbres transdermiques.

Beaucoup moins de vaccin nécessaire

Et il voit un autre avantage : « une quantité moins importante de vaccin, délivrée précisément dans la peau, peut produire une réponse immunitaire similaire à une injection intramusculaire », souligne-t-il. Un facteur important au moment où les pays se battent pour des doses.

Le professeur Ozdoganlar peut produire dans son laboratoire 300 à 400 timbres par jour.

Mais il regrette de ne pouvoir tester les vaccins à ARN messager de Pfizer ou Moderna, faute d’y être autorisé par ces deux compagnies pharmaceutiques.

Le timbre utilisé dans l’étude publiée vendredi a été fabriqué par la société australienne Vaxxas, la plus avancée dans le secteur. Des essais cliniques de phase 1 sont prévus à partir d’avril.  

Deux autres entreprises américaines se sont également lancées : Micron Biomedical, et Vaxess.

Cette dernière, fondée en 2013 et basée dans le Massachusetts, travaille sur un timbre un peu différent. Le vaccin est placé dans les pointes mêmes, qui se dissolvent dans la peau pour le libérer.

Envoyé par la poste et auto-administré

« Nous travaillons sur un vaccin saisonnier contre la COVID-19 et la grippe combiné, qui sera directement envoyé par la poste aux patients pour qu’ils se l’administrent eux-mêmes », a déclaré à l’AFP son PDG, Michael Schrader.

Le vaccin anti-COVID-19 utilisé sera celui de la société Medigen, autorisé à Taïwan.

Vaxess vient d’ouvrir une usine près de Boston, grâce à des financements de l’Institut national des maladies infectieuses (NIAID) américain. Le but : produire assez de timbres transdermiques pour vacciner 2000 à 3000 personnes dans le cadre d’essais cliniques, qui doivent être lancés l’été prochain.

Car la capacité de production reste le vrai frein à l’avènement de cette technologie, qui pourrait être utilisée pour bien d’autres vaccins ou médicaments.

« C'est le futur »

« Si vous voulez lancer un vaccin, vous devez en produire des centaines de millions. Et nous n’avons pas cette échelle aujourd’hui. Personne ne l’a », a expliqué M. Schrader qui prédit de premiers produits sur le marché dans les trois années qui viennent.

Mais l’urgence de la pandémie a donné un coup d’accélérateur, se félicite-t-il, en attirant les investisseurs.

« De mon point de vue, c’est le futur, c’est inévitable », martèle le patron. « Dans les dix prochaines années, on verra une refonte radicale des moyens de distribuer les vaccins dans le monde. »