(Montréal) Le Québec dénombre depuis le début de la pandémie plus de 11 300 décès liés à la COVID-19. Sur une population totale d’environ 8,5 millions, c’est donc environ un Québécois sur 753 qui a perdu la vie après avoir contracté le virus.

Pour l’ensemble du pays qui compte plus de 27 600 morts, le taux de décès par habitant de la COVID-19 est d’un Canadien sur 1388. Ces proportions « frappent un peu », mais elles ne sont pas surprenantes pour l’expert en virologie Benoit Barbeau.

« Les statistiques évoquent surtout notre première confrontation avec le virus et puis nos premiers échecs qui ont démontré qu’à bien des niveaux, on était mal préparé pour bien se protéger, identifier et suivre un virus respiratoire de la sorte qui se transmet assez efficacement », avance le professeur au département des sciences biologiques à l’UQAM.

Un de ces échecs qui collent toujours au bilan québécois se trouve dans les CHSLD et résidences privées pour aînés. La première vague a été particulièrement dévastatrice en raison des multiples éclosions dans ces établissements, où est survenue une grande partie des décès, mentionne le Dr Gaston De Serres.

« Et ce par la suite, cela a été corrigé. Il y en a eu encore des éclosions, mais jamais de la même ampleur et de la même fréquence que lors du début de la pandémie », fait valoir le médecin-épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec.

M. Barbeau rappelle qu’au printemps 2020, Montréal a été l’épicentre de la pandémie au pays avec une entrée massive du virus, expliquant possiblement le taux décès par habitant plus élevé au Québec.

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L’expert en virologie Benoit Barbeau

Les deux experts notent aussi certaines lacunes dans la gestion et la préparation au cours des premiers mois de la crise sanitaire : absence d’un comité d’urgence, quantité insuffisante d’équipement de protection, un système de santé moins flexible et un manque de connaissance concernant la transmission.

On avait une certaine confiance exagérée devant notre capacité parce qu’on est dans un pays du G7 avec des connaissances médicales exemplaires et des infrastructures qui pouvaient répondre très rapidement. On s’est aperçu qu’un virus peut en quelques instants vous montrer à quel point vous avez des défaillances dans votre système.

Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques à l’UQAM

Le Québec a toutefois appris de ces erreurs et a ensuite adopté des mesures sanitaires plus strictes, lui permettant de mieux traverser la troisième vague contrairement à d’autres provinces, expose M. Barbeau.

Un Américain sur 500

Chez nos voisins du Sud, la fréquence des décès par habitant s’avère encore plus marquée. Un Américain sur 500 est décédé en raison du coronavirus après que le pays eut dépassé les 663 000 morts, a publié récemment le Washington Post.

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Calculé en fonction du nombre de cas rapportés de COVID-19, le taux de mortalité américain est similaire à celui du Canada. Sur 42 millions d’infections jusqu’à maintenant aux États-Unis, il y a eu un décès par 62 cas rapportés. Tandis qu’avec ses 1,6 million d’infections, le Canada compte un décès pour 60 cas rapportés, détaille le Dr De Serres.

« Mais comme les États-Unis ont tellement eu plus de COVID que le Canada, évidemment la proportion d’Américains qui ont été touchés et le nombre de décès par habitant sont beaucoup plus élevés que chez nous », résume-t-il.

Les États-Unis ont été frappés par « un tsunami », mentionne M. Barbeau, notamment en raison d’une polarisation politique entourant les enjeux de santé publique et d’une moins grande adhésion aux mesures sanitaires dans certains États.

« Ce fut une grosse grande vague qui s’est estompée, mais qui soudainement reprend parce que ce sont les gens non vaccinés qui sont les plus infectés », indique le virologue.

Meilleur contrôle

Étant maintenant beaucoup mieux outillé pour affronter le virus, il serait « très improbable » que le Québec connaisse des niveaux de décès similaires à ceux des première et deuxième vagues, soutient le Dr De Serres.

La couverture vaccinale atteignant plus de 95 % chez les personnes les plus vulnérables et des mesures sanitaires toujours en place permettent au Québec de mieux s’en sortir.

« Notre capacité d’éviter les décès est bien meilleure. Les soins se sont améliorés, il y a des choses qu’on sait maintenant sur comment traiter des personnes souffrant de la COVID sérieuse qui mène à l’hospitalisation. Donc, il y a eu des diminutions des taux de létalité », ajoute le médecin-épidémiologiste.

Des inconnus demeurent toutefois concernant la transformation du virus, indique M. Barbeau. Selon lui, les scénarios sont multiples quant aux propriétés de futurs variants.

« En ce moment, on observe que les changements sont relativement aux mêmes endroits sur le spicule, ce qui peut nous réconforter qu’il y a possiblement certaines limites de ce que le virus peut faire, précise-t-il. Mais, on est au début de voir ce que le virus peut se permettre devant une population hautement vaccinée. »

Santé-Québec a rapporté cinq nouveaux décès liés à la COVID-19, portant le bilan des victimes à 11 354. Des 31 personnes admises à l’hôpital, 25 n’étaient pas adéquatement vaccinés. Les six personnes nouvellement admises aux soins intensifs ne l’étaient pas non plus.