(Québec) Le ministre de la Santé n’en démord pas : les 20 000 travailleurs du réseau public de la santé et des services sociaux non vaccinés seront suspendus sans solde au 15 octobre. De ce nombre, la moitié est en contact direct avec les patients. Les établissements doivent maintenant se préparer à les remplacer, tranche Christian Dubé. C’est « la moins pire solution », affirme pour sa part François Legault.

Christian Dubé a écrit aux patrons des CIUSSS et des CISSS pour leur demander d’élaborer un plan de contingence visant à remplacer les travailleurs de la santé qui ne seront pas pleinement vaccinés au 15 octobre. Ceux-ci seront suspendus sans solde. « Ce que j’ai dit, c’est : parlez-moi pas de bris de services, je vous parle de réorganisation de services. C’est bien différent », a lancé le ministre.

Il donne un mois aux établissements pour se préparer aux départs d’employés non vaccinés alors que tout le réseau est déjà grandement fragilisé par la pénurie de main-d’œuvre.

Comme le rapportait La Presse jeudi, au moins 20 000 travailleurs de la santé et des services sociaux n’ont toujours pas encore reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19. Compte tenu de l’intervalle minimal de quatre semaines entre les deux doses, combiné au délai de sept jours exigé pour être totalement protégé, il devient mathématiquement impossible pour eux de respecter les exigences.

Le ministre Christian Dubé maintient la ligne dure : tous les employés qui ne seront pas pleinement vaccinés au 15 octobre seront suspendus sans solde. « Je ne bougerai pas là-dessus », a-t-il affirmé.

« J’aime mieux avoir un préposé aux bénéficiaires qui vient d’une agence qui est doublement vacciné plutôt qu’un travailleur pas vacciné qui vient du réseau », a illustré M. Dubé.

Suspendre tous ces employés sans solde demeure « la moins pire solution », selon le premier ministre François Legault. « Moi, si j’étais patient dans un hôpital, je n’accepterais pas qu’une infirmière non vaccinée soit proche de moi », a-t-il dit en mêlée de presse.

« Est-ce qu’il y a des patients vulnérables au Québec qui iraient subir une dialyse, qui accepteraient que l’infirmière qui fait affaire avec le patient ne soit pas vaccinée ? Moi, je pense que non. Ça veut dire que ces personnes-là ne pourront pas travailler [à partir du 15 octobre]. Ça va venir augmenter notre problème de manque d’infirmières. Quelle est la moins pire solution ? Nous, on pense que c’est de retirer les personnes qui ne sont pas doublement vaccinées », a ajouté le premier ministre.

Lors de la commission parlementaire sur la vaccination obligatoire, le 26 août, Christian Dubé affirmait que 10 % des travailleurs du réseau public n’avaient pas encore reçu une dose de vaccin, soit environ 30 000 personnes. À l’heure actuelle, la couverture vaccinale (une seule dose) atteint 93 % alors que 89 % des travailleurs de la santé et des services sociaux sont pleinement vaccinés.

Il dit vouloir présenter la semaine prochaine un plan prévoyant l’embauche d’au moins 4 à 5000 infirmières. « Cet automne, ce que je veux, c’est avoir mis en place ce plan-là […]. Dans la prochaine semaine, on va vous revenir, puis on va vous dire : vici comment, dans les prochaines semaines, on va être capable d’aller chercher un certain nombre d’infirmières qui vont venir nous aider pour l’automne », a-t-il expliqué.

Mercredi, le premier ministre François Legault a ouvert la porte à une nouvelle bonification de la rémunération des infirmières. Il s’est même dit prêt à offrir les mêmes conditions qu’au privé.

Il manque au moins 4000 infirmières à l’heure actuelle dans le réseau. Quelque 2887 travailleurs de la santé sont aussi absents du réseau pour des raisons liées à la COVID-19. En début de semaine, le ministre Dubé a affirmé que des ruptures de services et des activités de délestage sont en vue pour l’automne.

Le décret sur la vaccination obligatoire n’a pas encore été publié.

Anglade appuie le gouvernement

La cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade, appuie le gouvernement qui promet de placer en congé sans solde les 20 000 travailleurs du réseau de la santé qui ne seront pas doublement vaccinés le 15 octobre prochain.

« Le premier ministre a envoyé son message. Depuis longtemps qu’on dit qu’il faut que ces personnes-là soient vaccinées. Il faut qu’elles soient vaccinées pour qu’elles puissent rentrer au travail. C’est tout », a déclaré Mme Anglade jeudi. La cheffe libérale réclame également que la vaccination obligatoire soit étendue à tous les employés du secteur public, y compris en éducation, où la pénurie d’enseignants est importante.

À l’opposé, les chefs de Québec solidaire et du Parti québécois, Gabriel Nadeau-Dubois et Paul St-Pierre Plamondon, jugent que la décision prise par Québec et appuyée par les libéraux est « irresponsable ».

« On ne peut pas foncer tête baissée, les yeux fermés, dans la vaccination obligatoire mur à mur en pleine pénurie de main-d’œuvre dans les services publics. L’approche du Parti libéral du Québec est complètement irresponsable. […] Il faut procéder avec prudence, avec modération », a dit M. Nadeau-Dubois. Ce dernier n’a pas précisé ce que Québec doit faire à son avis avec les travailleurs qui n’ont pas reçu deux doses du vaccin contre la COVID-19 le 15 octobre.

À ce sujet, Paul St-Pierre Plamondon considère pour sa part qu’il faut laisser ces travailleurs en poste en leur imposant des tests de dépistage quotidien, un maximum de télétravail et un contact minimal avec les patients à risque. « Un congé sans solde indéfini, ça ressemble à un congédiement déguisé. […] Mettre à la porte 20 000 personnes avec l’état actuel des bris de services [dans le réseau de la santé], c’est de la folie. On ne peut pas se permettre ça », a-t-il déclaré.

La députée du Parti conservateur du Québec, Claire Samson a interrogé le ministre de la Santé sur le sujet au Salon bleu. « Le gouvernement tient-il pour acquis que les mesures d’urgence sanitaire lui permettent de suspendre des médecins qui sont des travailleurs autonomes et d’employés du secteur privé, […] et peut-il se départir de tous ces éléments-là ? », a-t-elle demandé lors de sa première intervention en Chambre depuis qu’elle représente la formation conservatrice.

« Je pense qu’il faut trouver différentes alternatives et c’est pour ça que j’ai demandé aux différents PDG quels sont les différents plans de contingence ou de réorganisation qu’on peut avoir autant du côté public que du côté du privé pour être certains qu’on minimise les interruptions en ce moment », a répondu M. Dubé. La vaccination obligatoire s’applique aussi aux médecins et aux personnels de la santé du secteur privé.

Avec Tommy Chouinard