Plusieurs chefs fédéraux ont condamné lundi les manifestations antivaccins tenues devant des hôpitaux un peu partout au Canada, dont celle qui a eu lieu à Montréal, aux abords du Centre universitaire de santé McGill. La mairesse Valérie Plante n’a pas hésité à qualifier ces actions de « dégueulasses ».

D’emblée, les libéraux, les néo-démocrates et les conservateurs se sont engagés à rendre illégale l’obstruction visant des soins de santé, alors que la Colombie-Britannique devenait la troisième province à instaurer un passeport vaccinal.

« À travers le pays aujourd’hui, on est en train de voir dans différents hôpitaux l’installation de barricades pour protéger les travailleurs contre les antivaccins. Ce n’est pas correct. Dans ce pays, on est là les uns pour les autres », a dénoncé le chef libéral, Justin Trudeau, en point de presse à Vancouver.

Lundi après-midi, une « veillée silencieuse » contre l’obligation vaccinale a été déplacée hors du terrain du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Nordia German, de l’association Canadian Frontline Nurses, qui organisait l’évènement, a affirmé être « pour la liberté de choix », en distribuant des roses à la vingtaine de gens présents.

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Des rassemblements semblables se sont tenus dans plusieurs villes du pays, comme Toronto, Winnipeg, Halifax et Calgary. Les membres de Canadian Frontline Nurses affirment vouloir prendre position contre ce qu’ils qualifient de « mesures tyranniques » et « d’excès ».

Muni d’une pancarte qui qualifiait le vaccin de « poison » et d’« expérimental », un homme a lancé que « le virus n’exist[ait] pas ». En face de lui, Trudy Glaudemans, une citoyenne, tenait à être présente pour exprimer son désaccord avec l’évènement.

« Les urgences sont débordées, a-t-elle souligné. Faites-vous vacciner et revenons-en à la normale ensuite. » Elle tenait fermement une pancarte où l’on pouvait lire « l’avantage de se faire vacciner, ce n’est pas une opinion, c’est de la science ».

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Devant le CUSM, un manifestant antivaccin affirmait que le coronavirus n'existait pas.

À ses côtés, Mary Ellen Davis s’est dite « très émue » par le message de Mme Glaudemans. « Il faut juste être raisonnable et protéger les autres », a-t-elle soutenu, affirmant vouloir être là pour les travailleurs du CUSM, au cas « où quelque chose leur arriverait ».

Les chefs de partis dénoncent les manifestations

Si Justin Trudeau est réélu, son gouvernement promet d’ériger en infraction « le fait d’obstruer le passage à tout bâtiment abritant des services de santé », dont les hôpitaux, les centres de vaccination, les cliniques d’avortement et les pharmacies. « On va aussi rendre ça illégal d’intimider ou menacer tout professionnel de la santé, ou bien tout patient qui est en train d’aller chercher des soins », a assuré M. Trudeau.

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Le chef libéral Justin Trudeau en point de presse à Vancouver

« Je suis d’accord que c’est un peu ridicule qu’on en soit rendu à ce point-ci », a reconnu le chef libéral, en déplorant de « devoir dire de façon explicite que non, on ne devrait pas faire peur aux infirmières qui travaillent, on ne devrait pas cracher et crier après des médecins qui doivent sauver des vies ».

Chez les néo-démocrates, Jagmeet Singh avait déjà annoncé le 5 septembre dernier son intention de « faire du harcèlement ou de l’obstruction de l’accès aux soins de santé une infraction au Code criminel et à faire de l’agression contre les travailleurs et travailleuses de la santé une circonstance aggravante dans la détermination de la peine ». Un hôpital n’est jamais « un endroit pour manifester », a-t-il soutenu lundi. « Aucun travailleur et aucun patient ne devrait être limité de quelconque façon pour obtenir les soins dont il a besoin. Les professionnels sont déjà fatigués. Ne risquez pas la vie des patients », a insisté M. Singh, en s’adressant aux manifestants.

Depuis Ottawa, le chef conservateur Erin O’Toole a aussi parlé d’évènements « totalement inacceptables ». « J’ai beaucoup de respect pour les travailleurs de la santé. Le harcèlement et les manifestations contre nos hôpitaux, c’est totalement inacceptable. En plein milieu d’une pandémie, on doit travailler ensemble, on doit s’unir comme pays », a-t-il fait valoir. « Si nécessaire, les forces de l’ordre doivent être déployées pour empêcher cela », a-t-il ensuite ajouté sur Twitter.

Par courriel, le Parti conservateur a également précisé que la Loi sur la protection des infrastructures essentielles qu’il veut faire adopter « précisera encore plus clairement qu’il s’agit d’une infraction pénale d’entraver l’accès à un établissement de santé et de garantir que la police dispose du soutien dont elle a besoin pour assurer la sécurité de nos travailleurs de la santé ». « Les manifestations pacifiques sont un droit fondamental au Canada, mais le respect de la primauté du droit fait en sorte que les barrages illégaux bloquant l’accès à des infrastructures critiques, menaçant l’accès à des fournitures essentielles ou mettant des vies en danger ne peuvent pas être tolérés », a confirmé le directeur des communications, Axel Rioux.

« J’invite les opposants au vaccin, quels que soient leurs arguments, à utiliser des moyens décents pour les exprimer », a quant à lui indiqué le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, lors d’une mêlée de presse lundi matin. Il a du même coup rappelé que les personnes qui fréquentent les hôpitaux « le font rarement par choix ». « De l’autre côté, les professionnels qui font l’objet d’une intimidation pour leur travail, c’est absolument inacceptable », a martelé M. Blanchet.

Valérie Plante « en colère »

La mairesse Valérie Plante a fortement réagi à la tenue de la manifestation devant le CUSM. « Je suis outrée, je suis en colère », a-t-elle dit devant l’hôtel de ville de Montréal. « Des antivaccins qui s’en vont écœurer des travailleurs de la santé qui donnent tout, qui sont au front, ce n’est pas normal. »

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La mairesse de Montréal, Valérie Plante

L’élue a affirmé que ces manifestations sont du même acabit que les rassemblements de la semaine dernière devant une école secondaire de Montréal. « Je trouve ça dégueulasse », a-t-elle dit, ajoutant que les avocats de la Ville de Montréal se penchent sur la possibilité d’utiliser des moyens légaux pour empêcher ce genre d’évènements autour des locaux appartenant à la municipalité.

Sur Twitter, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a affirmé que « les antivaccins choisissent une mauvaise cible, alors que ce sont principalement les non-vaccinés qui engorgent notre réseau de santé ». « Tenter de bloquer l’accès aux hôpitaux n’aide en rien le débat. La police surveillera de près les manifestations », a-t-il assuré.

Au Québec, selon l’Institut national de santé publique (INSPQ), 93,1 % des travailleurs de la santé ont reçu au moins une dose et 89,3 % sont considérés comme adéquatement vaccinés.