Pas question de reconfiner la province, assure le premier ministre

Le Québec devra se résigner à vivre avec la COVID-19 et accepter de voir plus de personnes hospitalisées, prévient François Legault. Mais pour éviter que les hôpitaux débordent, son gouvernement impose la vaccination obligatoire dans le réseau de la santé, une mesure décriée par des syndicats.

« Il va falloir apprendre à vivre avec le virus. Ça veut dire que pour un bon bout de temps, il va falloir accepter un certain risque et qu’il va y avoir des personnes qui vont être hospitalisées pour la COVID », a affirmé M. Legault en conférence de presse, mardi après-midi.

Devant la hausse de la propagation du virus, le premier ministre n’envisage pas de reconfiner la province. « Je vais tout faire pour qu’il n’y ait pas de reconfinement. Pour le moment, il n’y a aucune intention à court ou moyen terme de reconfiner », a-t-il ajouté.

Cela ne signifie pas pour autant que Québec jette l’éponge, souligne en entrevue André Veillette, professeur de médecine et directeur de l’Unité de recherche en oncologie moléculaire à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM). « Vivre avec le virus, ça veut dire d’apprendre à l’éviter le plus possible », évoque-t-il.

À la vaccination doivent s’ajouter d’autres mesures sanitaires, selon l’expert, comme le port du masque N95 dans certains milieux, l’usage de tests rapides et une meilleure ventilation dans les écoles. « Ce sont des mesures qui font que même si le virus va être autour, même si on va coexister avec le virus dans l’environnement, on ne va pas l’attraper », explique M. Veillette.

Projections inquiétantes

Avec la hausse du nombre d’hospitalisations, le personnel de la santé devra faire face à une charge de travail plus grande. Le manque de personnel, notamment le manque d’infirmières aux soins intensifs, est donc problématique, a aussi indiqué le premier ministre en conférence de presse. « On a assez de lits, mais on manque d’infirmières. »

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Le manque de personnel, jumelé à la hausse des hospitalisations, inquiète le premier ministre. « Il y a un mois, on avait 55 hospitalisations, aujourd’hui, on en a 171. Quand on parle avec l’INESSS [Institut national d’excellence en santé et services sociaux], l’INSPQ [Institut national de santé publique du Québec] et les experts de santé publique, ils prévoient que ça va continuer d’augmenter dans les prochains jours et les prochaines semaines. »

Les plus récentes prévisions de l’INESSS montrent que les prochaines semaines seront critiques pour les hôpitaux, particulièrement ceux du Grand Montréal.

Pour le Grand Montréal, les projections suggèrent que le taux d’occupation des lits ordinaires et de soins intensifs augmentera dans les trois prochaines semaines.

Même si présentement le taux d’occupation des lits réguliers [9 %] et des soins intensifs [19 %] est relativement bas, celui-ci pourrait augmenter au courant des prochaines semaines, particulièrement aux soins intensifs.

Extrait du rapport de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux

« Diminuer les hospitalisations va sûrement nécessiter une couverture [vaccinale] maximale », lance Benoît Barbeau, virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Même si des études internationales révèlent que les vaccins perdent de leur efficacité au fil du temps (voir onglet suivant), ils permettent de réduire les risques d’hospitalisation, et ce, même contre le variant Delta, souligne le virologue.

À l’heure actuelle, Québec est davantage en « mode observation » de l’évolution des cas, selon M. Barbeau. Plutôt que d’imposer un gros ensemble de restrictions, « on peut y aller progressivement, puis regarder ce qui va bien fonctionner », affirme-t-il, en rappelant que le passeport vaccinal est un « gros morceau » à avaler pour les Québécois.

Vaccination obligatoire

Afin de venir en aide au système de santé, la vaccination sera obligatoire à partir du 15 octobre pour tous les intervenants de la santé et des services sociaux, autant ceux du public que du privé. « On ne peut pas accepter que des travailleurs mettent des personnes vulnérables à risque », a affirmé le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, en conférence de presse mardi.

Les employés qui ne sont pas vaccinés seront suspendus sans solde. « Il ne vous reste que quelques jours pour vous faire vacciner », a-t-il soutenu.

Les visiteurs et les proches aidants devront aussi présenter le passeport vaccinal pour visiter les patients.

Il s’agit d’une « excellente nouvelle », selon André Veillette. « Pour moi, ça ouvre la porte à ce que ce soit potentiellement [appliqué] à d’autres situations, soit par les employeurs ou les dirigeants d’institutions d’éducation comme les universités », estime-t-il.

À l’heure actuelle, 87 % des Québécois de 12 ans et plus ont reçu au moins une première dose et 80 % ont reçu deux doses. Québec vise une couverture de 90 % des 12 ans et plus d’ici la fin de septembre.

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Au total, 13 % des Québécois n’ont reçu aucune dose.

Ça n’a pas l’air beaucoup, 13 %, mais ce sont des centaines de milliers de personnes. On ne peut pas se permettre d’avoir des milliers de personnes dans les hôpitaux.

François Legault, premier ministre du Québec

Il a rappelé l’importance de la vaccination pour diminuer les risques de complications liées au virus. « Si vous êtes doublement vacciné, vous avez 30 fois moins de [risques] d’être hospitalisé à cause de la COVID. »

Changement de cap

Contrairement à ce qu’il avait annoncé le mois dernier, le comité d’éthique de l’INSPQ se dit désormais en faveur de la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé, à condition que la mesure exceptionnelle demeure temporaire.

« Le [Comité d’éthique en santé publique] considère que la vaccination obligatoire des [travailleurs de la santé] peut se justifier au nom de l’application du principe de précaution, dans la mesure où la prépondérance des bénéfices sur les inconvénients a fait l’objet d’une évaluation rigoureuse », peut-on lire dans un avis rendu public mardi.

Cette mesure pourrait être modulée ou retardée au besoin, selon l’évolution des taux de vaccination des travailleurs de la santé ou l’efficacité des autres mesures, précise le comité.