(Québec) Le gouvernement Legault souhaite imposer l’usage du passeport vaccinal pour entrer à l’Assemblée nationale, selon ce qu’a appris La Presse Canadienne mercredi.

Si ce scénario est retenu, les 125 élus de l’Assemblée devraient montrer qu’ils ont bien reçu les deux doses de vaccin contre le virus de la COVID-19 chaque fois qu’ils se présentent au parlement, de même que l’ensemble du personnel politique et administratif de l’institution, sans compter les journalistes et les nombreux visiteurs.

Par ce geste, Québec voudrait donner l’exemple, en se montrant déterminé à tout mettre en œuvre en vue de limiter la propagation du variant Delta.

Cependant, le gouvernement n’a pas le pouvoir de décréter une telle mesure. Les décisions reliées au fonctionnement du parlement et à son accès ne relèvent pas de lui, mais plutôt du président de l’Assemblée nationale, François Paradis, et du Bureau de l’Assemblée nationale (BAN), qui regroupe des élus des différentes formations politiques. On peut présumer que l’accord des partis représentés à l’Assemblée devrait être acquis pour adopter une telle mesure.

Depuis mercredi, le passeport vaccinal est exigé dans tous les établissements offrant des services jugés non essentiels : bars restaurants, gyms, notamment. Seules les personnes ayant reçu leurs deux doses de vaccin peuvent donc y prendre place, après avoir exhibé leur passeport numérique avec code QR, plus une carte d’identité avec photo. La mesure vise les clients, mais pas les employés.

En temps normal, des milliers de personnes fourmillent autour et à l’intérieur de l’Assemblée nationale. Sans compter les élus (qui sont en principe tous vaccinés), les journalistes et le personnel affecté à la sécurité, les corridors du parlement voient défiler quelque 700 employés administratifs et plus de 400 employés des cabinets politiques. Beaucoup d’entre eux sont actuellement en télétravail.

De plus, avant la pandémie, le parlement, surnommé la Maison du peuple, ouvrait ses portes à plus de 120 000 visiteurs chaque année. Depuis mars 2020, l’entrée leur est interdite.

La question de la pertinence d’imposer le passeport vaccinal au parlement risque de soulever des débats. Que fera-t-on des employés qui ne sont pas vaccinés ? Que dira-t-on aux experts invités en commission parlementaire qui n’ont pas leur sésame pour entrer au parlement et tenter d’influencer les législateurs ?

Par exemple, dès le 21 septembre, débute une vaste consultation de neuf jours sur la promotion de la langue française autour du projet de loi 96, qui chapeaute une réforme de la loi 101. Plus d’une cinquantaine d’experts, intervenants et organismes y participeront, soit en personne ou en visioconférence. La participation à l’exercice en personne sera-t-elle réservée à ceux ayant été doublement vaccinés ?

Sur la colline parlementaire, l’ambiance est actuellement au resserrement des mesures sanitaires et des contrôles de sécurité.

Mercredi, le Café du Parlement annonçait que pour manger sur place on devrait désormais montrer patte blanche et exhiber un passeport vaccinal et une pièce d’identité avec photo.

Les journalistes de la tribune de la presse doivent aussi dorénavant montrer leur passeport pour assister aux points de presse du premier ministre.

Le bureau du président de l’Assemblée nationale a refusé de commenter le sujet mercredi.

Dans les rangs de l’opposition, on fait valoir que la décision d’aller éventuellement en ce sens devra être prise sur une base consensuelle entre les partis et à partir d’une recommandation de la santé publique.

Le nouveau chef parlementaire de l’opposition péquiste, Joël Arseneau, a dit ne pas avoir d’objection de principe, mais qu’il faudra déterminer les modalités d’application et prévoir les échéances.

Pour ce qui est des personnes invitées à témoigner en commission parlementaire, « il est hors de question qu’on brime la liberté des gens, qu’on censure des gens sur la base de l’application d’un passeport vaccinal », a-t-il indiqué en entrevue téléphonique. Il s’interroge aussi à savoir si l’application d’une telle mesure en milieu de travail se défendrait sur le plan légal.

La leader parlementaire de Québec solidaire, Christine Labrie, s’explique mal la nouvelle orientation gouvernementale, qu’elle qualifie de « broche à foin », en faisant valoir qu’au départ la mesure ne devait pas viser les employés.

L’imposition du passeport vaccinal à l’Assemblée soulèverait des enjeux quant au droit au travail, a-t-elle rappelé en entrevue téléphonique, estimant que ce nouveau contexte milite encore davantage pour la tenue d’une commission parlementaire sur le sujet, une demande maintes fois formulée par les partis d’opposition et rejetée par le gouvernement.