En pleine quatrième vague, des médecins de famille craignent l’abolition imminente de cliniques « chaudes », désignées pour les patients qui veulent consulter même s’ils présentent des symptômes associés à la COVID-19. Avec le taux de vaccination jugé élevé, d’autres acteurs du milieu de la santé se veulent toutefois rassurants.

À partir du 6 septembre, tous les patients qui désirent voir un médecin de famille seront à nouveau reçus dans une même clinique, qu’ils soient symptomatiques ou non.

Depuis le début de la pandémie, les patients présentant des symptômes sont envoyés dans les cliniques « chaudes », aussi appelées cliniques désignées d’évaluation (CDE). Pour éviter toute contagion, ces centres médicaux se trouvent dans des lieux distincts des cliniques « froides », qui reçoivent le reste de la clientèle. Le Québec compte 99 cliniques « chaudes ».

Le médecin de famille Daniel Laurin, qui pratique à Laval dans une clinique « froide », est inquiet du moment choisi pour abolir la distinction. « Je comprends le principe, mais avec l’augmentation du variant Delta, beaucoup de médecins doivent être très anxieux en ce moment », fait-il valoir. L’annonce de la fermeture des cliniques « chaudes » date du mois de juin, et le DLaurin soutient que la situation a changé depuis.

Même son de cloche pour le DLouis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, qui redoute la quatrième vague.

Si demain matin on ferme les cliniques désignées et que ça ne va pas bien, ça va être compliqué de les rouvrir.

Le DLouis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec

Passer de plusieurs cliniques « chaudes » à aucune est un changement brusque, estime Marie-Pascale Pomey, professeure titulaire à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM). Garder un centre médical de ce type par région est « un bon entre-deux », à son avis. « C’est certain qu’on a un haut taux de vaccination, mais les gens vont continuer d’attraper le virus et d’être malades », poursuit-elle.

S’adapter au virus qui est là pour de bon

Le ministère de la Santé ne compte pas revenir sur sa décision du 6 septembre. L’heure est venue « de tendre vers la nouvelle normalité et de mettre en place les mesures de prévention et de contrôle des infections (PCI) liées à la COVID, et ce, de façon permanente », explique la porte-parole du ministère, Noémie Vanheuverzwijn.

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’ESPUM, partage cette opinion.

Avec le système de soins qui est sous tension, on ne peut pas se permettre de multiplier les ressources avec des cliniques désignées qui seraient peut-être peu utilisées.

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’ESPUM

De son côté, Daniel Laurin redoute la réaction des patients, puisque des gens venus pour un mal de dos devront désormais faire la file avec des gens qui toussent. « Je ne suis pas certain que les patients vont aimer se faire envoyer dans la même salle où les gens potentiellement infectés vont être aussi », avance-t-il.

Les directives envoyées par le Ministère au sujet des salles d’attente recommandent d’utiliser une chaise sur deux lorsque possible ou de prévoir des panneaux de plexiglas entre les sièges.

La population ne doit pas s’inquiéter, estime Roxane Borgès Da Silva. Cette dernière met de l’avant l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 et soutient « qu’on ne peut pas faire fonctionner une société sur la base » d’un petit pourcentage de gens non vaccinés.

« Grosses réflexions » pour les cliniques

S’il dit comprendre qu’un retour à la normale doit se faire un jour, Daniel Laurin souligne que les cliniques devront entreprendre « de grosses réflexions » au sujet de leur organisation.

Dans une même journée, le personnel soignant devra alterner entre des patients venus pour un mal de genou et d’autres qui présentent des symptômes de COVID-19. Pour soigner ces derniers, ils devront revêtir blouse, masque N95 et visière.

Daniel Laurin précise toutefois que le gouvernement n’envoie pas les médecins « à l’abattoir ». Les équipements pour traiter les patients avec des symptômes seront fournis.

Parmi ces changements en vue « de la nouvelle normalité », les cliniques de dépistage doivent être maintenues, d’après Roxane Borgès Da Silva. Le fait que des personnes vaccinées ne se font pas dépister explique entre autres la sous-estimation du nombre de cas.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux assure que les services de dépistage pour la population demeureront les mêmes que lors des autres vagues.