L’annonce de la vaccination obligatoire pour le personnel soignant, afin de contrer le variant Delta, suscite la surprise et la crainte chez les syndicats de travailleurs de la santé.

Jérôme Rousseau, vice-président de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), s’est dit étonné « de l’intensité de la mesure » annoncée par le gouvernement Legault en point de presse. Il fait valoir que les professionnels de la santé font partie des groupes les plus vaccinés. Pour ces travailleurs, les chiffres s’élèvent à 91 % pour la première dose et à 84 % pour la seconde, selon Marjorie Larouche, relationniste au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Dans ce contexte, M. Rousseau se questionne sur l’imposition d’une mesure « qui s’attaque à de gros droits ». À ce sujet, MJeremy Little, du cabinet d’avocats OLS Québec, soutient qu’une « question centrale dans ce dossier risque d’être la conformité aux exigences des chartes de droits et libertés de la personne ».

Au sujet des travailleurs qui refuseraient la vaccination, François Legault a affirmé en conférence de presse qu’ils ne pourraient plus travailler. « Maintenant, est-ce qu’ils seront payés ? Est-ce qu’ils seront payés en partie ? C’est des choses qu’il faut regarder et discuter », a expliqué le premier ministre.

En ce qui a trait aux conséquences liées au refus de vaccination, M. Rousseau affirme que le syndicat évaluera « au cas par cas ». Ce dernier espère voir des accommodements pour les gens qui ne peuvent être vaccinés pour des raisons médicales.

Si Jérôme Rousseau reconnaît que la vaccination est la meilleure arme contre la pandémie, il souligne que les gens vaccinés peuvent tout de même transmettre le virus. « Ce qui m’inquiète surtout, c’est qu’il n’y a eu aucun mot sur le dépistage », poursuit-il au sujet du point de presse. Il soutient que les mesures de protection dans les hôpitaux, la prévention, l’information et la sensibilisation doivent aussi se poursuivre.

Craintes pour la main-d’œuvre

De son côté, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) craint que cette mesure n’aggrave la pénurie de main-d’œuvre dans le domaine de la santé.

Si, en souhaitant mieux protéger la population, le gouvernement génère de l’opposition et de la méfiance au sein du personnel, les effets sur le terrain iront à l’encontre de ceux recherchés, en continuant d’augmenter la pression sur le personnel restant et en diminuant la qualité des services aux patients.

Éric Gingras, président de la CSQ, dans un communiqué

Le président Éric Gingras dit prôner l’adhésion aux mesures sanitaires au sein du personnel plutôt que l’obligation. « Jusqu’à maintenant, la preuve est faite que les messages positifs et rassembleurs donnent des résultats et démontrent que l’on peut convaincre la population d’adhérer aux mesures sanitaires », soutient-il.

Meilleur environnement de soins

Benoit Barbeau, virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), estime qu’il est impératif d’offrir le meilleur environnement de soins possible. « Et puis, dans ce sens-là, d’imposer la vaccination à ces gens-là, ça demeure une autre décision qui va minimiser la transmission du virus », croit-il.

Le professeur juge également que cette mesure permettra de protéger des patients atteints de certaines maladies qui les mettent plus à risque de présenter des symptômes graves de la COVID-19.

« Je crois qu’en ce moment, avec l’arrivée de la quatrième vague, le retour en classe des enfants, le retour dans les lieux de travail de nombreuses personnes, on veut éviter qu’il y ait un cocktail d’éclosions », souligne-t-il. Le virologue rappelle que les vaccins sont efficaces contre tous les variants.

Avec Fanny Lévesque, La Presse