La rentrée scolaire se fera en partie avec un masque, ce qui n’empêche pas parents et experts de craindre une hausse marquée des cas de COVID-19 au primaire, où les enfants ne sont pas vaccinés. Ce qu’ils redoutent le plus, même si les cas demeurent rares, c’est la COVID longue, qui peut engendrer toutes sortes de problèmes, même chez les enfants.

La COVID longue, Tyler, 11 ans, l’a vécue l’année dernière. Sa mère, qui travaille comme préposée aux bénéficiaires dans un CHSLD de Montréal, a été infectée à la fin du mois d’octobre 2020. Elle a transmis le virus à son mari et à son fils. « Au début, Tyler faisait de la fièvre et était fatigué. Il se promenait dans la maison et il se disait confus », se remémore sa mère, Julie Cloutier.

Ses symptômes ont perduré pendant un peu plus de deux semaines, puis se sont graduellement dissipés. Près de trois mois plus tard, le jeune garçon a toutefois commencé à avoir des éruptions cutanées. « Il avait les yeux pochés, presque noirs, et il avait des éruptions sur son visage et sur son corps. On voyait qu’il n’allait pas bien », raconte-t-elle.

Sa mère a consulté à quelques reprises des spécialistes, sans succès. « Ils n’ont jamais trouvé ce que c’était. Ils disaient que c’était peut-être un virus. J’ai essayé toutes sortes de crèmes. »

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Tyler, 11 ans, et sa mère, Julie Cloutier

C’est dans le cadre d’une étude sur la COVID-19, quelques mois plus tard, que la mère de Tyler apprend que son fils est bel et bien atteint de la COVID longue. « J’ai parlé de mon fils à la chercheuse et elle m’a dit que plusieurs personnes ont des éruptions cutanées avant et après leur infection », dit-elle.

Des parents inquiets

Mercredi, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a annoncé que les élèves devront porter le masque à la rentrée scolaire, à la fin du mois. Mais ils pourront le retirer en classe et au service de garde, notamment (voir onglet 3).

Une mesure qui inquiète Dominic Lavoie, père de deux enfants de 6 et 10 ans.

Je suis terrifié à l’idée que les enfants ne portent pas de masque en classe lorsqu’une nouvelle vague encore plus sérieuse s’amorce.

Dominic Lavoie, père de deux enfants

« Plusieurs hôpitaux pour enfants aux États-Unis sont remplis, et on prévoit des complications à long terme avec la COVID-19 longue », dit M. Lavoie.

Gabriel Kaufman, père de deux enfants de 7 et 11 ans, s’inquiète de la rentrée scolaire. « Je crains pour leur santé. Le reste de la famille est vacciné, mais eux ne sont pas admissibles », dit-il.

Geneviève Dallaire, médecin et mère d’un garçon de 11 ans, est outrée par les nouvelles mesures, qu’elle juge insuffisantes. « Partout ailleurs, le variant Delta fait des ravages chez les enfants de moins de 12 ans, en plus de donner plusieurs cas de COVID longue. Pourquoi ne pas profiter de ce préavis pour agir ? Pourquoi ne pas user de prudence envers nos plus vulnérables ? », se demande-t-elle.

Du soutien à travers le Canada

La COVID longue chez les enfants demeure très peu connue. En avril 2021, une première clinique post-COVID-19 destinée aux enfants a ouvert ses portes au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine, à Montréal. « À partir de janvier 2021, on a eu des appels de médecins pour nous adresser des enfants qui avaient des symptômes persistants. On a créé la clinique en avril pour voir ces patients », indique la Dre Sze Man Tse, pneumologue et responsable de la clinique. Depuis avril, la clinique a reçu une quinzaine de patients.

On voit souvent des douleurs thoraciques, des essoufflements à l’effort et des palpitations.

La Dre Sze Man Tse, pneumologue et responsable de la clinique

Des groupes de soutien sont également en train de voir le jour à travers le monde. Au Canada, le groupe Facebook Long COVID Kids Canada compte plus de 170 membres.

Jessie-Lynn MacDonald, d’Ottawa, en fait partie. En septembre dernier, son fils Finlay, 11 ans, qui ne se sentait pas bien, a reçu un diagnostic de COVID-19. Il avait mal à la tête et au ventre et était extrêmement fatigué.

PHOTO FOURNIE PAR JESSIE-LYNN MACDONALD

Finlay, 11 ans, atteint de la COVID longue

Près d’un an plus tard, Finlay lutte toujours contre ces symptômes. « Il a toujours des maux de tête, des étourdissements, des problèmes d’estomac, des essoufflements, de la fatigue et il a maintenant des acouphènes. Le docteur a dit que c’est son corps qui réagit au virus », raconte sa mère.

Le jeune garçon craint le retour à l’école en septembre. « C’est vraiment difficile pour lui. Ça fait presque 11 mois et il ne sait jamais quand ses symptômes vont se manifester. Il a très peur de rattraper la COVID-19 », témoigne sa mère.

« Extrêmement difficile »

Kayleigh, 15 ans, souffre aussi de COVID longue. L’adolescente de Toronto a été infectée en octobre 2020. Dans les trois semaines qui ont suivi son infection, elle a eu tous les symptômes typiques du virus : perte du goût et de l’odorat, maux de tête, toux, essoufflement, manque d’énergie, somnolence extrême. Ses symptômes se sont ensuite atténués dans les semaines qui ont suivi.

PHOTO FOURNIE PAR DESIREE ST-PIERRE MCCUE

Kayleigh, 15 ans, atteinte de la COVID longue

Mais en mars, les symptômes sont revenus en force. « Elle a commencé à avoir des bleus sur la poitrine, les bras, le ventre, le cou et le visage, ainsi que des maux de tête constants, des vomissements et des crachats de sang, une somnolence extrême, un manque d’énergie et un brouillard cérébral », énumère sa mère, Desiree St-Pierre McCue.

La jeune fille a subi une panoplie de tests. Les résultats étaient tous normaux. « Les docteurs ont dit que c’était une question de santé mentale et d’automutilation. Elle a trouvé ça extrêmement difficile et frustrant », raconte sa mère, qui milite pour que la COVID longue chez les enfants soit davantage reconnue.

Vers une augmentation des hospitalisations

Avec la propagation du variant Delta et la hausse du nombre de cas, les enfants non vaccinés risquent d’être plus vulnérables, prévient Cécile Tremblay, microbiologiste infectiologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). « On voit le nombre d’infections augmenter chez les enfants, et ce, partout où le variant [Delta] est prédominant », soutient-elle.

Une augmentation des hospitalisations chez les enfants est également à prévoir, estime la Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre, microbiologiste et infectiologue au Centre hospitalier universitaire mère-enfant Sainte-Justine.

On semble voir une augmentation des hospitalisations aux États-Unis, donc on estime qu’on va avoir la même chose ici. La transmission communautaire reprend et on recommence à avoir des admissions.

La Dre Caroline Quach-Thanh, du CHU Sainte-Justine

La Dre Quach-Thanh s’attend toutefois à une baisse des hospitalisations chez les 12 ans et plus, puisqu’ils ont désormais accès à la vaccination. « Le seul groupe d’âge qui reste encore vulnérable, ce sont les moins de 12 ans. »

Hospitalisations peu fréquentes

Les hospitalisations chez les enfants demeurent toutefois peu fréquentes, rappelle la Dre Quach-Thanh. Au Québec, 79 534 enfants de 0 à 19 ans ont contracté la COVID-19 depuis le début de la pandémie.

Au total, 186 enfants âgés de 0 à 9 ans et 126 jeunes de 10 à 19 ans ont été hospitalisés. Selon les données de l’INSPQ, 30 enfants de 0 à 9 ans et 27 de 10 à 19 ans ont été admis aux soins intensifs. Aucun n’a été hospitalisé pendant les vacances scolaires en juillet et en août 2021.

« Trois cents enfants hospitalisés sur la totalité des cas rapportés en pédiatrie, c’est quand même une toute petite proportion et pour la plupart, ce n’était pas aussi dramatique que chez les adultes », soutient la Dre Quach-Thanh.

Afin de protéger les enfants, la population admissible doit se faire vacciner au maximum, clament les spécialistes. « Le meilleur moyen de les protéger à la rentrée scolaire, c’est que les adultes et les adolescents soient bien vaccinés, pour avoir une protection communautaire », conclut la Dre Quach-Thanh.

20 %

Proportion des cas confirmés de COVID-19 au Québec chez les jeunes de 0 à 19 ans depuis le début de la pandémie.

2 morts

Un garçon et une fille de 10 à 19 ans sont morts de complications liées au virus au Québec depuis le début de la pandémie. Aucun enfant de 0 à 9 ans n’est mort.

Source : Institut national de santé publique du Québec