(Québec) L’état d’urgence sanitaire, qui confère des pouvoirs extraordinaires au gouvernement pour gérer la crise de la COVID-19, sera maintenu plus longtemps que prévu, au-delà de la fin d’août, a indiqué le premier ministre François Legault mercredi. Il rejette l’idée de soumettre le passeport vaccinal à une consultation à l'Assemblée nationale, craignant les dérapages.

Lors de l’annonce de son plan de déconfinement à la fin du printemps, il avait laissé présager l’abandon de l’urgence sanitaire à la fin d’août. L’état d’urgence permet au gouvernement, entre autres, de conclure des contrats de gré à gré sans passer par le processus habituel d’appels d’offres, d’imposer des consignes sanitaires et de suspendre des clauses des conventions collectives de ses employés. Le gouvernement le renouvelle périodiquement par décret du Conseil des ministres depuis mars 2020, alors que l’opposition souhaite que ce soit soumis au débat à l’Assemblée nationale.

Il est nécessaire que le gouvernement détienne toujours ces pouvoirs devant l’arrivée de la quatrième vague, qui « sera celle des non-vaccinés », et devant l’essor du variant Delta, a plaidé le premier ministre lors d’une conférence de presse dans un marché public de Sainte-Foy, une rare sortie publique de sa part depuis le début de la crise.

« On pense qu’actuellement, l’état d’urgence sanitaire doit être prolongé. On doit être capable comme gouvernement de se donner les pouvoirs pour garder les Québécois en sécurité », a-t-il affirmé.

Les « assouplissements additionnels » aux consignes sanitaires que prévoyait le plan de déconfinement pour la fin d’août sont remis en question dans le contexte actuel. On le voit déjà avec l’annonce du maintien du port du masque à l’école, sauf en classe. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a indiqué que le gouvernement pourrait « peut-être » revenir à un code de couleurs, mais qu’il « n’en [était] pas là en ce moment ».

« La situation a évolué, a changé dans les dernières semaines, a expliqué François Legault. Il y a une augmentation du nombre de cas, et on s’attend à ce qu’il continue d’y avoir une hausse du nombre de cas et d’hospitalisations. Donc, c’est possible que les assouplissements qu’on pensait faire soient reportés à plus tard. C’est en discussion actuellement. »

Il a abordé l’enjeu du port obligatoire du masque. « Pour ce qui est d’enlever le masque, il faut rester prudent. Il y a une quatrième vague, et on espère qu’elle sera la plus petite possible. Ça va dépendre du pourcentage de vaccination qu’on va réussir à obtenir. Plus il y aura de gens vaccinés, plus on va se rapprocher du moment où on pourra enlever le masque », a-t-il dit.

Sans revoir formellement la cible de 75 % des 12 ans et plus adéquatement vaccinés (avec deux doses), il a déclaré que son gouvernement « veut au moins 80 % ».

« C’est quand même possible qu’on ait à court terme l’approbation du gouvernement fédéral pour un vaccin pour les moins de 12 ans », a-t-il mentionné. Les essais cliniques sont en cours.

Le premier ministre rejette par ailleurs l’idée de soumettre l’imposition d’un passeport vaccinal à un débat public à l’Assemblée nationale, dont les travaux reprennent en septembre. Il craint les risques d’une consultation en commission parlementaire sur cet enjeu.

« Pour l’instant, on se sent légitime de mettre en place le passeport vaccinal. On sent qu’on a l’appui de la population. Il faut aussi être prudent, ne pas faire exprès pour donner à des opposants des tribunes qui pourraient influencer la population en utilisant des arguments non fondés », a-t-il soutenu, indiquant que les trois partis de l’opposition reconnus à l’Assemblée nationale ne se sont pas exprimés contre la mesure. Il ne voit pas « l’intérêt d’avoir un débat entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre dans une commission parlementaire ».

Québec solidaire et le Parti québécois réclament depuis un bon moment déjà une commission parlementaire sur le passeport vaccinal, ce dernier demandant même l’adoption d’une loi pour encadrer la mesure. La France a mené un débat sur le « pass sanitaire », et une loi a été adoptée.

« C’est toujours la même histoire avec François Legault : je suis le chef, je décide, arrêtez de me déranger avec vos affaires de démocratie et de débat public, a réagi Gabriel Nadeau-Dubois, de Québec solidaire. Le passeport vaccinal n’est pas une mesure banale. Nous aurions dû consulter des experts. »

Le Parti libéral du Québec estime quant à lui que le gouvernement tarde à mettre en place le passeport vaccinal.

La vaccination obligatoire du personnel de la santé est toujours à l’étude au gouvernement. « On n’a pas pris de décision encore. On veut en discuter entre autres avec les syndicats », a précisé M. Legault, soulignant que cette mesure est appliquée dans certains pays. Il a précisé que le gouvernement n’imposera pas la vaccination aux enseignants ni, par exemple, aux travailleurs du milieu de la restauration.

La sécurité autour des membres du gouvernement sera renforcée après l’incident survenu lors d’une conférence de presse du ministre Christian Dubé mardi. « Je n’étais pas content qu’un manifestant (ait) réussi à déjouer la sécurité », a-t-il dit, assurant avoir toujours confiance dans les services de l’ordre. La sécurité, « ça va être renforcé pour éviter que ce genre d’évènements se reproduise ».